Et quand je dis “un vieux monsieur” ce n’est pas une façon de parler, c’était vraiment un vieux schnock. Il avait toute la panoplie du papy respectable et respecté. Tu l’observais chez l’épicier ou pendant sa balade dans le parc et Monsieur saluait tout le monde, un petit coup de chapeau pour ajouter un peu de charme désuet que les vieilles rombières adorent, une main sur la tête du gamin, un sourire au dentier tout neuf… Non franchement, rien à dire, un gars bien. Il portait toujours un costume gris. Par contre, dans la nuance de gris, mon ami, il avait toute la palette. Chaque jour un costume différent. Le chapeau idem, un pour chaque costume. Et encore la canne, qui changeait aussi régulièrement. Il en possédait au moins trois.

J’ai surpris le regard de quelques mamitas qui en auraient bien fait leur quatre-heures tellement il semblait être la perfection faite vieux.

La première fois que je suis tombé sur sa fenêtre, j’ai cru à un accident. J’ai même été un peu attendri ; un papito qui aide sa mamita à se relever. De la tendresse débordante. J’ai une bonne mémoire alors j’ai gardé dans un coin de ma tête la fenêtre en question pour me refaire un shoot d’humanité plus tard. Sauf que. Quelques jours plus tard j’ai vu un shoot, mais il n’était pas très tendre.

J’ai commencé à me ménager du temps pour l’observer et le suivre. Avec l’expérience, je peux assurer qu’il y a quelque chose de commun à tous les trous du cul : ils ont un éclat “différent” dans le regard. Ils peuvent porter le plus beau des costumes, avoir le visage le plus débonnaire, l’âge d’un enfant de coeur ou l’air bête comme un âne : une lueur de feu brille dans leurs yeux. Je suis un peu le pompier des enfoirés. J’en ai éteint quelques-uns. A ma manière.