Chapitre 54 : Je l'ai prévenu
Je savais que cette journée arriverait. Mais je n’aurais jamais imaginé à quel point elle serait brutale.
Je n’ai pas dormi. Pas une seule minute. J’ai passé la nuit à tourner en rond dans mon appartement, mon téléphone à la main, cherchant les mots, cherchant comment expliquer l’inexplicable.
Quand Sabrina a enfin répondu à mon appel ce matin, sa voix était glaciale, comme un coup de couteau qui me transperçait de part en part.
— "Quoi ?!"
Elle n’a même pas pris la peine de dire bonjour. Son ton était sec, cinglant, plein de colère retenue.
Je me suis figée, incapable de parler pendant une seconde. Puis j’ai pris une inspiration tremblante.
— "Sabrina… Je sais que tu te doutes du pourquoi de mon appel."
Un silence tendu s’est installé. Je pouvais presque entendre son souffle rapide à l’autre bout du fil. Quand elle a répondu, sa voix était tremblante, mais pas de peur. De rage.
— "Oui, Cloé. J’imagine que tu as sûrement une magnifique explication à me donner."
Sa voix était chargée de sarcasme, et avant que je puisse dire quoi que ce soit, elle a continué, son ton montant en intensité à chaque mot.
— "Tu veux me parler de ta brillante justification pour le fait de t’être retrouvée NUE, entourée d’une dizaine d’hommes dans un PUTAIN d’entrepôt abandonné, pendant que Matt croit que tu es chez toi, gentiment en train de réviser ?!"
Ces mots m’ont transpercée. Chaque syllabe était une lame qui s’enfonçait un peu plus profondément en moi.
— "Sabrina… Je peux tout t’expliquer…" ai-je balbutié, ma voix brisée par les pleurs qui montaient déjà.
Mais elle ne m’a pas laissé finir.
— "Expliquer quoi, Cloé ?!"* a-t-elle crié, sa voix éclatant dans le silence de mon appartement. "Expliquer pourquoi je t’ai vue, à genoux, dans cette position indécente ? Expliquer pourquoi cette jupe noire et ce chemisier transparent, ceux-là mêmes que tu as achetés avec moi, traînaient à côté de toi ?! Depuis combien de temps ça dure, hein ? Depuis combien de temps tu mens ?"*
Sa voix se brisa légèrement sur la fin. J’ai entendu une infime vibration dans ses mots, quelque chose qui ressemblait à de la douleur. Et c’est ce qui m’a achevée.
— "Sabrina, je… Je suis désolée. Je… Je ne savais pas quoi faire…"
Mais elle ne voulait rien entendre.
— "Désolée ?!" hurla-t-elle, sa voix oscillant entre colère et désespoir. "Tu oses me dire que tu es désolée ?! Cloé, je t’ai regardée dans cet entrepôt. Je t’ai regardée et je ne t’ai pas reconnue. Qu’est-ce qui t’est arrivé ?! Ce n’est pas toi, ça ! Ce n’est pas la Cloé que je connais !"
J’ai senti mes jambes vaciller. J’ai dû m’appuyer contre le mur pour ne pas tomber.
— "Sabrina… C’est compliqué… Je… Je voulais arrêter…"
— "Arrêter ?! Mais tu continues ! Tu mens ! À moi, à Matt, à tout le monde !" Sa voix se brisa complètement, et pour la première fois, j’ai senti qu’elle retenait des larmes. "Comment tu as pu nous faire ça, Cloé ? À Matt ? Il t’aime, bordel ! Tu le sais, non ? Il ferait tout pour toi !"
Ses mots m’écrasaient. Chaque vérité qu’elle lançait était un coup de poing que je ne pouvais esquiver. Mais avant que je ne puisse répondre, elle a lâché ce qui allait m’achever.
— "Je l’ai prévenu."
Ces trois mots ont suffi à me couper le souffle.
— "Je lui ai dit ce que j’ai vu. Tout. Je lui ai dit où tu étais, ce que tu faisais, et avec qui. Et je t’interdis de l’approcher, Cloé. Tu m’entends ?!"
Sa voix, d’abord tremblante de rage, était maintenant pleine d’une détermination froide.
— "Sabrina, non… Tu ne peux pas faire ça… Il ne comprendra pas… Je…"
— "C’est toi qui ne comprends pas !" coupa-t-elle, son ton tranchant comme une lame. "Tu n’as plus le droit de prétendre être quelqu’un que tu n’es pas. Je ne vais pas rester là à regarder Matt se faire détruire par tes mensonges. Si tu l’aimes, alors reste loin de lui."*
Et avant que je ne puisse dire quoi que ce soit d’autre, avant que je ne puisse tenter de me défendre, elle a raccroché.
Le silence qui a suivi était assourdissant.
J’ai laissé tomber mon téléphone sur le sol et me suis laissée glisser le long du mur, mes jambes incapables de me soutenir.
Sabrina avait tout compris. Tout. Elle avait vu ce que je voulais cacher au monde entier. Elle avait vu ce que je ne pouvais même pas regarder en face. Et maintenant, elle avait tout détruit.
Matt savait.
Je suis restée là, assise par terre, incapable de bouger, incapable de penser à autre chose qu’à ces mots.
"Je l’ai prévenu."
Qu’est-ce que je pouvais faire maintenant ?
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