CHAPITRE 1:REFLET D’UNE AMITIÉ FRAGILE

16 minutes de lecture


La cloche du lycée de Suzhou retentit, marquant la fin d’une journée. Les couloirs bourdonnent de l’énergie des élèves qui s’échappent vers leurs petites routines. Yang Li, un adolescent de 17 ans, sort calmement du bâtiment, une pile de livres sous le bras et un sourire apaisant sur le visage. À ses côtés, Deng Shen ajuste la bandoulière de son sac, son regard brièvement attiré par une conversation animée à l’autre bout du couloir. Malgré leur proximité apparente, une distance invisible semble se creuser, imperceptible pour quiconque les croise.

Dans l’air printanier de Suzhou, le duo s’éloigne des autres élèves, préférant leur chemin habituel qui les mène au parc. C’est là, sous un vieux cerisier dont les fleurs tombent délicatement au gré du vent, qu’ils se sentent le plus à l’aise. Assis côte à côte, ils trouvent un refuge contre l’agitation du monde.

Yang Li ouvre un carnet à la couverture usée, couvert de griffonnages, d’idées et de poèmes. Il parle avec enthousiasme de l’analyse littéraire du jour, s’interrogeant sur le sens de certains vers. Deng Shen l’écoute en hochant la tête, mais son esprit est ailleurs, oscillant entre admiration et doute. Elle ne peut s’empêcher de penser à ce fossé grandissant entre eux, causé par l’éclat de Yang Li qui attire l’attention de tous, et son propre sentiment de fadeur.

Au loin, Chen Bo, le capitaine de l’équipe de basket-ball du lycée, leur fait signe en plaisantant. Sa voix éclate joyeusement alors qu’il taquine Yang Li sur ses habitudes rêveuses. Yang Li, fidèle à lui-même, rit et répond avec une légèreté qui semble naturelle. Deng Shen, bien que silencieuse, se sent invisible face à ce rayonnement. Peu après, Li Mei, une élève passionnée par la poésie, les rejoint. Enthousiaste, elle discute avec Yang Li de son dernier poème. Leur conversation, fluide et animée, isole encore davantage Deng Shen, qui sent monter en elle une pointe de jalousie.

Le cerisier, témoin silencieux de leurs échanges, semble envelopper ces instants d’une aura douce, mais l’atmosphère est empreinte d’un certain poids. Deng Shen, d’une voix hésitante, décide finalement de parler de ses insécurités. Elle avoue à Yang Li qu’elle se sent parfois éclipsée, incapable de définir ses propres rêves. Yang Li, surpris, la rassure. Il lui rappelle combien elle est importante pour lui et combien leur amitié compte, bien au-delà des talents ou des ambitions. Ce moment est marqué par une promesse sincère : se soutenir mutuellement, quoi qu’il arrive. Pourtant, même dans cette sincérité, Deng Shen ne peut échapper au sentiment que quelque chose en elle reste en désaccord.

Au fil de la conversation, d’autres élèves passent non loin, échangeant des salutations ou des commentaires légers. Zhang Wei, toujours studieux, parle brièvement avec Yang Li d’un projet scientifique. Ce dernier, avec son aisance habituelle, inspire une conversation qui souligne encore ses multiples talents. Deng Shen, bien qu’elle ne dise rien, ressent une pression croissante, un sentiment d’étouffement qu’elle ne parvient pas à dissiper.

Alors que le soleil descend lentement à l’horizon, peignant le ciel de teintes dorées, les pétales de cerisier tombent doucement, couvrant le sol d’une couverture éphémère. Yang Li, absorbé par ses pensées et son écriture, reste insouciant face aux tempêtes internes qui se forment dans l’ombre de son amitié avec Deng Shen. Ce premier chapitre se clôture sur une douce mélancolie, laissant entendre que le poids des non-dits et des émotions refoulées façonnera bientôt leurs destins.

Sous les branches du cerisier, tandis que Yang Li griffonne avec une concentration presque artistique dans son carnet, Deng Shen, elle, observe le monde qui les entoure. Le soleil qui descend caresse les feuilles d’un éclat doré, et le léger bruissement du vent transporte avec lui les rires lointains des élèves jouant au parc. Deng Shen replie ses jambes sous elle, cherchant ses mots, comme si elle voulait dire quelque chose d’important mais ne trouvait pas la manière de l’exprimer.

Yang Li, sentant l’hésitation de son amie, lève les yeux et brise le silence avec douceur : « À quoi penses-tu, Deng Shen ? »

Elle cligne des yeux, prise sur le fait. « Oh, rien... ou peut-être beaucoup de choses. Tu crois que tout le monde sait ce qu’il veut faire dans la vie ? Tu sembles si sûr de toi. »

Un sourire sincère éclaire le visage de Yang Li. « Pas toujours. Mais je pense qu’on trouve souvent des réponses en marchant sur le chemin. Ce qui compte, c’est d’avancer, même quand on doute. »

Ces paroles, bien qu’inspirantes, ne dissipent pas totalement les pensées de Deng Shen. Elle détourne son regard, le posant sur un groupe d'élèves non loin d’eux : Chen Bo, qui s’amuse à dribbler un ballon de basket sous les encouragements de Fan Jun, son coéquipier. Leur complicité, palpable et joviale, contraste avec le tumulte intérieur de Deng Shen. Cette scène lui rappelle à quel point tout semble plus simple pour les autres.

Un peu plus loin, sous un autre arbre, Li Mei lit à haute voix un poème qu’elle vient de terminer, entourée d’un petit groupe de camarades attentifs, parmi lesquels Zhang Wei. Les mots de Li Mei résonnent dans l’air avec une poésie presque hypnotique, et Yang Li tend l’oreille, son intérêt éveillé. Deng Shen le remarque et serre les poings un instant, consciente de ce petit instant où son attention s’échappe d’elle.

Soudain, la voix énergique de Huang Lei, le farceur de la classe, vient rompre l'atmosphère tranquille. Il passe devant eux et s’exclame : « Alors, les philosophes, à méditer sous un arbre comme dans un vieux film ? » Son ton est amical, et Yang Li rit de bon cœur, répondant avec un clin d’œil : « Peut-être bien, Huang Lei. Tu devrais essayer, ça te ferait du bien ! »

Mais Deng Shen reste silencieuse, observant Huang Lei s’éloigner en sifflotant. Malgré tout, ces interruptions lui donnent un bref répit de ses pensées conflictuelles.

Yang Li, toujours attentif, se tourne de nouveau vers elle. « Deng Shen, tu sais, c’est normal de douter. Mais je pense que toi, tu as une force que tu sous-estimes. Tu m’as toujours soutenu, même dans les moments où je me sentais perdu. Si je brille, c’est en partie grâce à toi. »

Ces mots réchauffent brièvement le cœur de Deng Shen, mais ils éveillent aussi une autre pensée, plus douloureuse. Et si son rôle n’était que celui de l’ombre qui met en valeur la lumière ? Cette question, bien qu’elle reste enfouie, commence à laisser sa marque.

Alors que le ciel s’obscurcit lentement et que les autres élèves quittent peu à peu le parc, Yang Li et Deng Shen se retrouvent de nouveau seuls sous le cerisier. C’est Deng Shen qui rompt le silence cette fois-ci, d’une voix plus ferme, bien qu’hésitante.

« Yang Li... Promets-moi que, peu importe ce qui arrive, on restera toujours amis. »

Yang Li, surpris par l'intensité de sa demande, cherche son regard. Il voit dans ses yeux une vulnérabilité qu’il ne remarque pas souvent. Avec une sincérité absolue, il lui répond : « Je te le promets. Toujours. »

Leurs mains se rejoignent un instant, et sous ce geste simple, une promesse se fait. Mais alors que cette promesse devrait apporter du réconfort, elle ne fait qu’accentuer le poids des doutes et des émotions refoulées de Deng Shen.

Au loin, les derniers rayons du soleil disparaissent, et les pétales de cerisier, portés par le vent, tourbillonnent autour d’eux. Une scène d’une beauté mélancolique, qui semble annoncer qu’un équilibre fragile est sur le point d’être rompu.


La soirée avance doucement, et le parc autour d’eux s’emplit d’une tranquillité rare. L’agitation des camarades commence à s’estomper, laissant place au murmure apaisant des feuilles agitées par la brise. Deng Shen, toujours assise près de Yang Li, joue distraitement avec un pétale tombé au sol. Son esprit est envahi par un mélange complexe d’émotions qu’elle peine à déchiffrer.

Yang Li, quant à lui, poursuit son écriture, absorbé dans ses pensées. Il lève parfois les yeux vers les branches du cerisier, cherchant de l’inspiration dans la danse des pétales contre le ciel sombre qui s’installe. Ce moment de silence entre eux semble paisible, mais pour Deng Shen, il est lourd de non-dits. Elle observe Yang Li, réfléchissant à tout ce qu’il représente pour elle — sa lumière, sa créativité, et cette étincelle qui semble attirer tout le monde, mais qui la laisse parfois dans l’ombre.

Soudain, la voix calme de Yang Li rompt le silence. « Shen, tu te rappelles quand on venait ici, plus jeunes ? Cet arbre... c'était comme un refuge. »

Deng Shen acquiesce avec un faible sourire. « Oui, je m'en souviens. C’était ici que tu m’avais dit que tu voulais devenir écrivain. Tu avais à peine dix ans, mais tu parlais déjà comme si c’était une certitude. »

Yang Li rit doucement. « Et toi, tu voulais être dessinatrice. Tu te rappelles ? Tu passais des heures à esquisser des portraits, à imaginer des mondes. Pourquoi tu as arrêté ? »

Deng Shen détourne le regard, gênée par la question. Elle hésite avant de répondre, cherchant les mots justes. « Je suppose que... je ne suis pas aussi talentueuse que toi. Toi, tu as continué à croire en tes rêves. Moi, je me suis juste… perdue. »

Yang Li la fixe avec une intensité inhabituelle. « C’est faux. Arrêter ne veut pas dire que tu n’es pas talentueuse. Parfois, la vie nous éloigne de ce qu’on aime, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas y revenir. Tu devrais essayer à nouveau, Shen. »

Ces mots, bien que sincères et réconfortants, résonnent étrangement pour Deng Shen. Ils lui rappellent à quel point Yang Li est différent, toujours positif, toujours motivé, comme s’il était intouchable par les doutes qui la rongent. Elle hoche la tête, mais une part d’elle reste sceptique.

Leur conversation est interrompue par l’arrivée tardive de Zhao Ling, une camarade engagée dans des causes environnementales. Elle s’approche pour leur montrer un dépliant sur une campagne de plantation d’arbres qu’elle organise au lycée. Yang Li accueille son enthousiasme avec intérêt, posant des questions et promettant de participer. Deng Shen, de son côté, reste en retrait, observant en silence. Même dans ces petites interactions, elle se sent parfois mise à l’écart, bien qu’elle sache au fond d’elle que ce n’est pas intentionnel.

Alors que Zhao Ling s’éloigne, Yang Li se tourne à nouveau vers Deng Shen. « Tu sais, ce genre de projets, c’est important. Ça me rappelle pourquoi j’écris. J’aime l’idée que les mots peuvent faire une différence, inspirer les gens. Et toi, Shen, qu’est-ce qui t’inspire ? »

Cette question, si innocente, frappe Deng Shen comme un coup. Elle reste sans voix, incapable de formuler une réponse. Qu’est-ce qui l’inspire vraiment ? Elle ne sait plus. L’ombre de Yang Li, avec sa clarté et ses convictions, semble trop grande pour qu’elle puisse y trouver sa place.

Le vent souffle un peu plus fort, et le froid de la soirée commence à se faire sentir. Deng Shen frissonne légèrement, mais ce n’est pas seulement à cause de la température. Elle se lève, brusquement, époussetant sa jupe. « On devrait rentrer. Il commence à faire tard. »

Yang Li, bien qu’un peu surpris par son changement soudain, acquiesce. Il referme son carnet et le range dans son sac. Ils marchent côte à côte en silence, le chemin vers chez eux baigné par la lumière douce des lampadaires. Mais ce silence, loin d’être apaisant, est chargé de tensions invisibles, de pensées non exprimées.

Alors qu’ils se séparent devant la maison de Deng Shen, Yang Li l’interpelle une dernière fois. « Merci, Shen, d’être toujours là pour moi. J’espère que tu sais combien ça compte pour moi. »

Elle lui répond par un sourire, mais une fois la porte refermée derrière elle, son sourire disparaît, remplacé par une expression indéchiffrable. Elle s’appuie contre la porte, son esprit tourbillonnant de sentiments qu’elle ne peut nommer. Cette soirée, bien que semblant ordinaire, marque un tournant dans sa perception de leur amitié.

Le ciel devient de plus en plus sombre, et le silence entre Yang Li et Deng Shen s'étire alors qu'ils progressent sur le chemin familier qui les mène de leur sanctuaire sous le cerisier à leurs maisons respectives. Pourtant, ce silence n'est pas vide. Il est rempli des pensées non formulées de Deng Shen et de l'esprit tranquille mais curieux de Yang Li. Ce moment ordinaire cache des sentiments plus profonds, des émotions qui cherchent à éclater dans un calme apparent.

Le bruit des grillons résonne dans l’air, et les lampadaires projettent une lumière tamisée sur le chemin. Soudain, un groupe d'élèves passe à côté d'eux, les saluant joyeusement. Parmi eux se trouvent Sun Jie, le pianiste rêveur, et Liu Fang, toujours concentrée sur ses objectifs. La voix de Sun Jie, animée et engageante, brise momentanément l'atmosphère :

« Yang Li, tu as écrit quelque chose de nouveau aujourd'hui ? On devrait organiser un après-midi où tu lis tes poèmes et je joue quelques morceaux au piano ! »

Yang Li sourit à l'idée, son visage s'illuminant brièvement sous la lumière d'un lampadaire. « Ce serait sympa. Peut-être ce week-end, si tu es disponible. »

Deng Shen reste silencieuse. Elle regarde les autres interagir avec Yang Li et sent une étrange distance se creuser, comme si le lien spécial qu'ils partageaient était, petit à petit, envahi par la présence des autres. Cette pensée la tourmente, bien qu'elle sache que ce n'est ni juste ni rationnel.

Sun Jie et Liu Fang s’éloignent, discutant avec enthousiasme de leurs propres projets. Le calme retombe sur le chemin, et Deng Shen brise enfin le silence.

« Tu es vraiment spécial, tu sais ? » dit-elle doucement, fixant le sol devant elle.

Yang Li, un peu surpris, se tourne vers elle. « Pourquoi tu dis ça, Shen ? Je ne suis pas plus spécial que toi ou que quiconque. Je fais juste ce que j’aime. »

Deng Shen secoue la tête, un sourire triste effleurant ses lèvres. « Mais justement, tu as cette capacité… tu fais tout paraître si simple. Écrire, inspirer les autres. Et moi, je ne sais même pas par où commencer. »

Yang Li ralentit son pas, réfléchissant à sa réponse. Il pose doucement sa main sur l’épaule de Deng Shen, un geste sincère et réconfortant. « Écoute, je ne sais pas où je vais exactement non plus. Mais ce que je sais, c’est qu’on trouve nos réponses en marchant. C’est en avançant, même dans le doute, qu’on découvre ce qui compte vraiment. »

Deng Shen hoche la tête, mais au fond d’elle, ses émotions se mélangent. Les paroles de Yang Li sont rassurantes, mais elles soulignent également tout ce qui la différencie de lui. Là où il avance avec confiance et lumière, elle se sent perdue, enveloppée d’ombres.


Yang Li, souriant à son tour, lui répond : « Shen. Rappelle-toi, tu n’as pas besoin d’être parfaite. Tu es déjà plus forte que tu ne le crois. »

Sur la route qui les ramène chez eux, le silence s’installe à nouveau entre Yang Li et Deng Shen. Mais ce n’est pas un silence inconfortable. C’est plutôt une sorte de répit, un espace où leurs pensées s’entrelacent sans qu’aucun mot ne soit prononcé. Le bruit de leurs pas résonne doucement sur le trottoir, accompagné par le chant des grillons et le bruissement discret des feuilles sous la brise nocturne.

Arrivés à un croisement où leurs chemins se séparent, Yang Li ralentit légèrement le pas, puis s’arrête, se tournant vers Deng Shen. Son visage est calme, et il esquisse un sourire chaleureux. « C’est là qu’on se quitte, alors. Bonne nuit, Shen. Prends soin de toi. »

Deng Shen lève les yeux vers lui, un instant figée. Elle sourit en retour, mais son sourire, bien que sincère, est teinté d’une certaine mélancolie qu’elle ne parvient pas à dissimuler complètement. « Bonne nuit, Yang Li. À demain. »

Elle reste immobile un instant, le regard suivant Yang Li tandis qu’il s’éloigne, son sac jeté négligemment sur une épaule. Sa démarche est légère, comme si le poids du monde ne l’atteignait pas. Deng Shen ressent un pincement au cœur, une émotion qu’elle peine à définir. Est-ce de l’admiration ? De l’envie ? De la solitude ? Peut-être un peu des trois à la fois.

Yang Li, de son côté, s’arrête brièvement au bout de la rue et se retourne, levant la main dans un geste d’au revoir, un sourire toujours accroché à ses lèvres. Ce simple geste lui semble naturel, mais il résonne profondément en Deng Shen. Elle lui rend son salut, et lorsqu’il disparaît au coin de la rue, elle inspire profondément, comme pour effacer les pensées qui l’envahissent.

La lumière des lampadaires éclaire doucement le chemin devant elle tandis qu’elle reprend sa marche, le pas plus lent, les yeux fixés sur le sol. Ce moment de séparation, bien qu’il fasse partie de leur routine, laisse toujours à Deng Shen une impression étrange, comme si chaque au revoir laissait derrière lui une question en suspens.

Alors qu’elle atteint finalement sa maison, Deng Shen jette un dernier coup d’œil vers l’obscurité de la rue qu’a empruntée Yang Li. Une pensée fugace lui traverse l’esprit : "Et si un jour il continuait sans moi ? Et si cette route qui nous sépare devenait plus qu’un simple croisement "?

Cette séparation anodine, ce croisement sur leur chemin quotidien, devient un symbole des émotions complexes et des doutes qui hantent leur amitié. Le silence de la nuit, loin d’apaiser ces pensées, semble au contraire les amplifier.

Lorsque Yang Li rentre chez lui après leur séparation, il ouvre la porte sur un foyer animé par les sons et les senteurs familiers de son quotidien. Sa mère, Maria, est plongée dans sa cuisine, dansant légèrement au rythme d’une chanson congolaise nostalgique qui joue en arrière-plan. L’odeur d’un plat mijoté, mélange parfait d’épices africaines et chinoises, emplit l’appartement, rendant l’atmosphère à la fois chaleureuse et unique.

« Mon garçon, tu es enfin là ! » dit Maria en jetant un coup d’œil rapide dans sa direction, un sourire rayonnant sur son visage. Elle est habillée d’un simple pagne aux motifs vifs, contrastant joliment avec le décor plus sobre de leur maison. « Viens goûter ça. Je suis en train de préparer un plat que ta tante m’a appris. »

Yang Li pose son sac dans un coin et obéit sans hésiter. « Ça sent toujours aussi bon, Maman. » Il savoure une cuillère de la sauce épicée et approuve d’un hochement de tête enthousiaste.

« Ton père est dans son bureau. Il prépare des papiers pour le travail, comme toujours, » ajoute Maria avant de retourner à sa cuisine.

Curieux, Yang Li se rend dans le bureau de son père, Li Wei, où il le trouve penché sur un tas de documents. Son père lève les yeux de ses lunettes et lui adresse un sourire discret mais plein de fierté.

« Comment s’est passée ta journée, Yang Li ? » demande Li Wei, sa voix posée mais bienveillante.

« Bien, Papa. J’ai beaucoup écrit aujourd’hui. Je pense avoir une idée intéressante pour mon poème de concours. »

« Continue comme ça, » répond son père. « N’oublie pas, tes mots peuvent avoir un impact. Rends-les puissants. »

Ces mots résonnent profondément en Yang Li, qui admire la sagesse tranquille de son père. La maison, bien que modeste, est un carrefour de cultures où Maria et Li Wei ont su combiner leurs origines respectives pour offrir à leur fils un environnement riche d’influences. Pourtant, Yang Li ressent parfois cette double identité comme une énigme. Il se demande s’il est vraiment accepté pour ce qu’il est dans une société qui ne semble pas toujours comprendre les nuances de son métissage.

De l’autre côté de la ville, Deng Shen arrive dans une maison bien différente. Le silence y règne, brisé seulement par le doux sifflement de la bouilloire dans la cuisine. Sa mère, Deng Xiu, est assise à la table, occupée à trier des légumes frais avec une précision méthodique. Elle lève la tête en entendant la porte s’ouvrir.

« Tu es rentrée tard, » remarque-t-elle avec un ton neutre mais attentif. « Comment était ta journée ? »

Deng Shen pose son sac près de la porte et s’assoit à la table, posant son menton sur sa main. « C’était bien, Maman. J’ai passé un moment avec Yang Li après les cours. »

Deng Xiu sourit doucement, ses mains toujours occupées. « Il est toujours si studieux, ce garçon. Tu devrais t’inspirer de lui. »

Ces mots, bien que prononcés sans arrière-pensée, laissent un écho désagréable dans l’esprit de Deng Shen. Elle admire Yang Li, mais ces comparaisons implicites la mettent mal à l’aise, renforçant ce sentiment qu’elle est toujours un pas derrière lui.

Dans le salon, son père, Deng Hao, travaille sur une lampe défectueuse, assis dans son fauteuil habituel. Il lève brièvement les yeux vers sa fille en entrant, son ton direct mais affectueux. « Tu as avancé sur ton projet scolaire ? L’excellence est la clé, tu le sais. »

« Oui, Papa, » répond Deng Shen, plus par habitude que par conviction.

Après le dîner, Deng Shen se retire dans sa chambre. L’espace est ordonné, simple, sans extravagance. Elle s’assoit près de sa fenêtre, regardant les lumières de la ville au loin. Elle prend un carnet sur sa table de chevet et commence à dessiner, mais ses esquisses manquent d’énergie. Elle griffonne des visages, peut-être le sien, peut-être celui de Yang Li, sans trop réfléchir.

« Pourquoi est-ce que je me sens toujours… insuffisante ? » murmure-t-elle pour elle-même, fixant les traits incertains sur le papier.

Ces instants dans leurs foyers respectifs montrent le contraste entre leurs mondes. Yang Li, bien que porté par la richesse de ses racines, se débat avec sa double identité culturelle. Deng Shen, de son côté, lutte contre un environnement structuré et des attentes implicites qui amplifient ses insécurités. Ce parallèle renforce la complexité de leur amitié et met en lumière les influences qui façonnent leur vision du monde.


Sous un ciel parsemé d'étoiles, dans leurs foyers respectifs, Yang Li et Deng Shen s’abandonnent à leurs pensées. Tandis que Yang Li relit les lignes de son carnet avec une sérénité teintée de curiosité pour ce que demain pourrait apporter, Deng Shen contemple le vide au-delà de sa fenêtre, où se reflètent les lueurs incertaines de ses propres émotions. Chacun, dans son monde, porte des questions silencieuses et des aspirations enfouies, sans savoir que leurs chemins, bien que parallèles pour l'instant, pourraient bientôt se croiser de manière inattendue.

Dans ce contraste de lumière et d’ombre, de certitude et de doute, une seule pensée semble commune : Jusqu’où un lien peut-il tenir face à l’épreuve des ombres invisibles qui s’élèvent ?

Et si le plus grand test d’une amitié n’était pas le poids des non-dits, mais la manière dont chaque silence façonne les cœurs qui les portent ?






Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Reidid Ndele ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0