Basile - En route pour l'aventure
Il faut que je sois arrivé à l’agence de casting un peu avant seize heures, être en avance c’est toujours important. Et vu que quinze heure n'a pas encore sonné, je suis super large. Je peux prendre tout mon temps pour marcher et me vider un peu la tête avant l’instant fatidique.
J’entame la rue des frères Moranne, où je constate que les platanes ont le feuillage particulièrement vert cet été. J'arrive au Commerce café, je regarde l’heure et je me rend compte que j’ai largement le temps de prendre un thé. Je m’installe donc en terrasse, en attente de la jolie serveuse qui ne tarde pas à venir prendre ma commande. Une fois mon thé servi, je sens mon portable vibrer dans ma poche. Je le sors et me rends compte que le numéro affiché sur l’écran m’est inconnu. Je me tâte à répondre mais décide de finalement décrocher, n’ayant pas grand-chose d’autre à faire le temps que ma boisson refroidisse un peu, d'autant plus que ça pourrait être le responsable d'un de mes castings précédents au bout du fil. Je questionne mon interlocuteur :
- Allô ?
- Basile mon pote, comment va ?
Je reconnais la voix de cet homme, je ne l’ai pas entendu depuis des mois, et ne m’attendais pas à l’entendre avant encore plusieurs. Je m’empresse de répondre :
- Willy ! La vache, ça fait longtemps ! Tu m’appelles depuis où là ?
Je pose cette question vu que je sais qu’il en a pris pour cinq ans de taule et qu’il n’y est que depuis quatre. Est-ce qu’il serait sorti plus tôt ? Ca me paraît peu envisageable, mais la réponse que ce cher Willy me donne démontre du contraire :
- Je t’appelle depuis un arrêt d'bus ducon, je suis sorti ce matin !
Bah merde alors, il a bel et bien quitté la prison avec un an d’avance, comme quoi dans la vie on est toujours surpris.
- Ma mère m’a dit que t’étais sur Paris maintenant, reprend-il, t’es déjà devnu un Bobo dla capitale ou pas encore ?
Je ne peux m’empêcher de sourire à sa boutade débile, parce que j’ai beau être sur Paris depuis cinq bons mois, j’ai toujours du mal à m’en rendre compte.
- Nan, je lui ricane, pas encore, pas encore. En fait je suis surtout là pour mes recherches de carrière, s’tu vois ce que je veux dire.
C’est à son tour de se marrer, mais genre amicalement :
- Ha ouais je vois, tu veux toujours faire l’acteur. Bah lâche rien mon pote, tu vas finir par y arriver. Jtai toujours dit que t’étais bon et qu’i avait pas draison que tu réussisses pas.
Ça me touche ce qu’il m’avoue là. Willy m’a toujours soutenu dans mon ambition, et c’est bien un des seuls. Et cette espèce de confiance qu’il avait en moi, il l’a toujours. Un vrai pote, qui m’a quand même bien fait chier dans mon froc, certes, mais quand même.
Et moi, le moins qu’on puisse dire c’est qu’en termes de camaraderie j’ai pas vraiment été à la hauteur, et il faut que je lui présente mes excuses :
- Tu sais Willy… J’suis vraiment désolé de pas être passé plus souvent te voir en prison. Mais tu sais je …
Il me coupe :
- T’en fait pas pour ça va. J’peux comprendre.
Je suis soulagé par ses paroles, parce que je dois bien avouer que je n’avais aucune idée de comment justifier mon absence à son égard sans mentir.
On continue un peu notre bavette, mais je suis forcé de l’écourter pour cause de « Je vais être à la bourre si j’m’attarde » Je raccroche donc, fini mon thé et reprends ma route.
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