La salle se remplissait peu à peu, tandis qu’une foule se formait tout autour, rejointe de temps à autre par les non-membres du conseil. Amir se fraya un chemin à travers le chaos d’exclamations, poussant du bras et se faufilant dans les moindres interstices. Enfin arrivé à l’arche qui servait de porte d’entrée, il montra sa carte d’identité au garde, avant de se précipiter à l’intérieur.

A la différence de l’extérieur, il y faisait chaud, et un silence de mort y régnait. Sous la lueur tamisée des flambeaux, Amir réussit tant bien que mal à repérer sa place, au beau milieu de l’assemblée. Il s’assit, et regarda à gauche et à droite le nom de ses voisins: «Paul Bechanann», et « Henri Dolom». Il ne pouvait pas pire tomber. Ces gars-là étaient de vrais emmerdeurs, et Amir pria en secret pour qu’il leur arrive malheur et qu’ils ne puissent, par conséquent, pas venir à la réunion. Mais c’était trop espérer, car à peine une fraction de seconde plus tard, une énorme main vint s’abattre sur son épaule, en même temps qu'une voix tonitruante emplissait ses organes auditifs:

« Ben ça alors, ce serait pas mon vieil amiR ! Ami, Amir, t’as compris le jeu de mot ?

- Ah ! Paul, c’est toi… répondit-il sur un ton détaché.

- Bien sûr que c’est moi ! T’as vu ça, ils nous ont assis à côté ! Quelle coïncidence !

- Oui, oui, j’ai vu ça…

- J’espère que ça va bientôt commencer, je ne tiens plus en place ! Et sinon, comment ça va la famille ? Vous n’avez plus de problèmes ?

- Non, non.

- Tu es sûr ? Si tu veux, je peux te donner de l’argent, on est amis !

- Non merci, ça va aller.

- Si, prends, ça me fait plaisir, objecta-il tout en lui glissant une liasse de billets dans la poche de son gilet. Et t’as intérêt à me les rendre, hein ? Mais non, je rigole, bien sûr ! Hahahaha ! Qu’est-ce qu’on se marre, dis donc !

- Je n’en ai vraiment pas besoin, tu sais…

- Mais oui, je veux bien te croire ! Au fait, tu veux que je te montre la nouvelle règle que j’ai inventé pour le village ! Cette fois-ci, ça va passer, c’est sûr ! Et comme on est amis, tu pourras voter en ma faveur, pas vrai ?

- Mais au fait, où est Henri ? Il ne manque jamais une réunion du conseil.

- Je ne sais pas, Il est peut-être allé…

- Silence dans la salle !»

Le doyen du village, sage parmi les sages, et éminent personnage, ne pouvait qu’être le président de cette assemblée. Il imposait respect et admiration, et à lui seul, faisait taire les 500 personnes réunies dans la salle. Même les flammes des torches vacillaient au simple son de sa voix.

Alors quand il demandait le silence, il l’avait dans la seconde. Du haut d’un petit promontoire, il fit le tour de la foule du regard, puis ouvrit lentement les lèvres, avant de prononcer:

« Bien. Si je vous ai tous réunis ici aujourd’hui exceptionnellement, c’est parce qu’il y a de cela quelques jours, un rapport d’un certain garde m’a intrigué. Nous allons bien sûr aussi en profiter pour donner en avance nos idées de ce mois pour l’amélioration de la qualité de vie du village. Mais d’abord, j’aimerais que vous posiez toute votre attention sur ce fameux rapport.

J’appelle donc Émeric pour voir ce qu’il a à nous dire sur l’évènement auquel il a assisté...»