Chapitre 52 : L'ombre de Sabrina
Je continue.
Mes gestes sont mécaniques, automatiques. Mon esprit, lui, est ailleurs, perdu dans un tourbillon de pensées confuses. Chaque seconde qui passe me semble durer une éternité, mais mon corps agit, obéit, comme il l’a fait tant de fois auparavant.
Je jette un coup d’œil, furtif, vers les fenêtres. Elle n’est plus là.
Sabrina.
Le visage que j’ai vu dans ce reflet, il était réel. J’en suis sûre. Je n’ai pas halluciné. Mais maintenant, il n’y a plus rien. Seulement mon propre reflet, déformé par la lumière tamisée de cet entrepôt oppressant.
Je tourne la tête, légèrement, juste assez pour regarder vers la voiture. Rien. Elle est partie.
À ce moment-là, je sens une main ferme attraper ma tête, me forçant à revenir en face.
— "Regarde-moi. Je t’ai dit de rester concentrée."
La voix est sèche, autoritaire, et ses doigts s’enfoncent un instant dans ma peau avant de me relâcher. Je détourne le regard des fenêtres et reprends, le cœur battant.
Mais mon esprit ne peut s’empêcher de revenir à cette voiture. Sabrina était là. Je l’ai vue. Et maintenant, elle est partie. Pourquoi ? Comment ?
Je tente de repousser ces questions, mais elles reviennent en boucle, martelant mon crâne. Qu’a-t-elle vu ? Qu’a-t-elle compris ? Pourquoi était-elle là, dans cet endroit perdu, à des dizaines de kilomètres de chez elle ?
Mes genoux me brûlent, appuyés sur le sol glacé et rugueux depuis trop longtemps. La douleur est insupportable, comme si mes os allaient se briser. Ma mâchoire me fait affreusement mal, chaque mouvement devenant une torture.
Je n’en peux plus. Mon corps est à bout, mais je continue.
Je regarde autour de moi, cherchant à comprendre combien il en reste. Cinq. Il en reste encore cinq.
La rage monte en moi. Pourquoi suis-je encore là ? Pourquoi ai-je accepté ce défi, ce dernier défi, alors que je savais que je voulais tout arrêter ?
Je m’active, poussée par une seule pensée : en finir. Je veux terminer ce défi, rentrer chez moi, prendre mon téléphone et appeler Sabrina. Je dois lui parler. Je dois tout lui expliquer avant qu’il ne soit trop tard.
Mais qu’est-ce que je vais lui dire ? Comment pourrais-je lui expliquer ce qu’elle a vu ?
Je m’en veux. Je m’en veux tellement.
J’avais enfin pris la décision de tout arrêter. De reprendre ma vie en main. Et maintenant, tout va être gâché. Sabrina a vu quelque chose qu’elle n’aurait jamais dû voir.
Et moi, je suis là, coincée dans cet enfer, incapable de fuir.
La douleur s’intensifie, irradiant de mes genoux et de ma mâchoire jusqu’à tout mon corps. Chaque geste me semble interminable, mais je continue, m’accrochant à cette pensée : c’est bientôt fini. Ça doit l’être.
Mon esprit vacille entre deux pensées : en finir avec ce défi et comprendre pourquoi Sabrina était là. Cette voiture, ce visage dans le reflet… Ces images reviennent sans cesse, s’entremêlant à ma honte et à ma fatigue. Je ne peux pas penser à ça. Pas maintenant.
Je donne tout ce qu’il me reste, toutes mes dernières forces, accélérant le mouvement avec une urgence presque désespérée. Mes mains se font plus pressantes, le masturbant avec vigueur, tandis que ma bouche travaille avec une intensité renouvelée, chaque succion plus profonde, plus rapide, priant pour que ce calvaire prenne fin.
Et finalement, il termine, son corps se tendant sous l'effet de l'orgasme avant de se relâcher, éjaculant dans ma bouche avec une force qui résonne comme une libération.
Je le vois se rhabiller, ajustant son pantalon comme si rien ne s’était passé. Je reste là, agenouillée, immobile, jusqu’à ce qu’il s’éloigne de quelques pas. Puis, sans réfléchir, je me lève brusquement.
Mes jambes me lâchent presque aussitôt. Je trébuche et m’appuie contre le mur pour ne pas tomber. Mes genoux sont tellement engourdis que je ne sens presque plus rien. Ils tremblent sous mon poids, et chaque pas me demande un effort immense.
L’air froid de l’entrepôt s’abat sur ma peau nue. Ce n’est qu’à cet instant que je réalise… Je ne me suis même pas rhabillée.
J’avance, à moitié titubante, jusqu’à l’entrée de l’entrepôt. L’air extérieur, encore plus glacial, m’enveloppe, et je frissonne de tout mon corps.
Je dois sortir. Je dois fuir cet endroit, retrouver ma voiture, et partir aussi loin que possible.
Mais je m’arrête net, figée par un mélange de honte et de peur.
Je ne peux pas partir comme ça.
Je fais demi-tour, courant presque malgré mes jambes tremblantes. J’attrape mes vêtements à la hâte, les enfile maladroitement, mes doigts gelés luttant contre chaque bouton, chaque fermeture.
Quand je me retourne, l’homme est toujours là, m’observant. Son regard est curieux, peut-être même inquiet.
Il ouvre la bouche pour parler, mais je ne lui laisse pas le temps.
Je l’ignore. Je ne veux pas entendre ce qu’il a à dire. Je ne veux plus rien avoir à faire avec tout ça.
Je cours à nouveau vers la sortie. Mes talons claquent contre le béton, et l’écho de mes pas résonne dans l’entrepôt vide.
Chaque foulée est une délivrance, chaque pas me rapproche de ma voiture, de ma liberté.
Je ne me retourne pas.
Pas une seule fois.
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