Chapitre 1
La première chose que les gens ont remarquée, c’est le silence.
Pas celui, agréable, des vacances à la montagne. Un autre.
Un silence dense, collant, presque artificiel.
Plus de notifications.
Plus de radios.
Les téléphones affichaient un message étrange :
"Zone blanche – accès restreint."
On a cru à une panne, une antenne qui aurait sauté, quelque chose qui aurait lâché sous le poids de la neige. Certains ont redémarré leurs box internet, vérifié les câbles, monté sur des escabeaux dans les greniers. D’autres ont haussé les épaules. Une coupure, ça arrive. On est dans un village perché à 1.400 mètres d’altitude, après tout. Pas de quoi s'inquiéter.
Mais au bout de trois jours, les visages se sont tendus.
Les voitures des livreurs n’arrivaient plus.
Les journaux papier non plus.
Même la radio FM grésillait sur toutes les bandes.
Il restait les anciens, comme toujours.
Madame Siepak, 86 ans, n’avait jamais eu de smartphone. Elle continuait de nourrir ses poules et d’attendre que le facteur passe à 11h45, même s’il ne passait plus.
Mais un matin, alors que les habitants étaient rassemblés sur la petite place pour écouter le maire, elle s’était approchée et avait simplement dit :
— Ça recommence.
Personne n’avait compris, et personne ne s'en souciait ; Madame Siepak était âgée, pas très agréable, et franchement un peu folle.
Elle s’était tue ensuite, les yeux dans le vague.
Le maire avait pris la parole. La voix posée, mais nerveuse.
— C’est sûrement une panne de relais. On a essayé de joindre la préfecture, en vain, mais on va prendre contact via la gendarmerie de la vallée.
Il avait marqué un temps d'arrêt.
— Cédez pas à la panique. On se mobilise.
Il parlait avec le ton des hommes qui n’ont pas de réponse et qui veulent éviter les questions.
Ce soir-là, Julien n'avait pas réussi à dormir. Il louait un petit châlet dans le bourg depuis cinq ans.
Informaticien à distance, il était monté ici pour “se déconnecter” comme il disait, pensant que la lenteur du village serait un remède au trop-plein numérique.
Mais là, c’était trop. L’horloge connectée de sa chambre clignotait sur 00:00 depuis trois jours. Il se leva, ouvrit la fenêtre. Le ciel était noir d’encre, sans pollution lumineuse.
Et dans ce noir… un bruit.
Comme une vibration sourde. Lointaine. Continue.
Il se figea.
Il la connaissait, cette sensation. C’est le son qu’on entend quand quelque chose fonctionne… mais qu’on ne sait pas où.
Un générateur. Des serveurs. Des machines, cachées.
Il n’y avait rien de tel, ici.
Et pourtant… le bruit était là.
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