chapitre 3

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Après avoir fait un détour dans la capitale de Mériode, pour rencontrer son grand-père et ses tantes, Lueur s’engagea dans les rues de Niriole, l’une des cinq grandes villes que comptaient le pays. Cette ville était bien plus colorée que la capitale, bien plus chaude et festive, aussi. Il s’y dégageait le parfum de la mer et celui des montagnes avoisinantes. Il y a tout à Niriole, avait dit Cécil. Lacs, Monts, Mer, bois, forêts, marécages…

Encadré par Versus et Talius, il se laissait charmer par les façades pastelles et les coraux séchés qui les ornaient. C’était comme mettre la tête sous l’eau et observer la faune marine, mais sans se mouiller. La ville se calquait à l’image maritime. Il ne manquait plus que des poisons dans le ciel. Mais est-ce que les oiseaux n’en étaient pas déjà ? Des poissons élégants sertis de plumes.

Le regard lumineux, le pas sautillant, le prince s’aventura dans une galerie marchande. L’entrée fit de l’ombre aux superbes grilles du château de Métélopé. Des branches argentées couraient sur la devanture de ladite galerie et se balançaient dans le vide, comme si un être y avait pris domicile. Des enseignes fleurissaient sur ces branchages factices.

— C’est comme mon parrain me l’a décrit, dit-il d’une voix forte et pleine de vie. C’est magnifique !

Ces gardes hochèrent la tête d’un même mouvement. Ils étaient de son avis. La galerie était un chef-d’œuvre, un bijou de beauté.

Aussitôt, l’adolescent les empoigna et les tira vers l’ouverture grandiose, presque aveuglant sous l’ardente clarté du jour.

Un ciel sans nuage, pensa Lueur, en se rappelant ce que Cécil lui avait narré des années plutôt. Le fait était que le ciel demeurait toujours d’un bleu sans nuage, ici.

« Mériode est une parure de couleur et de richesse étonnante. Là-bas, tu t’étonneras à chaque coin de rue, et cela, même si tu y vis tout le reste de ta vie. La pluie ? Elle ne reste jamais. Pourtant, l’eau est de partout. », avait expliqué Cécil.

Lueur était prêt à rester dans cette ville réputée. Là, il y avait tout ce dont il rêvait ; mille choses à visiter, à observer…

— Cette ville m’est destiné, murmura-t-il.

On ne s’ennuie jamais à Mériode, revint murmurer la voix de son parrain dans son esprit.

Sous des armatures en acier blanc et des cristaux rose pâle qui formaient un immense bouquet de fleurs, Lueur se jeta dans la foule qui affluait. Ces gardes resserrèrent la formation autour de lui, et tous les trois profitèrent du lieu ensorcelant.

Une odeur de peau chaude et iodée s’invita dans leurs narines, comme sur le bateau et sur la plage. Entre les vitrines dorées et les animations proposées par des marchands ambulants, Lueur s’émerveillait comme un enfant. Sa tête dodelinait pareil à celle d’un pantin. Il ne savait pas où arrêter ses yeux tellement il y avait à voir. Les rayons du soleil traversaient le dôme de verre et vinrent illuminer une immense statue de coquillages. Il fixa cette femme désincarnée qui se dressait devant lui. Elle ne bougeait pas, pourtant sa robe dessinait la courbe de ses jambes marchantes. Elle tenait la main à une multitude d’enfants, semblait aller quelque part.

Le prince reconnut sans mal la première épouse de son père, la Reine Parole. Elle irradiait de beauté, comme sa mère la reine Douceur. Cependant, Cette femme portait une tristesse énigmatique au fond des yeux. Puis l’immensité de son corps parlait d’elle comme d’une déesse. Bien qu’à Porcelaine, elle était vue comme une reine devenue folle, ici, dans son pays natal, elle était vénérée comme la mère du peuple.

Les gardes courbèrent l’échine devant la représentation, comme les nombreux passants qui ondulaient dans la galerie. Ce geste semblait presque mécanique. Lueur en fit de même, respectant cette femme qui avait tant cherché son enfant et avait fini par en mourir. Cette pensée alla en bousculer une autre et il songea à la princesse disparue, sa sœur aînée. Cette sœur qu’il n’avait jamais connue, mais qui hantait son quotidien à Porcelaine. Son père, le roi en parlait souvent avec Cécil. À chaque fois qu’ils murmuraient le prénom de Raison un chagrin infini éteignait leurs regards.

— Mon prince ? Ne vouliez-vous pas rejoindre le café « Le Samy » ? dit Talius en le sortant de sa pensée.

Lueur se retourna et acquiesça.

— Oui, allons-y. J’ai envie de goûter à ce jus acidulé que Cécil m’a tant parlé.

— Alors, c’est devant nous, puis il faudra prendre le chemin des Chien de Feux, ajouta Versus.

Son bras se leva en direction d’une rue fleurie.

Les trois hommes sortirent de la galerie, accueillis par la chaleur réconfortante du soleil et s’élancèrent sur les dalles orangers de ladite rue.

En terrasse, Lueur contempla la grande place où plusieurs spectacles faisaient le bonheur des touristes et des habitués. Il posa ses yeux bleus tacheté de rouges sur une contorsionniste. Elle s’agitait au bout d’une tige d’acier et pénétrait dans des cercles de plus en plus petits. Puis, vint une musique. Mystérieuse. Attirante.

Il se détourna de la fille et chercha le bruissement. Ce fut d’abord un faible murmure au loin, perdu entre les corps et les gazes de cotons colorées. Puis un éclat de mélodie entêtante qui perçait la foule.

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