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Le regard à nouveau sur le sable, il marqua une pause en fixant un symbole fait de pas et de dunes poussiéreuses. Son visage carré, très semblable à celui de sa mère, se crispa. Ses sourcils épais et son long nez droit se froncèrent. Ses lèvres s’ourlèrent dévoilant une paire de dents pointues.
—… Je n’aime pas cette angoisse en moi, lança-t-il à lui-même.
Des pas se firent prestes derrière son dos. Il ne se tourna pas, savait qui le rejoignait. Le parfum de sa sœur était inimitable, perdu entre fleurs d’acacias, de pivoine et de chèvre feuilles.
— Dis-moi ce que tu aimes, ça ira plus vite, se moqua la fille aux cheveux à la carrée, d’un châtain sombre.
Cécilia, se pencha sur lui, tout sourire et croisa son regard. Même s’ils avaient une apparence semblable, ils restaient très différents au niveau de leur couleur respective. Leur jumelage aurait voulu qu’ils aient plus de point commun que la forme de leur visage, mais Savoir était roux et possédait une peau aussi blanche que de la porcelaine. Cécilia, elle, avait le teint cuivré, comme les mériodiens. Probablement, quelle ressemblait plus à leur père. Raison le confirmait assez souvent. Même si leur mère était amnésique et qu’elle avait perdu toute trace de son passé, elle se souvenait du visage de leur père, Cécil... Pas dans l’exactitude, mais suffisamment pour savoir que sa fille ressemblait à son ancien amour. Raison ne leur avait jamais rien caché, ni le fait que leur grand-père de cœur Confidence l’avait recueilli sur une route, ni qu’elle avait été séquestrée par des fous lorsqu’elle était enceinte d’eux, ni les bribes de souvenirs qu’elle retrouvait.
— Alors, qu’est-ce que tu n’aimes pas, frangin ? demanda la jeune fille en lui prenant le bras.
Savoir la laissa être collant et répondit sur un ton désincarné :
— Regard par terre.
Cécilia inclina la tête et posa ses yeux obsidiennes sur le symbole à leurs pieds.
— Oh ! Bha, c’est génial, s’exclama-t-elle, en tapotant le torse de Savoir. De quoi tu te plains. L’univers t’accordera un grand bonheur pour cette année.
— Ou un grand malheur, rectifia-t-il.
Cécilia soupira, navrée par le pessimisme de son frère, et secoua la tête.
— Pense à regarder les choses du bon côté. Même si ce symbole est à double tranchant, préfère voir le verre à moitié plein, tu me ferais une immense joie, cher frère.
— Tu es trop optimiste.
— Sans doute ai-je dû te voler la tienne. Franchement, fait cet effort pour moi, si tu ne veux pas le faire pour toi.
— Alors si c’est pour toi. Disons que je nagerais dans le bonheur prochainement. Contente ?
Un sourire irradia le visage de Cécilia. Elle tira vers elle son frère et lui donna un baiser si fort que Savoir grogna.
— Lia, mon cou ! Ne serre pas autant.
Elle le libéra, moqueuse, tandis que Savoir se frotta la joue.
— C’est presque si tu ne ferais pas un trou dedans, ronchonna-t-il.
— Oh, un trou ! Tu as trop d’imagination, petit frère.
— Petit ? Tu veux les lunettes de papy ?
— Je suis née la première et je suis presque aussi grande que toi.
Ses lèvres brunies s’ourlèrent d’un nouveau sourire. Elle aimait taquiner son frère. Lui voir plus d’une expression sur son visage trop souvent rigide.
Une voix retentit derrière eux.
Leur mère les appelait pour l’heure du goûter. Ils se retournèrent d’un même mouvement. Leur visage exprimait un même sentiment. Prestes, ils montèrent les escaliers qui les menèrent sur la terrasse. Leur grand-père de cœur dormait toujours, jusqu’à ce que Raison, installe le plateau et que la bonne odeur du gâteau au chocolat ne vienne titiller les narines de Confidence. Le vieil homme remua le bout de son nez, à l’instar d’un chien flairant un os à moelle. Ses paupières s’ouvrirent et aussitôt, il se redressa sur son assise aussi droit qu’un « i ».
— Hum… Le bon gâteau, dit-il dans une intonation exagérée.
— Papa, tu es incorrigible.
La mère de famille coupa ledit gâteau en écoutant les rires de ses enfants envahir la terrasse.
— Papy ne pense qu’à son vendre, s’amusa Cécilia.
Les rire redoublèrent. Savoir ce calma, préféra observer sa sœur. Elle avait les mêmes yeux rieurs que leur mère. Il marqua une pause et s’éloigna mentalement de l’instant, pour contempler le tableau de sa famille. Jamais, il ne voudrait les quitter. L’adolescent se sentait dans son élément entourait de ses proches. Au fond, il n’avait besoin que d’eux pour se sentir heureux. Combien de garçon de son âge pouvait en dire autant ?
Il se voyait incapable de les haïr un jour.
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