Chapitre 62: Bien à vous
Alexandre se retournait dans tous les sens dans son lit, s’enroulant à l'intérieur de sa couette façon rouleau de printemps. Il lui fallait trouver la position idéale pour dormir. Dehors, le soleil était déjà bien haut dans le ciel, couvrant l’horizon de sa lueur pompeuse. Ce gros géant sphérique paresseux n’arrivait même pas à chasser la pluie qui, inlassablement, continuait de tomber.
Bon.
Tant qu’à être éveillé, autant se remplir l’estomac. Le garçon ouvrit lentement la porte de sa chambre. Les pieds sur Terre mais la tête ailleurs. Il sortit les biscottes, le lait, le beurre et la confiture avant d’aller s’asseoir à la table de la cuisine, vue sur le couloir. Quelques secondes assis que ses frères sortaient déjà de leurs chambres respectives.
"Yo !
- Bonjour.
- S’lut…"
Les deux rigolos vinrent s’installer d’un côté et de l’autre d’Alexandre. Il ne leur parla pas de sa nuit et laissa juste le brouhaha de la discussion lui passer au-dessus de la tête sans rien écouter.
Il avait faim. Tout ce qu’il avait perdu en temps de repos, Alexandre voulait le compenser par de la nourriture. Beaucoup de nourriture. Il engouffrait à une vitesse surprenante les biscottes les unes après les autres, parfois sans même les tartiner.
"Eh ! Laisse-nous-en un peu aussi !
- Ah… Oui.
- T’es franchement bizarre ce matin, Alex. Ça va ?
- Ouais ouais.
- Ok."
Silence. Il faut croire que la mauvaise humeur est contagieuse.
D’un pas léger, leur père arriva et s’exclama :
"Bonjour les enfants !
- Bonjour.
- Bonjour.
- S’lut…
- La nuit a été longue hier soir. Je n’ai pas réussi à m’endormir avec tout ce vent !
- Moi non plus, dit le jeune garçon tout en enfournant une énorme tartine beurrée dans sa bouche. Et j’ai aussi entendu des bruits étranges…
- …"
La discussion se tourna bientôt vers le sujet du naufragé. Somniloque. Ça existe vraiment ce mot ? Le son caractéristique de la corne de brume vint bien vite interrompre la conversation.
Une annonce inattendue. Tous les membres du conseil convoqués. La garde de nuit aussi.
Qu’est-ce qui pouvait bien encourager un tel évènement ? Amir prononça un au revoir léger avant de s’en aller d’un pas tranquille. Le jeune garçon regarda la silhouette de son père lentement disparaître à l’horizon. Une fois rentré, est-ce qu’il me racontera ce qu’il s’est passé, cette fois ?
Une voix s’éleva du couloir :
"Tiens ? Où est passée Maria ?"
Les enfants rejoignirent leur mère devant la chambre vide.
"Comme j’ai pensé qu’elle ne voudrait pas se lever tout de suite, j’étais allé lui porter un petit-déjeuner. Mais on dirait bien qu’elle s’est comme volatilisée.
- Bizarre.
- C’est qui déjà, Maria ? demanda Timéo.
- Tu sais, c’est la dame qui a mangé avec nous hier soir ! C’est une amie de Fabien." répondit Aurélie.
Elle fit un pas à l’intérieur et regarda le lit de plus près. Par-dessus les draps et couvertures respectueusement arrangés était posé un petit bout de papier.
"Tiens ! on dirait qu’elle nous a laissé un mot !
Alors… «Je suis désolé d’être partie si soudainement. Seulement, le retard de Fabien m’inquiète énormément. Il ne m’a toujours pas recontactée depuis hier soir et je ne peux pas dormir tranquillement en sachant qu’il lui est peut-être arrivé quelque chose. Si vous me cherchez, il y a des chances pour que je me trouve au port ou sur les quais de gare. En espérant que tout va bien de votre côté. Bien à vous. Maria.»
Eh bien !
- J’espère qu’elle va retrouver Fabien, moi aussi je m’inquiète… dit Timéo.
- T’en fais pas, va ! s’exclama Thomas. C’est un solide Fabien. Il va bientôt revenir et tout le monde sera content."
L’inquiétude d’Alexandre était elle aussi plus que certaine. Mais pas pour les mêmes raisons. Il en était persuadé, Maria n’avait aucune intention d’aller chercher son soi-disant "amant". Elle ne le connaissait d’ailleurs pas le moins du monde, c’était un fait. Hier, lorsqu’elle avait parlé de leur rencontre, il l’avait immédiatement compris. Elle avait dit quelque chose de trop et cette chose l’avait trahie. Alexandre n’avait aucune idée de qui elle pouvait bien être mais ce qu’il savait c’est qu’elle était très sûrement dangereuse.
"Dommage, je lui avais sorti des croissants de la maison Brenholt offerts par Carlane. Et tout le monde sait qu’ils sont délicieux ! Bien. Dans ce cas, qui veux du rab ?
- Moi, moi !
- Moi aussi j’en veux !
- Et toi Alexandre ?
- Non merci, j’ai plus faim."
Sur ces mots, l’enfant retourna à sa chambre.
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