Chapitre 3

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Trois. Il me fallut pas moins de trois Kebabs pour arrêter d’être affamée. Pas d’avoir faim, juste d’être affamée. Avant de succomber pour un quatrième et notamment parce que je commençais à avoir une envie de vomir à force d’ingérer autant de graisse, je me décidai à rentrer chez moi. Heureusement, je n’avais pas beaucoup de route à parcourir. La première chose que je fis en arrivant dans mon appartement fut de prendre une photo de mon visage. Satisfaite de la prise, je me débarrassai de l’apparence de Roberto pour retrouver la mienne. Enfin, celle que je portais à cette époque. Prendre une nouvelle apparence de manière permanente demandait beaucoup plus d’énergie et était bien plus éreintante, me laissant sans force pendant les premières semaines et m'obligeant à des collectes d’énergies régulières. Sans compter les différentes douleurs associés au fait de changer de morphologie. Nerfs, muscles, os… un calvaire ! J’estimais pouvoir user de mon apparence actuelle pendant encore environ deux décennies, la vieillissant si besoin était avant de devoir me trouver une nouvelle identité. Tina s’étira paresseusement en me voyant arriver. Elle avait marqué une hésitation devant mon apparence masculine, mais semblait désormais totalement ravie de me voir et s’approcha pour se frotter à mon pantalon. Je lui grattouillai la tête avant d’enfiler quelque chose de plus confortable, remisant les vêtements de Roberto dans ma buanderie. Je me préparai ensuite à manger, une salade histoire de ne rien prendre de trop lourd pour l’estomac. Enfin, je pris mon téléphone et composai un numéro tout en consultant mes mails. Il n’y avait rien d’intéressant, encore une fois et je retournai sur le mail de Léonard, relisant les informations essentielles.

— Achille Varone. Trente trois ans. A un faible pour les latinos plus jeunes que lui.

Bon. Il me faut décider d’un âge qui ne jure pas avec le visage que j’afficherai…

La tonalité d’attente résonna pas moins de quatre fois avant que mon correspondant ne réponde.

— Bonsoir.

— Salut Jade.

— Cette voix me dit quelque chose…

— Faudrait te décider à lâcher le fixe et à passer sur un portable, ma belle.

J’entendis mon interlocutrice faire claquer sa langue, avec amusement supposai-je. Sa voix un instant après me confirma cette impression.

— Ma chère Brooks ! Ça fait bien longtemps que tu ne m’avais plus contactée ! Tu sais qu’il m’arrive de penser à toi ?

— Ah oui ? Et je porte quoi ?

— Rien du tout. C’était de loin ta tenue que je préférais.

Je ris.

— Ah, tu n’es pas la seule à l’adorer celle-là, si tu savais…

— Je me doute. Je suppose que ce n’est pas un appel de courtoisie. Que puis-je pour toi ?

J’adorais Jade. C’était une femme pleine d’esprit et d’humour. Une qui arrivait à me faire rire, et ce n’était pas le plus évident dans ma vie actuelle.

— J’ai besoin de papiers d’identité.

— Je suppose que je ne veux pas savoir pourquoi.

— Absolument.

— Je t’écoute.

— Roberto Gonzalez. Français de parents immigrés. Âge… (je marquai une hésitation.) Vingt trois ans. Vivant sur Paris. Quartier le moins cher si possible. Je te laisse broder le reste.

— Ok. Va me falloir une photo.

— Je t’envoie ça sur ta boîte mail dans un instant.

— Ça marche. Me faudra un peu de temps.

— Hm…

— C’est pressé ?

— Disons que le plus tôt sera le mieux.

— Après demain, dans la journée. Je peux pas faire mieux. Sauf si tu veux que ça soit bâclé.

— Après demain sera parfait, Jade.

— Heureuse que nous ayons un point d’accord.

Je pouvais sentir son sourire.

— Le payement, comme d’hab ?

— Tu pourrais aussi me l’apporter en personne. Un petit verre, une petite soirée… (lâcha-t-elle d’un ton langoureux qui ne laissait place à aucune équivoque.)

J’esquissai un demi-sourire. L’idée me séduisait grandement, je devais bien l’admettre. Au moins autant qu’elle me peinait.

— Je ne pense pas que ça soit une bonne idée, vu ce qu’il s’est passé la dernière fois.

— C’est vrai que cela fut… désagréable.

Je me pinçai les lèvres, mélancolique.

— J’aurais dû tout stopper bien avant.

— Tu sais, souffrir un peu, ça ne me dérange pas.

— Tu risques bien plus. Une chance pour toi qu’il n’y ait pas eu plus entre nous.

— Je sais que tu me trouvais irrésistible.

— Peut-être bien. (admis-je, amusée, mais conservant toute de même mes distances.) Mais ce n’est pas de l’amour.

— Le cul, c’est bien mieux.

— Merci, Jade. Je t’envoie la photo.

Je l’entendis essayer de me retenir alors que je coupais la communication. J’avais fait l’amour de nombreuses fois avec Jade, au point de commencer à m’attacher à elle. Hypocrisie… Heureusement pour elle, même si nos ébats se voulaient passionnés, ils n’avaient jamais franchi une certaine ligne. Celle de l’amour. Nous en étions restées aux simples soirées sexe, aucune de nous ne cherchant plus. Mais même ainsi, ma faim avait fini par me rattraper et elle avait failli y laisser la vie. Pour un simple baiser. La sonnerie de mon téléphone m’informa de l’arrivée d’un sms. Il provenait de Jade, certainement depuis internet, vu qu’elle n’avait pas de portable.

« Te prends pas la tête. Mais je serais prête à remettre le couvert, si tu le voulais. »

Je souris. Elle était impayable. Mais non, c’était trop risqué. Je soupirai, lui envoyai la photo. Elle n’était pas terrible, mais je la savais à même de la retoucher pour la rendre correcte. Et accompagnai mon mail d’une réponse à son sms.

« Pas envie. Mais je chéris les souvenirs. »

Sa réponse ne tarda pas à arriver.

« Ok. Après demain, sans faute. »

Elle était vexée… Je pouvais vivre avec. Au moins, je ne la mettrais pas en danger. Jade était l’une des rares mortelles à savoir ce que j’étais, ce que je faisais et l’une des seule à être encore en vie, à ma connaissance. Ce qui ne rendait son offre que plus touchante et difficile à refuser. Je la désirais, c’était un fait. Mais je ne l’aimais pas. Pas de la façon qui convient pour une relation. Ça aussi, c’était un fait. Pour le meilleur comme pour le pire… Je lâchai mon téléphone, fermai mon ordinateur et regardai mon appartement en faisant la moue. Je m’ennuyais. Rester seule ce soir me semblait une idée maussade… C’était dans ces moments-là que je regrettais d’avoir coupé toute relation avec les mortels. Je ne comptais pas réellement d’amis, hormis Jade, même si je n’étais pas sûre de pouvoir la considérer réellement comme telle. Et nos échanges m’avaient donné envie de sexe. Un désir qui ne cessait de grandir et de me travailler. Je me rendis compte après quelques secondes que je tapotais la table vernie de mes doigts. Mon regard croisa celui de ma chatte.

— Ce ne serait pas raisonnable…

Elle miaula.

— Tu as besoin d’un peu d’attention, toi aussi…

J’hésitai, tiraillée entre deux envies qui me semblaient parfaitement impossibles à concilier. Tina continua de miauler, plaintivement, comme si elle sentait que j’allais la laisser. Je la pris dans mes bras et m’allongeai dans le canapé, lui grattouillant la tête, puis le ventre. Elle étendit ses pattes avec délices. Il y en avait au moins une qui profitait de la soirée. Je décidai de rester ici et lançai un film avant de m’enfoncer dans le canapé, Tina sur les genoux. Nous regardâmes Sex Friends. En fait, je crois que j’aimais souffrir. Il n’y avait pas d’autre choix possible à ce stade. Ce film, c’était un peu une mise en images de ma vie. Je veux que coucher, je t’aime moi non plus… Sauf qu’avec moi, ça finissait invariablement mal… Le film terminé, je décidai d’en lancer un autre. Je n’étais toujours pas fatiguée. J’en profitai pour me faire un bon chocolat chaud avec un croissant surgelé. Pas terrible, mais j’étais nulle en cuisine, même après autant de siècles. Mon nouveau film était encore une comédie romantique… Je devais vraiment aimer me faire du mal. Surtout que j’étais en manque de sexe ! Même si c’était totalement faux, une scène de sexe dans mon état ne pouvait que me donner des idées. En mettant un porno, j’aurai pu me satisfaire toute seule… Mais non. Ce n’était pas la même chose. Et puis, je n’étais pas d’humeur pour ça.

Je caressais machinalement mon pendentif, sans réellement m’en rendre compte. Je faisais à peine attention au film également, perdue dans mes pensées. Mes doigts s’enroulèrent autour de la chaîne, caressèrent le pendentif : Deux anneaux qui s’entrelaçaient. Trop petits pour être passés autour du doigts, chacun avait une signification. Le premier était une femme, deux cornes ornant sa tête. Moi, en quelque sorte. L’autre représentait un phénix. L’oiseau immortel renaissant de ces cendres. Le héros du film venait de faire sa demande en mariage. Depuis combien de temps n’avais-je pas eu une vraie relation ? Quelqu’un qui m’écoute... Avec qui partager les repas, les temps libres… Une éternité. Le pire ? Quand j’étais encore mortelle, je ne m’intéressais pas à l’amour. Je trouvais qu’il s’agissait d’une perte de temps. Et en ces temps là, l’amour était un concept plutôt abstrait pour ne rien arranger. Depuis, je m’étais mariée six fois. Il va sans dire qu’aucun mariage n’avait tenu plus de quelques années. J’étais ainsi faite. Et parmi ces mariages, quatre n’avaient eu qu’un intérêt financier. De mon côté bien évidemment. Ceux qui m’avaient épousée se consumaient d’amour pour moi et m’offraient tout ce que je voulais. Je leur devais une partie de ma fortune. L’autre venait de nombreux placements, notamment immobiliers. Je m’étais arrangée pour toujours être dans la même lignée identitaire que mes incarnations précédentes, afin d’hériter de tout et de conserver mes biens. Il fallait aussi compter les nombreux cadeaux que j’avais reçus à travers le temps, provenant aussi bien d’homme que de femme, et parfois même de religieux. Je faisais chavirer tous les cœurs. Si vous saviez le nombre de bourgeoises qui m’avaient courtisée, comme un homme l’aurait fait, cherchant à échapper à l’ennui et la routine d’une vie sans amour dans laquelle leur mari ne s’occupait plus d’elles mais bien souvent d’autres. J’en avais passé du temps à décoincer des femmes prêtes à tout pour me plaire. Et des hommes aussi, bien entendu.

Et puis… et puis il y avait eu le vrai mariage. Le plus important mais aussi le premier. Fallait-il y voir un signe ? C’était par un jour de printemps, alors que les premières chaleurs commençaient à se faire sentir. Je venais de quitter un caniveau, délaissant ma proie de la nuit. Morte ou vive, cela n’avait pas vraiment d’importance. Comme chaque jour, j’attirais les regards de tous. Chacun voulait me courtiser. Roturiers comme membres du Sénat… Rome était l’une des plus belles villes du monde et était considérée par beaucoup comme son centre. Même si sa puissance devait être invariablement amenée à décliner avec le temps. Une telle société était un terrain de chasse rêvé pour un être comme moi. Et je m’en étais beaucoup amusée, délectée. Mais les choses avaient changé. J’étais amoureuse. Amoureuse d’une femme. De nos jours, on dirait de moi que je suis pansexuelle. Le genre importe peu. Ce qui compte, c’est la personne. C’était la première fois que je tombais amoureuse, réellement amoureuse, mais pas la dernière fois. Femmes, hommes, et aussi de ceux n’appartenant à aucune des deux catégories. Déjà à cette époque, les femmes n’avaient pas les mêmes droits que les hommes. Le mariage de deux femmes était ainsi au mieux une hérésie. Nous avions décidé pourtant de nous conformer à certaines traditions, comme le mariage en juin, sous le regard de Junon. Rien d’extravagant, ou qui pourrait nous faire réellement remarquer. En ces temps-là, les anneaux aux doigts des mariés était également une tradition, quoiqu’un peu différente. Le cercle de l’alliance symbolisait l’amour éternel. Nous ne pouvions nous permettre de l’afficher publiquement. Tullia avait eu une idée pour contourner les choses. Elle avait fabriqué deux pendentifs. Ils symbolisaient ce que nous étions, l’une pour l’autre. Elle n’ignorait rien de ma condition, de ce que j’étais, de ce que je faisais pour survivre. Elle l’avait accepté…

« Je rentrai dans la maison qui était la nôtre par la porte arrière, afin de ne pas attirer trop de regard. Tullia était déjà levée et j’eus droit à un baiser passionné.

— Gaia, tu m’as manquée !

Elle m’étreignit. Je fermais les yeux, me blottis contre elle. J’avais encore l’odeur de l’homme que je venais de ponctionner sur moi, ce qui me mettait mal à l’aise. Elle le savait, mais fit semblant de ne pas le remarquer. De toute manière, je n’avais pas couché avec. Le sexe n’était pas nécessaire dans mon processus de ponction, même s’il l’améliorait considérablement, en plus de rendre l’énergie bien plus onctueuse, délicieuse.

— Ça se sent. (lui répondis-je, mes lèvres effleurant son cou.)

Elle rit et ce son était le plus doux qui soit à mes oreilles. Puis, elle se tortilla, essayant d’échapper à mes lèvres, ce qui ne me donnait que plus envie de la taquiner davantage.

— Plus que quelques heures, et nous serons mariées ! (souffla-t-elle avec une excitation à peine contenue.)

Le mariage avait une grande importance dans la société romaine d’autrefois et plus encore pour Tullia. C’était un symbole. Une taxe frappait les célibataires, forçant les couples à se former. Bien entendu, pour nous, la taxe continuerait de s’appliquer. Personne n’accepterait d’enregistrer notre mariage.

— Tu as trouvé quelqu’un pour officier ?

Elle se décala, son regard plongé dans le mien et hocha vivement la tête, euphorique, excitée.

— Oui !

Je la dévorai du regard. Elle était si belle, si pleine de vie… Je ne me lassais pas de la contempler. Des picotements traversèrent mon épiderme et mon souffle se fit plus rauque… Les battements de mon cœur s’accélèrent, pulsant au rythme du sien, mes doigts se fondant entre les siens, glissant le long de ses mains. La chaleur me monta aux joues tandis que mon désir grimpait en flèche, mes yeux perdus dans les siens. Je m’approchai d’elle, lentement. Le silence s’était installé. Un silence qui était bien plus éloquent que le plus beau des discours. Mes doigts glissèrent le long de ses bras, remontèrent jusqu’à ses épaules. Tullia avait la bouche entrouverte. Je sentais les frissons qui la parcouraient, je la voyais lutter contre l’envie d’accélérer les choses. Mais elle savait combien j’aimais prendre mon temps. Combien je désirais la tenir ainsi, au bout de mes doigts, à ma volonté… Au moins autant que l’inverse. Mes doigts caressèrent ses épaules. Je fis glisser sa robe d’un geste, attrapant les bretelles pour l’amener à moi, mes lèvres s’unissant aux siennes. Ma langue partit à la recherche de la sienne dans un tourbillon de douceur. Sa robe roula sur sa poitrine, puis sur ses hanches avant de finir par terre, offrant son corps dénudé à mes désirs. Je pris délicatement son visage entre mes mains, mes doigts perdus dans ses cheveux tandis que notre baiser se faisait plus fougueux. Le désir continuait de grimper à toute vitesse en nous, à l’unisson de nos corps frissonnants. Elle me retira ma tunique, dévoilant ma poitrine, mes seins aux mamelons déjà bien durs. Tullia fit tourner ses pouces autour, s’amusa à les titiller. Je lâchai ses lèvres pour reprendre mon souffle, étouffant un soupir délicieux. Sa bouche descendit jusqu’à ma poitrine. Elle l’embrassa doucement, un téton après l’autre avant de faire jouer sa langue autour, reprenant ce que ses pouces avaient délaissé. Je frémis, soupirai de délice et décidai de lui laisser le champ libre, me cambrant en arrière pour m’offrir à elle. Ses mains continuèrent de me déshabiller, m’arrachant presque le reste de mes vêtements. Je fondais devant autant d’ardeur, de passion. Rapidement, elle m’allongea au sol, perdue au milieu de nos vêtements qui me permettaient d’échapper à la froideur et la rugosité de la pierre. Elle mordilla mes seins, puis descendit sa tête le long de mon ventre, jusqu’à mes cuisses. Je n’avais plus qu’une seule envie, qu’un seul désir, et elle le sentait, le savait, s’en amusait. Je pouvais coucher à droite, à gauche, elle seule était capable de me faire pareil effet, de m’offrir tant de frissons, de sensations rien qu’avec ses caresses… Elle m’embrassa tout autour de mon entrejambe, s’approchant de la zone tant convoitée pour mieux s’en éloigner. Quand je n’en pus plus, je posais mes mains sur sa tête pour l’orienter. Elle se laissa guider. Ses lèvres embrassèrent les miennes avec douceur. Je lâchais un nouveau soupir alors que sa langue se frayait un chemin en moi, qu’elle m’explorait. Régulièrement, elle revenait vers mon bouton rose, le chatouillait, le titillait, m’offrant de nouveaux frissons de plaisir. Je n’avais plus conscience que des sensations qu’elle me procurait, de sa langue plongée dans mon intimité, de mes mains sur sa tête, la guidant. Je me mordais les lèvres, soupirai, haletai. Finalement, je la repoussai doucement avant d’exploser et l’invitait à revenir vers moi, l’embrassant à pleine bouche, consumée par la passion, me goûtant en même temps que je la goûtais, ce qui ne faisait que renforcer mon excitation. Mes mains descendirent le long de son corps pour rejoindre son entrejambe et je commençais à la caresser tout en entamant une nouvelle danse de nos langues. Je ressentis un petit choc qui électrifia ma peau quand je me perdis une seconde en elle. Son amour pour moi déferla dans mes pensées, me rendant plus folle encore. Au prix d’un effort, je rompis le baiser un instant pour couper le lien avant de le reprendre, délaissant mon pouvoir, le repoussant aux confins de mon esprit. Je sentais qu’elle était déjà humide, qu’elle voulait que mes doigts la touchent avec plus d’ardeur. Et je ne me fis pas prier. Du pouce, je restai aux alentours de son clitoris tandis que j’entrais deux doigts en elle. Elle frémit, souffla avec volupté. Sa main imita la mienne, plongeant entre mes cuisses brûlantes. Je dévorai ses lèvres entre deux gémissements, toujours plus nombreux, plus rapprochés. Je tremblais, incapable de concevoir quoi que ce soit d’autre que notre amour, que cet instant de pur délice que je souhaitais voir s’éterniser. Et je voyais le même désir dans ses yeux. Elle arriva à l’orgasme avant moi et je me nourris de ses soupirs, de ses contractions, alimentant mon propre plaisir, sa main devenue frénétique, jusqu’à atteindre le mien. Nous restâmes ainsi, à nous regarder durant de longues secondes, haletantes, avant que ma tête ne retombe contre sa poitrine. J’étais épuisée… totalement détendue, un sourire béat sur les lèvres. Je sentis ses doigts qui se perdaient dans mes cheveux. Les miens s’unissaient à ceux de sa main libre, paume contre paume. J’écoutais sa respiration, les battements de son cœur, qui battait avec force dans sa poitrine. Déposai un baiser sur son sein gauche.

— Je t’aime… (murmurai-je.)

Les seuls mots qui me vinrent. Les seuls qui avaient besoin d’être prononcés. Nous restâmes un long moment blotties l’une contre l’autre, enivrées par la présence de l’autre. J’étais heureuse… satisfaite. Comblée. Je pouvais me contrôler. Vivre auprès d’elle...

— Quelques heures encore… Avant l’éternité. (souffla-t-elle avec tendresse.)

Je masquai mon désarroi face à ce dernier mot, consciente que l’éternité m’ouvrait ses bras, à moi et à moi seule… Je ne voulais pas penser à l’après. Pas penser à autre chose qu’à l’instant que nous partagions.

— Quel dommage que nous ne puissions pas nous afficher. Pas d’alliance pour orner nos doigts. (lâchai-je avec un demi-sourire.)

— Nous ne sommes pas obligées d’avoir une alliance ni de nous cacher… (répondit-elle, énigmatique.)

Elle m’embrassa sur le front et se décala pour se lever. J’allais l’imiter quand elle m’arrêta.

— J’ai quelque chose pour toi, ne bouge pas. (dit-elle.)

Je me rallongeai, la suivant du regard. Elle disparut dans notre chambre et revint quelques instant après, avec un écrin. Elle se réinstalla à mes côtés et me le tendit.

— C’est un peu grand pour une alliance. (dis-je avec amusement.)

Elle rit et m’embrassa de nouveau.

— Ouvre-le.

Je m’exécutai. L’intérieur était de nacre. J’y trouvai un pendentif, orné de deux anneaux… Ces deux anneaux. Elle fouilla dans la sacoche de sa robe alors que j’admirais le collier et m’en montra un similaire.

— L’Immortelle et la phénix. (dit-elle avec sensualité.) La tentatrice, et l’objet de son affection, capable de renaître de ses cendres. Pour rester perpétuellement aux côtés de son amour.

Je ne disais rien, mes doigts caressant le bijou. Je connaissais ses talents de joaillière, son amour pour les mythes. Elle venait d’en créer un pour moi. Pour nous… Je n’en l’aimais que davantage et serrai le pendentif contre mon cœur avant de l’embrasser langoureusement.

— Mon phénix… (susurrai-je.) »

Le générique de fin me tira de mes souvenirs, et je me ré-ancrais dans le présent avec regret. Plus tard, le même jour, nous avions échangés nos vœux. J’avais failli me marier par amour à deux autres reprises, avec des hommes. Mais je ne crois pas avoir jamais autant aimé quelqu’un que Tullia. Je lui avais fait l’amour avec passion, avec douceur, sauvagerie, plus de fois qu’avec aucune autre personne. Mon amour pour elle était si fort qu’il me permettait de contenir temporairement ma faim ! Temporairement...

Le pire dans ma condition, c’est certainement de n’avoir jamais pu réellement déterminer si les sentiments que mes différents compagnons à travers le temps ont éprouvé pour moi étaient bel et bien réels ou conditionnés, inspirés, par moi. Par ce que j’étais. Par l’aura qui m’entourait et subjuguait les mortels. Et si aucune de ces personnes ne m’avait réellement aimée pour moi, mais uniquement à cause de mon charme qui les ensorcelait ? Un questionnement qui m’avait valu de nombreuses nuits blanches, de nombreuses angoisses… Et qui continuait aujourd’hui encore à me réveiller parfois en pleine nuit. C’était ennuyeux parfois d’avoir une conscience. D’être… humaine.

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