Chapitre 5 : Les méthodes de Fred
L’œil expert de Nathalie était attentif aux mouvements et aux nouvelles techniques de combat que Joanie mettait en pratique avec son nouvel entraîneur. La jeune fille se déplaçait de façon faussement désordonnée, les bras ballants, devant un jeune boxeur qui semblait ne jamais pouvoir trouver la faille pour attaquer. Au contraire, dès que le jeune homme amorçait un mouvement, ou baissait sa garde de dépit, Joanie, qui se trouvait toujours à distance de frappe, décochait une attaque foudroyante de rapidité et de précision, touchant son adversaire à chaque tentative, sans jamais recevoir le moindre impact en retour.
Au bord du ring, la cloche sonna la fin du combat. Les deux combattants se saluèrent, et Fred s’adressa au jeune homme.
— Merci de t’être prêté au jeu Alex. Je te dois une fière chandelle. Jo, c’est bon pour aujourd’hui, tu peux rejoindre le vestiaire.
Hector semblait surpris de voir Joanie s’entraîner sur ce ring. Nathalie s’approcha de la jeune fille qui se mit aussitôt sur ses gardes.
— Ne t’inquiète pas, je viens te féliciter pour ta prestation. Et puis, avec ce que je viens de voir, je ne vais pas prendre le risque de te provoquer.
— Tu fais quoi, avec elle ? demanda Hector à l’entraîneur. Tu ne crois pas que c’est un peu, disons, disproportionné ?
— Ce n’est pas la première que je forme, tu es bien placé pour le savoir (1)… Mais il y a du nouveau, regarde sur la tablette, sur la table, là.
Au pied du ring, une table et une chaise étaient posées et restaient en permanence au service de l’entraîneur, pour ses prises de notes sur ses poulains. On y trouvait, comme d’habitude, un carnet et un porte-mine, une tasse à café et une petite cuillère avec un manche en nylon bleu foncé. Mais aujourd’hui, une tablette tactile complétait l’ensemble. Hector en activa l’écran et vit s’afficher une page d’un journal numérique national. Le titre de l’article était plus qu’évocateur.
— Cent-deux morts et un évadé dans l’attaque de la prison, lut Hector.
— Continue, conseilla Fred, tu verras, on était dans le juste.
Nathalie, qui avait accompagné Joanie au vestiaire, revenait à ce moment pour entendre qu’en effet, Alban manquait à l’appel des détenus et ne figurait pas parmi les nombreuses victimes de l’attaque. Cependant, l’article ne lui en faisait pas porter le poids de la responsabilité, préférant s’orienter sur la piste d’une évasion opportuniste.
— Bon, alors, pendant qu’on en est aux mauvaises nouvelles, reprit Hector, Marie m’a appelé, sur la route. Elle a été contactée par une journaliste américaine, qui surveille l’Agence de Roger.
— Comment ça ? s’étonna Fred.
— Elle avait suivi l’affaire Morrison, paraît-il, et depuis, Roger est contrôlé…
— C’est lié au message que tu m’as laissé ? Je n’ai pas eu le temps de m’en occuper, je verrai ça ce soir.
— C’est exactement ça. Une certaine Ilona Sunbalm. Elle a envoyé un client à Roger, ces jours-ci. Il se trouve être un ancien… camarade de classe.
— Quel rapport ?
— Je ne sais pas encore, tu vas bien trouver quelque chose. En attendant, elle dit savoir de source sûre qu’on doit s’attendre à un remake de l’affaire Morrison. Mais elle ne sait pas qui sera la cible, précisément, elle sait juste que c’est quelqu’un de l’entourage de Roger.
— Tu as une idée ?
— Maintenant qu’on sait qu’Alban est dans la nature, on a, quoi, trois, quatre pistes… Il y aurait Philippe, Joanie, Angélique, et peut-être aussi la famille de Luc, le fils d’Élisabeth et Bruno, nos anciens analystes…
— Décédés dans l’attaque de cet été… continua Fred, lançant un regard interrogateur à Nathalie.
— On a déjà réglé cette question, reprit Hector, venant en aide à son équipière.
— À mon avis, on peut alléger la surveillance pour Philippe, conseilla Fred. L’énergie à dépenser pour son enlèvement ne serait pas rentable.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda Nathalie.
— C’est lui qui l’a formé, répondit Hector, comme moi.
— Et la petite, continua Nathalie, tu la formes aussi à devenir une guerrière ?
— C’est la meilleure façon que j’ai trouvée d’assurer sa sécurité. Et elle apprend vite. Pour ces deux-là, poursuivit l’entraîneur, on peut mettre moins de moyens en œuvre, et on se donne de l’air pour les autres.
(1) Voir Épisode III : Les Masques tombent
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