- Le premier rendez-vous était une sorte de casting. L’artiste voulait choisir son modèle.

Elle est tournée vers les esquisses, mais je vois l’ironie dans son sourire.

- A part que ça a tout de suite matché. D’après ce qu’elle m’a dit, les autres candidates n’ont même pas été reçues ce jour-là. Au deuxième rendez-vous, ça a été ces esquisses. C’était deux jours après. Et ce que l’on ne voit pas, c’est qu’à la fin du deuxième rendez-vous, il y a eu le premier baiser. Viens voir.

Elle m’entraine quelques mètres plus loin. Un tableau d’une cinquantaine de centimètres de côtés représente un portrait du modèle.

- Regarde comme elle semble lumineuse sur cette première toile. Moi qui la connais, je vois tout de suite qu’elle veut l’artiste.

- Tu sembles avoir déjà vu cette toile.

Elle me regarde, les yeux rieurs.

- je les ai toute vues, jusqu’à la dernière. Je t’ai dit qu’elle ne m’avait rien épargné.

Je me tourne vers la toile.

- Tu as l’air de bien le prendre. Comment s’appelle-t-elle?

- Je sais qu’elle est heureuse. C’est déjà ça. Elle s’appelle Karine.

- Tu as raison, elle est belle. Et il y a effectivement quelque chose dans son regard. On dirait…

- Du désir. C’est du désir que tu vois. L’artiste a très bien su rendre ce regard. Un regard qui, avant cette rencontre, ne m’était destiné qu’à moi.

Le regard de Karine sur le portrait semble effectivement de braise. Les yeux légèrement plissés, comme si elle allait sauter sur la personne face à elle.

L’artiste avait même représenté les longs cheveux blonds voletants autour du visage du modèle. On avait une impression d’électricité dans l’air, de courant qui passait entre le peintre et son modèle.

Les yeux, d’un vert vif, et la bouche d’un rouge éclatant concentraient le regard sur ce portrait débordant de sensualité. Les épaules nues laissaient imaginer, sans le dire, la nudité du modèle.

- Tu as vu le fond de la toile ? En haut, à droite.

En regardant mieux, en détournant mon regard des yeux verts du modèle, je pu voir la silhouette.

- Qui est-ce ?

- Le mystère de cette exposition.

- Comment ça ?

- Cette silhouette, cette ombre apparait sur toutes les toiles. Mais viens, allons plus loin.