Il était perdu dans les notes de son piano, purgeant sa peine par des mélodies lancinantes. La mélancolie déchirait le silence de la nuit. L'instrument semblait pleurer, et lui avec. À la lueur de la lune, ses regrets s'étalaient sur des partitions. Les yeux fermés, ses doigts chantaient un hymne funèbre dont lui seul connaissait la destinataire. Un cri de douleur s'échappa des cordes frappées par le marteau. Son piano et lui se lamentèrent jusqu'à ce que ses doigts s'endolorissent. Un brouillard de fatigue l'enveloppa tandis qu'il hurlait sa solitude dans un dernier morceau. Un silence assourdissant se posa sur le pianiste. Des applaudissements retentirent soudain. Amplifiés par des échos, ils venaient de toute part se heurter aux oreilles du reclus.
— Qui est là ? demanda-t-il d'une voix rauque.
Les bruits se turent.
— Marie, mon aimée, c'est toi ?
Le piano répondit par un accord théâtral.
— Marie !
Le vieil homme se leva lourdement et fit quelques pas rouillés. Un air entraînant lui parvint alors des étages supérieurs. Il entreprit de monter les raides escaliers en colimaçon. Son cœur battait aussi vite qu'il progressait lentement. La mélodie l'attirait toujours plus haut. Sa respiration se fit sifflante tandis qu'il s'engageait douloureusement sur les marches qui menaient au grenier d'où la musique prenait sa source. Il ouvrit la porte dans un râle et s'effondra dans les bras de sa défunte.

Quelques jours plus tard, on retrouva son cadavre, le nom de Marie encore sur les lèvres. Il était mort d'un arrêt cardiaque.