Chapitre 41. La dame aux yeux couleur miel

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Le lendemain, réveillés tôt par Madeleine, le couple déjeuna rapidement à l’hôtel puis se dirigea vers le lieu de rendez-vous avec la vieille dame aux yeux dorés.

À peine assis sur le banc où ils l’avaient précédemment rencontré, la vieille dame apparu à l’autre bout du petit parc. Ils la laissèrent s’approcher, en tentant de masquer l’agitation qui les habitait. En effet, Louis avait très mal dormi, se réveillant, pas moins de cinq fois sur la nuit. Pour lui, l’anxiété se mêlait à l’impatience, face à cette rencontre.

La vieille dame arriva à leur hauteur, esquissant un sourire.

— Bonjour à vous trois, je constate que vous êtes bien ponctuels.

Rachel répondit poliment,

— Bonjour madame, nous sommes heureux d’avoir reçu de vos nouvelles et espérons que vous nous apporterez des éclaircissements.

Vivement, Louis lui lança,

— Bonjour, restons-nous ici pour discuter ?

— Oui, je préfère, profitons du soleil !

Elle s’assit à coté de Rachel, mettant ainsi Rachel entre elle et Louis. Rachel tenta,

— Et donc, vous avez des informations ?

La vieille dame les regarda, l’un après l’autre, puis regarda Madeleine.

— Comment l’avez-vous appelée ?

— Madeleine. Enfin, c’est Églantine qui l’a prénommée ainsi. Et je n’ai pas demandé à changer de prénom.

Surprise, la vieille dame s’exclama,

— Oh ! Elle lui a donné mon prénom… Et vous ne l’avez pas changé, merci.

N’y tenant plus, Rachel demanda,

— Êtes-vous de sa famille, de la famille d’Églantine ?

Elle passa de l’observation qu’elle faisait de Louis à celle de Rachel, puis répondit,

— Effectivement, je suis de sa famille, je suis sa mère et cette petite est ma petite fille.

Louis eut le geste immédiat de rapprocher la poussette de Madeleine à côté de lui et posa une main sur l’épaule de Rachel pour la rapprocher de lui. Il lança, vivement, à l’adresse de la vieille dame,

— Madeleine est MA fille, Églantine l’a abandonnée, vous n’avez aucun droit sur elle !

En posant une main sur la cuisse de Louis, Rachel intervint,

— Mais calme-toi, je ne pense pas que Madame ai dit cela dans le but de réclamer quoi que ce soit, n’est-ce pas ?

Rachel regarda la vieille femme, droit dans les yeux.

La vieille dame prit ses aises et les regarda, tous les deux en souriant, puis leur répondit ;

— Mais ne vous inquiétez pas, je n’ai nulle envie d’avoir à m’occuper d’un bébé… J’aime bien regarder ceux des autres, mais je n’ai jamais eu le don de pouvoir m’occuper des miens ! Ne vous inquiétez pas, je ne vous la prendrais pas !

Rachel senti que Louis se détendit un rien, mais resta sur ses gardes, il avait toujours sa main sur son épaule et la maintenait fermement.

Rachel posa sa main sur celle que Louis maintenait sur son épaule, elle la caressa du bout des doigts, tentant de l’apaiser comme elle le put. Elle continua ses investigations.

— Donc vous être la mère d’Églantine, vous nous avez noté que vous aviez des informations à nous donner, pourrions-nous en avoir connaissance ?

La vieille dame constata avec contentement,

— Vous ne perdez pas le nord et vous avez les pieds sur terre, vous, c’est bien, Madeleine pourra compter sur vous. Mais dites-moi, vous n’aviez pas cette bague l’autre fois, elle signifie quelque chose ?

Rachel commença à être un peu agacée par les chemins détournés que prenait la vieille dame mais prit sur elle et tenta de se mettre à l’écoute de cette dernière, afin d’obtenir le plus d’informations possible, quitte à lui en donner un peu sur eux. C’est en souriant qu’elle répondit,

— C’est une bague de fiançailles, je constate que vous avez l’œil pour ce genre de choses.

— Oh, vous allez vous marier alors, bien, bien, c’est mieux pour l’enfant, des parents unis…

Elle se perdit dans l’observation de Madeleine qui les observait tout en tentant de rentrer dans la conversation avec ses babillages.

— Oui, ma future femme sera bientôt la mère légale de Madeleine

Louis lâcha cette phrase d’une manière un peu abrupte, Rachel lui serra la main et réagit, tout en lui jetant un regard interrogateur, il était terriblement tendu.

— Mais Louis, calme-toi, s’il te plait !

— Ne vous inquiétez pas, monsieur, je ne réclame aucun droit sur cette petite, comme je vous l’ai déjà dit, je n’aime pas gérer et élever des enfants, je ne vais pas changer pour celle-ci.

Rachel la relança,

— Mais donc, vous aviez des infos…

La vieille dame réorienta son attention sur Rachel et finit par répondre,

— Oui, j’y arrive, effectivement, j’ai croisé Églantine il y a peu, je l’ai questionnée à propos de cette petite et elle m’a expliqué que c’était une commande faite par une femme

Comme la vieille dame s’arrêta de parler, Rachel réitéra sa demande,

— Oui, mais encore ?

— Une femme qui a expliqué à ma fille que c’était pour faire une surprise à un ami homosexuel désireux d’être père.

Rachel, sentant Louis s’agiter, entra ses ongles dans la chair de la cuisse de Louis, espérant qu’il arrête et surtout, la laisse continuer l’interrogatoire sans éclater… Il sembla comprendre, il ne dit rien et sembla se calmer quelque peu… Il se rapprocha encore du corps de Rachel et la pris par la taille, en joignant ses mains à hauteur de son ventre, posant sa tête sur l’épaule de Rachel, un pied bloquant la poussette de Madeleine. Ainsi positionner, il pouvait surveiller sa fille et se reposer sur Rachel pour sentir ou ressentir sa façon de gérer cette situation qui, lui, le mettait déjà hors de lui.

Rachel le senti se détendre et lui transmit un peu de calme en prenant ses mains jointes dans ses mains, puis reprit ses investigations,

— Ah oui, donc, c’est une femme qui a passé commande… Avez-vous des informations concernant cette femme ?

— Églantine m’a décrit une femme très distinguée, toujours très bien habillée.

Comme la vieille dame ne dit à nouveau plus rien, Rachel insista,

— Mais, je me pose une question, comment a fait cette femme distinguée pour se procurer le sperme qui a permis de féconder votre fille ?

— Oh, elle m’a expliqué tout un bazar ! Églantine est réglée comme une horloge, elle connait donc bien ses périodes fécondes, vous savez, elle a déjà été mère porteuse 6 fois ! À chaque fois, elle était prise endéans les 3 à 5 mois, mais jamais avec l’ovule d’une autre, ça elle refusait.

— Donc Madeleine est bien de son patrimoine génétique, mais comment ont-elles fait pour obtenir celui de mon fiancé ?

— Elle m’a expliqué qu’elle a séjourné quelques mois à Bruxelles, logée par la femme distinguée, dans un studio bien situé m’a-t-elle dit, avec tout le confort nécessaire, elle trouvait juste le décor un peu trop « masculin », « trop de brun » m’a-t-elle précisé.

Cela sembla faire écho à quelque chose pour Louis, Rachel le ressenti au travers du soupir qu’il lâcha. Elle tenta d’en faire abstraction afin de pouvoir continuer ses investigations.

— Elle était donc bien installée, tant mieux, Madeleine n’a pas été conçue à la va vite, enfin, je l’espère, mais continuez, je vous en prie…

— En fait, elle a demandé à ma fille de lui indiquer ses périodes de fécondité, afin, de pouvoir demander à son ami homosexuel un échantillon de sperme frais pour cette période

— Ah oui, d’accord, et cela a fonctionné rapidement ? Il y avait un échantillon de sperme frais pour chaque période féconde ?

— Églantine m’a expliqué qu’il lui a fallu 5 cycles pour tomber enceinte et qu’à chaque fois, dès qu’elle indiquait à la femme distinguée qu’elle entrait en période d’ovulation, cette dernière lui procurait pendant 2 ou 3 jours, une petite seringue de sperme frais, à différentes heures du jour ou de la nuit.

— Ok, oui, c’était bien organisé

— Pour ça oui, Églantine était très contente que tout soit déjà préparer en petite seringue… vous savez, avec d’autres commandes, elle devait se débrouiller avec un petit pot, et parfois même avec un préservatif usagé !

— D’accord, cela n’a pas dû être évident pour elle à chaque fois, mais par rapport à la période qui nous occupe, qu’est-ce que votre fille a-t-elle pu dire d’autre ?

— Eh bien, dès qu’elle a annoncé que la grossesse avait débuté, elle a pu rester à Bruxelles encore un mois et demi, afin de vérifier si la grossesse tenait bien, puis, elle a pu rentrer à Marseille.

— Elle a mené toute la grossesse ici, à Marseille ?

— Oui, quasi toute la grossesse, elle a juste dû retourner à Bruxelles vers 6 mois je crois, pour une histoire de papiers… Oui, pour un papier de reconnaissance de paternité comme c’est pratiqué en Belgique, devant un notaire que connaissait bien la femme distinguée.

— Vous dites que la femme distinguée connaissait bien le notaire, c’est Églantine qui vous l’a confirmé ?

— Oui, elle m’en a parlé, ça l’avait même un peu dégoûtée…

— Qu’est-ce qui la dégoûtait ? Excusez-moi, je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire.

— Le fait que la femme distinguée et le notaire soient très proches… Selon ma fille, il avait plus du double de son âge et… Elle se tut.

— Et … ? Il s’est passé quelque chose de particulier ? Vous semblez en tout cas un peu choquée.

— Oui, comme elle me l’a expliqué pour la Belgique, au moment de la reconnaissance prénatale, le père doit être présent pour signer les papiers… Églantine a d’abord cru qu’il s’agissait du notaire, vu qu’il n’y avait personne d’autre, mais la femme distinguée avait ramené un papier pré signé, le notaire a tiqué et… Oh, c’est là qu’elle a été dégoûtée… La femme distinguée lui a demandé d’attendre dans la pièce à coté et la femme a apparemment « travaillé » le notaire au corps pour obtenir qu’il authentifie l’acte de reconnaissance de paternité « pré signé ».

Interloquée par la description faite, Rachel s’enquit,

— Ah oui, d’accord, et qu’en a-t-elle pensé ?

— Elle était mal, elle a commencé à se poser des questions, puis à les poser à la femme… Mais cette dernière lui a clairement dit qu’elle n’avait pas à savoir, qu’elle était déjà bien grassement payée pour ce qu’elle faisait et que moins elle en savait, mieux c’était.

— Elle n’a donc eu aucune réponse…

— Non, et en plus, ce qui l’a heurtée dans les derniers mois, c’était les remarques désobligeantes de la femme distinguée par rapport à la grossesse.

— C'est-à-dire ? Elle a fait des remarques de quels types à Églantine ?

— Elle ne lui disait pas en face, mais quand elle pensait que ma fille n’entendait pas, elle la traitait de « grosse vache immonde», « de cachalot échoué » et autres comparaisons avec un homme qu’elle avait régulièrement au téléphone. Ma fille a bien compris, lorsqu’elle est arrivée à Bruxelles, deux semaines avant d’accoucher, que cette femme n’avait aucun intérêt pour cet enfant …

— Que voulez-vous dire ?

— Quand la femme lui a tendu les informations sur monsieur,

Elle regarda Louis qui lui, ne bougea plus et respira même de manière superficielle, puis fixa à nouveau Rachel,

— Elle a vu à quoi il ressemblait, l’autre lui a dit ce qu’elle devrait expliquer au service social de la maternité, etc.

La vieille femme fit une pause puis repris,

— Ma fille a fait alors quelques recherches sur le père de l’enfant et a trouvé où il travaillait.

La vieille dame regarda Louis et lui expliqua,

— Elle est allée dans l’hôpital où vous travaillez, elle vous a vu en pleine intervention, elle s’est même faite houspillée par une de vos collègues à cause des risques de radiations, vous l’avez croisée alors qu’elle était en train de discuter avec cette collègue dans le bureau qui est protégé des radiations. Elle voulait savoir des choses sur vous avant de mettre au monde ce bébé.

Louis, perturbé, avoua,

— Je… Je n’ai pas de souvenir précis de cette rencontre.

— Vous lui avez pourtant parlé, Églantine me l’a rapporté, vous vous êtes inquiété de voir une femme enceinte en service de radiologie, votre collègue vous a dit qu’elle avait permis à Églantine de se reposer un peu avant de reprendre le chemin du départ, qu’elle s’était trompée d’étage etc.

Elle fit une pause puis repris,

— Vous lui avez demandé si l’accouchement était pour bientôt et elle m’a dit qu’elle avait vu un réel intérêt dans vos yeux, cela lui a réchauffé le cœur. Ce qu’a dit votre collègue à votre sujet l’a rassurée aussi, elle a expliqué que vous aimiez les enfants et que vous en vouliez… Et aussi, que vous n’étiez pas homosexuel, contrairement à ce qu’avançait la femme distinguée. Elle s’est sentie terriblement manipulée et mal à l’aise.

— Et ensuite, que s’est-il passé ?

— Elle a regagné le studio confortable et a attendu le jour de l’accouchement.

Louis conclu,

— Et la suite, nous la connaissons…

Le silence se fit, de part et d’autre. Un moment passa et la vieille dame repris,

— Voilà, je pense que vous savez maintenant tout ce qu’Églantine connait par rapport à la conception de ce bébé, cependant j’ai comme l’impression que cette situation n’est pas très claire pour vous, mais au moins, vous semblez vraiment l’aimer cette petite.

Rachel confirma en hochant la tête puis glissa,

— Je vous remercie pour ces informations Madame, vraiment.

Louis renchérit,

— Moi aussi, Madame.

— Mais de rien, moi je suis heureuse d’avoir pu, peut-être un peu vous aider par rapport au mystère de la venue de Madeleine dans votre vie.

Elle s’apprêta à prendre congé d’eux, Rachel réagit,

— Madame, pourrions-nous garder un contact, ne fusse qu’épistolaire, si jamais nous avons besoin de savoir certaines choses, du côté héréditaire par exemple.

Elle prit un temps de réflexion puis acquiesça,

— D’accord, je vous laisserais des coordonnées à votre hôtel avant votre départ, je vais voir avec Églantine si elle est d’accord pour vous laisser les siennes.

Ils se quittèrent, tous un peu secoués par les révélations entendues et par les questions que cela allait soulever par la suite.

Le couple regarda la vieille dame partir de son côté puis se remis en route pour rejoindre un autre endroit afin de digérer ce qu’ils avaient appris cette matinée.

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