Vendredi 23 Octobre 2116. L’éternité, c’est bien beau mais il y a un truc que Isabelle n’a pas eu le temps de faire et que moi je n’ai pas eu le temps de rater. Le vol spatial. On va voir Brigitte à l’Agence pour lui expliquer :

• Aller assez loin pour voir la planète en entier, de nos propres yeux.
• Il ne vaut mieux pas. À travers le hublot traité anti-rayon mortel, c’est possible. Mais vous savez, ou plutôt vous ne savez pas, le spectacle est désolant. On est juste sur une grosse boule grise pleine d’eau avec une seule petite île de taille correcte. C’est tout. Là-haut il n’y a rien et tout est hostile, toutes les lois naturelles et physiques, encore pire que naviguer sur l’eau trop loin de la côte. Nous sommes telluriques pas spatiaux. C’est pour ça qu’il nous faut énormément de technologie pour ne plus être ici et être là-bas, dans cet ailleurs au-delà de la mort. L’éternité est fragile. Isabelle est convaincue mais pas moi. Elles n’en sont pas étonnées. Je suis Paloma. Rien ne peut m’arrêter. Sauf Isabelle, elle pose sa main sur la mienne, me regarde et dit :
• Please.
• En cas de problème, on peut me cloner.
• On ne maîtrise plus cette technologie.

Je ne peux plus jouer à prendre des risques. J’ai un fils maintenant et Isabelle me le demande. Pas de caprice. Je vais rester sage. C’est ça aussi l’ère de la B4. Je pourrais le faire mais ça ne sert à rien. Je les laisse discuter entre elles et je vais regarder les écrans de veille dans la salle de contrôle. Le professeur Bang est là, à chercher quelque chose dans les étoiles.

• Salut Big. Alors, qu’est ce que tu en penses, de tout ça ?
• Que tout est relatif. Que la planète 4 se cache dans un univers restreint. Fermé. En sécurité. Elle n’a pas toujours été comme ça. Elle a été programmée, adaptée. Les journées sont plus courtes et il n’y a pas de révolution d’un an autour de l’étoile bleue. C’est une unité de mesure reprise de la Terre. Comme le climat à certains endroits de l’île.
• Et qu’est ce que tu cherches, dans les étoiles ?
• Il n’y a pas grand-chose à trouver, cet univers est plutôt ennuyant. Calme. Comme notre ère. Tout est parfaitement réglé. Il n’y a aucun chaos. Rien à voir. Rien ne se montre. Tout semble se cacher. Je teste différents filtres. À chaque fois, rien de spécial.
• Tu ne regardes pas au bon endroit. Tout se passe ici en fait. Sur cette île. Au contact des forces de la planète. Dans une autre dimension. Invisible. Spirituelle. On est comme dans un jeu en pause.