Jeudi 22 Octobre 2116. Nous voilà alors sur la plage avec le coffre de la navette ouverte. Isabelle me tend une pelle, vérifie l’alignement avec la maison 43 et me donne des instructions :

• Attention, ce sont des outils sacrés, ils ont servi à la construction des fondations de la Cathédrale.
• On doit faire combien de noria ?
• Une seule. Juste une toute petite partie de la quantité globale. Une participation. Symbolique. Qu’on sache qu’on y a participé, qu’on l’a vraiment fait et que ces grains de sable sur lesquels on va prier sont sans doute ceux-là même qu’on a transportés et choisis comme une bénédiction.
• Amène t’appelle.

J’aime suivre ses ordres. C’est tellement plus simple que de diriger. On a l’esprit léger. On ne se pose pas de questions. On se sent utile. Avec une mission précise et juste, qui a du sens. Je ne suis pas une leader. Je ne le serai jamais. Je participe juste à un truc. Et j’en suis fière. Je regarde Isa, elle est tellement belle ! Comment je vais faire pour la garder ? Il ne faut pas que je merde sur ce coup là. Je n’ai jamais eu peur de l’échec, sauf maintenant, avec elle. Mais elle est tellement puissante, je n’y serai pas pour grand-chose dans la réussite de notre couple. Un jour ou l’autre une autre lumière va l’attirer et l’éloigner de moi. En attendant, elle est là et je suis avec elle. Vive le présent ! Quand on ramène le sable à la Chapelle 34, les statues sont déjà là, recouvertes d’un drap gris.

• Qui les a faites ?
• Victoria, mais elles ne sont pas encore terminées. Elle ne travaille que la nuit. Tu peux regarder, tout est encore invisible.

Celle de droite est plus grosse. Ça doit être la mienne. On dirait qu’il y a deux morceaux, comme si Antoine était prévu. Peut-être qu’il a un rôle à jouer dans tout ça, au moins dans la prochaine ère ? On ne s’attarde pas, c’est un lieu de culte destiné aux autres, pas à nous, on en a assez fait. On rentre à ma maison. Il est tôt, ce n’est pas encore l’heure d’aller à l’école pour récupérer Antoine mais pour une fois on ne se jette pas l’une sur l’autre, on se regarde, on s’admire, on se câline. On peut s’aimer sans en venir aux fesses, même si nos lèvres se caressent, même si nos langues glissent, je résiste même si je prouve qu’elle m’excite, je cherche mon bonheur partout sur elle, je suis mon cœur qui insiste et ma main plonge dans son bas ventre, et mes doigts entrent dans la douceur chaude et humide de son désir, c’est ainsi que je lis en elle, au sens du toucher.