Chapitre 49 : La veille
Cela fait une semaine que je suis enfermée chez moi, et pour une fois, ça ne me dérange pas.
Matt est débordé par son travail, Sabrina m’a dit qu’elle était clouée au lit avec une grosse grippe, et Maeva est toujours chez ses parents, loin dans les Alpes. Je suis seule, et étrangement, cette solitude me fait du bien.
J’ai passé mes journées à potasser mes cours en vue de la rentrée prochaine. Une routine qui me rappelle ce que je veux vraiment : une vie ordinaire, sans défis, sans secrets, sans Hector. Une vie où je pourrais simplement respirer.
Mais les matins brisent cette normalité. Ils sont devenus des rituels silencieux, presque mécaniques. Chaque jour, je me lève, je prends une photo pour Hector, et je l’envoie. Une de plus. Juste assez pour qu’il sache que je suis encore là, que je ne l’ai pas abandonné. Puis je range tout ça dans un coin de ma tête et j’essaie de me concentrer sur autre chose.
Aujourd’hui, pourtant, c’est différent.
Aujourd’hui, c’est la veille.
Depuis ce matin, je ne pense qu’à ça. Le défi. Ce qu’il va me demander. Où je vais devoir aller, ce que je vais devoir faire. J’ai essayé de me plonger dans mes cours, mais rien n’y fait. Les mots sur la page se brouillent, se mêlent, jusqu’à ce que mon esprit dérive à nouveau vers demain soir.
C’est comme une alarme silencieuse dans ma tête, un compte à rebours que je ne peux pas ignorer.
Et pourtant, je me sens prête.
C’est étrange. Presque effrayant. Mais une part de moi est impatiente. Une part de moi a envie d’y être, de finir ce qu’il me demande, de lui prouver que je peux aller jusqu’au bout. Mais surtout, j’ai hâte que ce soit fini.
Je me suis juré que ce serait la dernière fois. Après demain, Hector n’aura plus aucun pouvoir sur moi.
J’ai répété ces mots des dizaines de fois dans ma tête, comme un mantra.
Je lui dirai que je suis reconnaissante. Que ses défis m’ont aidée à me découvrir, à repousser mes limites. Mais que c’est terminé. Que je ne veux plus de cette vie. Que je veux redevenir moi-même.
Ces phrases, je les ai préparées comme on préparerait une plaidoirie. Mot après mot, avec soin, avec précision. J’ai imaginé sa réaction. Son sourire peut-être. Ou peut-être son indifférence. Mais peu importe. Ce sera ma libération.
Et pourtant, une part de moi doute encore.
Et si je n’étais pas capable de le lui dire ?
La journée s’est traînée, interminable.
Je me suis forcée à lire mes cours, à prendre des notes, à m’occuper l’esprit. Mais chaque minute qui passait me rapprochait de demain soir, et l’attente devenait insupportable. L’adrénaline montait doucement, tapissant mes veines d’un mélange d’excitation et d’angoisse.
Quand la lumière du jour a commencé à décliner, j’ai rangé mes livres et me suis allongée sur mon lit. Le plafond, blanc et lisse, semblait me narguer de sa sérénité.
Puis, en début de soirée, mon téléphone a vibré.
C’était lui.
Le message était simple, froid, précis, comme toujours :
"Demain, 21h. Entrepôt abandonné, zone industrielle, sortie 8 de l’autoroute. Prépare-toi."
Un entrepôt abandonné. Rien d’étonnant. Hector choisit toujours des lieux qui reflètent son univers : froids, isolés, où rien ni personne ne viendra déranger ce qu’il a prévu.
En lisant le message, j’ai senti mon cœur s’accélérer. Pas de peur. Pas de panique. Juste… une montée d’adrénaline.
Je pouvais presque visualiser l’endroit. Les grandes structures métalliques, les ombres profondes, le silence oppressant. Un terrain parfaitement neutre, parfaitement vide, où tout peut arriver.
Je me suis assise sur le bord du lit, tenant mon téléphone dans mes mains moites.
"C’est la dernière fois," ai-je murmuré, presque comme pour me convaincre.
Ces mots semblaient flotter dans l’air, mais une part de moi les trouvait creux. Comme si les dire ne suffisait pas à en faire une vérité.
J’ai posé le téléphone sur la table de chevet et me suis levée.
Dans le miroir de ma chambre, je me suis observée un instant. Mon reflet me fixait, presque accusateur.
— "Demain, tout sera terminé," ai-je soufflé.
Annotations
Versions