III
Au fait, t’as soif ? Oui ? Une bière, ça te dit ? Pour cette grande occasion, je vais même t’offrir une très bonne bière. C’est une petite merveille belge qui s’appelle l’Orval. Ils sont drôles, les belges, incapables de se mettre d’accord sur des choses toutes simples comme savoir si c’est une Orval ou un Orval. Oui, je vois à tes yeux que tu es dubitatif. Moi aussi, vu que c’est une bière…
Passons, bois, tu m’en diras des nouvelles.
Je te parlais du merle qui agonisait dans la boîte à chaussures. Il est mort deux heures plus tard, à peu près. Pendant ces deux interminables heures j’ai gardé la boite sur mes genoux et j’ai regardé cette petite créature se vider de son sang et de son souffle. Ses yeux se sont progressivement voilés et, je suis incapable de dire si c’est la réalité ou simplement mon imagination de gosse mais, pendant tout ce temps –et deux heures, dans de telles circonstances, c’est long, il m’a fixé droit dans les yeux. Comme s’il me faisait comprendre qu’après lui avoir déglingué la gueule, la moindre des choses était de rester avec lui jusqu’au bout. Ce que j’ai fait. Je l’ai même enterré sous l’arbre même où je l’avais abattu.
Quoi qu’il en soit, c’est la dernière fois que j’ai touché la carabine autrement que pour tirer sur des pièces de monnaie que je posais sur une souche. Je me suis juré aussi que jamais plus je ne ferai du mal aux animaux ; j’ai tenu parole.
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