Chapitre 8: Sous la pluie (partie 4)
La silhouette dansait au gré du vent, telle une ombre sans nom, ou une multitude de feuilles mortes virevoltant au cœur même de l’ouragan. Vagabonde, tantôt proche du rivage, et tantôt au sommet des dunes, la sinistre cape sillonnait le long des reliefs de la grève, avec pour seule compagnie l’écume qui venait éclabousser ses chaussures. La pluie, assourdissante, tombait de plus en plus fort, de plus en plus drue. L’espace entre chaque goutte était aussi fin qu’un grain de poussière, et si rapides étaient elles que l’on avait l’impression que de longs filins de cristal étaient tendus entre le ciel et la terre, sans jamais qu’il n’y ait de trou à travers venant briser le spectacle de l’instant.
Et pourtant, la silhouette ne semblait pas mouillée. Au contraire, on avait presque l’impression qu’elle était protégée par un dôme invisible, qui empêchait toute intrusion dans son espace vital. Les gouttes ruisselaient le long de l’habit ample qu’elle portait, mais restaient en surface, sans jamais se retrouver absorbées par le vêtement. Elles se contentaient de rouler, et encore de rouler, jusqu’à tomber à même le sol, en se fondant dans la mélasse formée par le sable et la terre mélangés. L’encapuchonné était de grande taille, et on pouvait deviner sous son châle sa musculature abondante s’actionner comme des engrenages, ses épaules roulant, ses abdominaux se contractant, ses pectoraux saillants…
Il n’y avait pas de doute là-dessus l’homme était un véritable mastodonte.
Continuant sa course contre le vent, il s’élevait par-delà les grandes collines boueuses de la plage, et se dirigeait désormais vers le village, tandis que sous sa grande cape, il répétait la même phrase dans un chuchotis, comme une prière envers le ciel: «Vent, Orage, Tempête, Pluie, obéissez-moi, et abattez votre châtiment divin.»
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