Le fils d'Ichibei
Les ruelles du village étaient quasiment désertes, les habitants s’étaient recroquevillés chez eux, terrifiés de peur.
- Le compte n’y est pas vieux débris, hurlait un bandit à un vieil homme au visage tuméfié.
- Je … Je… Je suis désolé, c’est tout ce que nous avons, si vous nous laissez un peu plus de temps nous pourrons rassembler l’argent nécessaire, répondit-il.
Mais il ne lui laisserait pas plus de temps. Le bandit était bâti comme une montagne, de ses muscles sortait d’épaisse veines noircis qui ne laissait aucun doute sur sa nature profonde. Ses dents aiguisées bien que cassées vinrent se planter avant d’arracher le nez du chef du village qui laissa éclater un cri de douleurs terrifiant qui n’eut pour seul effet que de déclencher les rires malsains des autres guerriers malfaisants rassemblés autour d’eux. L’un deux tenaient la fille du vieil homme par les cheveux tandis que l’autre tenait en joue sa femme avec un couteau assez grossier glissé sous sa gorge.
- Tu n’as pas l’air de comprendre l’ancien, repris l’infame guerrier en mâchouillant le nez arraché. Je suis le seul qui vous offre une protection dans ce territoire reculé, je chasse les onis et les autres bêtes errant dans cette région mais je ne vais tout de même pas le faire gratuitement. Vous devez me payer, et là la somme est insuffisante. Mais tu vois, je ne suis pas une brute, je me contenterai de ton nez et de ta fille pour cette fois.
Le monstre avala le morceau de chair humaine mâchouillé encore dans sa bouche tandis que la fille du chef de village se mit à hurler et à se débattre. La brute l’attrapa par la gorge avant de la coller contre un mur, de son énorme main aux ongles cassants, il arracha le vêtement de la jeune fille, révélant un sein que la bête s’empressa de lécher d’un coup de langue malsaine.
- Tu as meilleur goût que ton père tu le sais ma jolie ?
La jeune fille se débattait essayant vainement de respirer, jusqu’à perdre connaissance. Le monstre relâcha son étreinte pour soulever sa proie dénudée et la mettre sur son épaule. Il balaya les fesses de sa victime de son pouce avant d’esquisser un regard avide.
- Je vous en prie seigneur, ne l’emportez pas, je ferai ce que vous voulez, supplia le vieil homme au pied du bandit en tenant ce qu’il restait son nez.
- Ta fille est vraiment jolie, tu ne mérites pas de posséder une chose aussi belle si tu n’es pas capable de la protéger. Si je peux te la prendre alors je mérite de l’avoir, lança le guerrier corrompu en repoussant le chef de village du pieds.
- Curieuse philosophie que ce que tu viens de dire.
Un homme venait d’entrer dans le village. Son visage était dissimulé sous un jingasa en osier, il portait un kimono de voyage assez souple de couleur bleu sous lequel était cousu une grue dont l’aile semblait dissimuler un katana. C’était un Kakita, un membre de la plus grande famille de bretteur aillant jamais foulé cette planète.
- Si je suis ton raisonnement, repris le bretteur, je n’ai qu’à te tuer toi et la bande de vulgaires traines savates qui te sert d’escorte pour avoir cette jolie fille.
- Un kakita, dit le guerrier au sang noir, quelle heureuse surprise, moi qui pensais que cette terre n’avait rien d’intéressant à m’offrir. Je vais pouvoir me faire un peu d’argent à monnayant ta libération.
- Ta première impression était la bonne, cette terre n’a plus rien d’autres à t’offrir qu’une mort lente et affreusement douloureuse.
- Emparez-vous de lui, hurla le bandit.
La dizaine de guerriers qui servaient de suite à l’ignoble créature se précipita sur le jeune samouraï. Le premier tenta de l’immobiliser avec la chaine de son kusarigama mais la chaine n’avait pas la moindre chance d’égaler la vitesse du Kakita qui répondit à l’attaque dégainant son katana d’une seule main. Il décrit un arc de cercle vif argent qui vint trancher la face de son assaillant. Le bandit hurla de douleur et d’effroi, tentant de maintenir son visage qui se décollait à présent du reste de son corps.
Le groupe d’assaillant fût quelques peu désarçonnés par la vue du visage de leur camarade échouant sur le sol. Grave erreur, un guerrier affronte la mort sans en avoir peur et s’entraîne à en soutenir la vue. L’élégant homme en kimono bleu virevolta à la manière d’une danse et faufila sa lame au travers de la garde d’un autre guerrier. Le sabre pénétra la bouche du malandrin avant de lui transpercer la tête de part en part.
Les bandits s’unirent pour encercler et attaquer le samuraï mais cela semblait vain. Ils étaient trop lents et lui trop agile. Les lames des bandits effleuraient le magnifique kimono bleu azur sans jamais pouvoir le trancher. Le bushi dansait au milieu des lames en souriant, son chapeau n’était même tombé dans l’affaire. Bientôt il profita de la fatigue de l’un de ses opposants pour lui asséner un coup de tranche au niveau de la cuisse. Le guerrier s’effondra sur le sol de douleur en essayant d’empêcher son sang de sortir de lui.
Un des adversaires du samourai perdit patience et s’engouffra avec les deux lames de ses Ninjatos en avant, une attaque vulgaire et mal exécutée que le Kakita contra en tranchant les deux mains du bandit. Il laissa échapper un bref cri de douleur que la Grue réprima en décapitant le pauvre bougre.
- Je croyais que lorsqu’on était souillés par l’Outremonde comme vous l’êtes, on ne ressentait plus la douleur. Je m’étais visiblement trompé, dit le Kakita d’un ton narquois.
- Va te faire foutre, hurla l’un de ses adversaires.
Le groupe d’assaillant réduit à six s’élançât de nouveau sur le bretteur, qui ne parvint pas à les esquiver tous cette fois. L’une de lames vient heurter le casque en paille qui s’envola dans le vent côtier, révélant le visage du samouraï.
- Par les kami, fit le chef des bandit ! Tu es Aoto Kakita, fils d’Ichibei Kakita, l’un des fondateurs du style de combat Kakita.
- Exact, immonde créature, mais tu n’as pas besoin de m’appeler ainsi. Pour toi, je serai simplement la mort.
L’un des bandits tenta de se désengager pour s’enfuir, ce qui lui valu d’être tranché d’un bout à l’autre de l’abdomen avant. Aoto sentit une perle de sueur couler le long de son visage, il avait suffisamment esquivé pour aujourd’hui, il commençait à fatiguer. Il bondit en avant contre ses assaillant pourtant en surnombre et en trancha deux qui s’écroulèrent sur le sol. Un bandit tenta une attaque franche qu’Aoto para en frappant la lame de son adversaire avec sa garde. Le Katana se brisa, le samouraï se saisit du bout de lame cassée de la main gauche puis, tout en cassant la garde de l’adversaire de sa lame tenue en main droite, et enfonça l’éclat dans l’œil de son adversaire.
Réduit à deux, la garde corrompue ne pût encaisser un nouvel assaut du Kakita. Ils s’écroulèrent sur le sol dans une immense gerbe de sang. Le sable du village côtier était à présent constellé de traces noircis du sang impur de bandit qui jonchait le sol. Mais Aoto, lui, n’avait même pas le moindre faux pli sur son kimono.
Il s’avança avec un air satisfait vers le chef de la bande, désormais esseulé. Le colosse laissa retomber sa prise inconsciente sur le sol avant de dégainer un tetsubo aussi grand que son adversaire.
- Je voulais te capturer pour toucher une forte somme d’argent Kakita, mais maintenant c’est fini. Tu as tué mes hommes et rien que pour cela je vais briser chacun de tes os. Tu vas me supplier d’en finir d’ici peu, ricana le colosse avant d’engager le bretteur.
Le tetsubo décrit une immense trajectoire oblique assez prévisible que Aoto n’eut pas de difficulté à éviter. Le souffle de l’attaque le repoussa cependant légèrement. Bien qu’il en avait l’apparence, cette homme n’était plus un être humain, sa force était telle qu’il pourrait balayer une charge de cavalerie d’un seul coup si l’envie lui prenait.
- Si je prends un seul coup, s’en est fini de moi, pensa Aoto.
Le samouraï laissa son adversaire prendre plusieurs fois l’initiative afin d’analyser ses mouvements, il esquiva sans le moindre problème jusqu’à trouver l’ouverture. Il finir par se retrouver dans le dos du monstre après un autre moulinet de l’immense masse et trancha la créature le long se colonne vertébrale. Un coup qui aurait fatal à n’importe quel être humain, il fût toutefois inefficace, et ne trancha pas la peau du bandit mais ricocha plutôt sur celle-ci. Prit de surprise par l’inefficacité de son attaque, Aoto se laissa percuter par le tetsubo de son adversaire qui le projeta quelques mètres plus loin.
Les os de plusieurs côtes se brisèrent à l’intérieur de son corps, il vomit une gerbe de sang avant de se remettre en garde. Il constata alors, horrifié, que le tranchant de son katana était complètement brisé, inutilisable. Le chef des bandits se remit en garde lui aussi mais le coup d’Aoto avait tranché son haut de kimono au niveau du dos alors il le laissa tranquillement tomber sur le sol. Le corps du bandit était couvert de plaque osseuse et d’écailles, sa peau avait l’aspecte de la pierre.
- Comprends-tu à présent Kakita, dit le colosse ? Tu ne peux pas me vaincre, aucun bretteur ne le peut, je suis Sagarami peau de pierre ! Aucun sabre ne peut me tuer. Tremble de peur petit Kakita car ta mort est venue !
Mais Aoto ne semblait pas impressionné, il se saisit du kusarigama de son précédente adversaire à présent sur le sol et s’élança à l’assaut. Il esquiva une nouvelle série de coup non sans souffrir le martyr à cause de sa blessure. Il lança la chaîne qui vint s’enrouler autour de la gorge du colosse avant de tirer de toute sa force. Pris dans l’élan de l’un de ses coups dévastateurs, l’imposant tas de chair ne pût rester sur ses pieds quand Aoto tira la chaine vers lui. Le colosse dégringola la tête la première vers le bretteur qui, d’un coup d’estoc simple et net, enfonça son katana dans l’œil du monstre. La chef des bandits s’effondra sur le sol, mort, tandis que son sang noir comme l’encre s’écoulait de son œil.
- Tu as accordé trop de confiance dans les dons que t’a fait la souillure et pas assez dans ton entrainement. Aucune armure n’est parfaite, aucune protection n’est éternelle. Tu étais un bon adversaire, mais pas assez bon pour vaincre un Kakita digne de ce nom.
Aoto vomit une nouvelle gerbe de sang et regarda une dernière fois l’horreur corrompue vaincue avant de s’effondrer sur le sol. Il fût vite recueilli et soigné par le chef du village et sa famille. Il repartit un mois plus tard et n’exigea rien d’autres que la main de la fille pour laquelle il s’était battu, il rentra à Kyuden Kakita pour présenter sa femme à sa famille.
C’est là qu’il apprit la mort de son père.
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