CHAPITRE 16 : LES FRAGMENTS DU PASSÉ
Le vent soufflait doucement, emportant avec lui les dernières feuilles tombées du cerisier. Mais cette fois, son murmure semblait porter une tristesse que rien ne pouvait apaiser. Le parc, autrefois témoin des rires, des larmes et des promesses, était devenu le théâtre silencieux d’un chagrin incommensurable.
Yang Li était parti.
La nouvelle de sa mort s’était répandue comme une onde, brisant tout sur son passage. Chaque personne qui avait croisé son chemin portait désormais une fissure en elle, une plaie ouverte par l’absence de celui qui avait illuminé leurs vies, même dans ses moments les plus sombres. Ses parents, effondrés, semblaient chercher des réponses là où il n’y en avait plus. Ses amis, incapables de prononcer son nom sans sentir leur voix se briser, étaient hantés par la dernière fois qu’ils avaient vu son sourire.
Mais c’était Deng Shen qui portait le poids le plus lourd. Elle errait dans les lieux qu’ils avaient partagés, son carnet à la main, incapable d’écrire quoi que ce soit. Les mots, pourtant autrefois son refuge, refusaient de venir. Chaque page blanche semblait refléter l’immensité de sa perte, un vide qu’elle ne savait pas comment combler.
La veille des funérailles, Deng Shen se rendit seule au cerisier. La nuit était claire, et les étoiles brillaient d’une lumière qu’elle trouvait presque cruelle. « Pourquoi le ciel continue-t-il de briller, » murmura-t-elle, les larmes roulant sur ses joues, « alors que le monde, ici, s’effondre ? » Elle s’assit au pied de l’arbre, posant une main sur l’écorce rugueuse. Ce cerisier, témoin silencieux de tant d’histoires, semblait lui murmurer des souvenirs qu’elle n’était pas prête à entendre. Elle ferma les yeux, laissant les fragments du passé remonter à la surface.
Elle revit son sourire, ce sourire qui avait illuminé même ses jours les plus sombres. Elle se rappela sa voix, douce mais ferme, lorsqu’il lui avait chanté ces paroles d’adieu qu’elle n’avait pas voulu comprendre. « Tu savais, » murmura-t-elle, sa voix brisée par les sanglots. « Tu savais que tu allais partir, et tu m’as préparée, à ta manière. Mais je ne suis pas prête, Yang Li. Je ne le serai jamais. »
Le jour des funérailles, une pluie fine tombait, comme si le ciel lui-même pleurait la perte de Yang Li. Chaque goutte semblait porter un fragment de tristesse, une douleur partagée par tous ceux qui étaient venus lui rendre hommage. La cérémonie était simple mais chargée d’émotion, chaque personne portant en elle un souvenir unique de celui qu’ils venaient dire adieu.
Chen Bo, habituellement si fort, fut le premier à briser le silence. Il se tenait devant les amis et la famille, le regard fixé sur l’horizon, ses mains tremblantes serrées autour d’un papier qu’il avait préparé mais qu’il n’osa pas lire. « Yang Li, » dit-il d’une voix rauque, « tu étais plus qu’un ami. Tu étais un frère. Et maintenant que tu n’es plus là, je réalise combien tes conseils, tes rires, même tes silences me manquent. Tu disais toujours que la vie est comme un terrain de basket : on ne gagne pas tous les matchs, mais ce qui compte, c’est comment on joue. Eh bien, je ne sais pas comment continuer ce match sans toi. »
Huang Lei, le poète silencieux du groupe, se leva à son tour. Dans sa main, un carnet semblable à celui que portait Deng Shen. « J’ai écrit quelque chose pour toi, Yang Li, » dit-il, sa voix brisée par l’émotion. « Une simple strophe, mais je pense qu’elle résume ce que je ressens :
'Les étoiles brillent pour ceux qui les regardent,
Mais toi, Yang Li, tu as été l’étoile que nous avons tous suivie.
Et même si ton éclat s’est éteint ici-bas,
Il continuera de briller dans chacun de nos souvenirs.'
Il referma son carnet, les larmes coulant librement sur ses joues.
Li Mei s’avança ensuite, serrant un pendentif que Yang Li lui avait offert lors d’une de leurs sorties. « Tu étais la lumière de nos vies, » dit-elle, sa voix tremblant. « Et maintenant que tu es parti, nous devons apprendre à marcher dans cette obscurité. Mais je promets de porter ta lumière avec moi, Yang Li. Je promets de ne jamais l’oublier. »
Lorsque ce fut au tour de Deng Shen, elle resta un moment figée, incapable de se lever. Chaque pas vers l’endroit où elle devait parler semblait être une montagne à gravir. Mais finalement, elle trouva la force, son carnet serré contre elle comme une ancre dans la tempête.
« Yang Li, » commença-t-elle, sa voix à peine audible. « Il y a tellement de choses que j’aurais voulu te dire, tellement de choses que je n’ai pas eues le courage de partager. Mais je sais que tu savais. Tu savais combien tu comptais pour moi, même si mes mots étaient maladroits. »
Elle ouvrit son carnet, mais aucun mot ne venait. À la place, elle leva les yeux vers le ciel, laissant les larmes couler librement. « Je te l’ai dit avant, et je te le redis aujourd’hui : je ne suis pas prête. Mais je vais essayer. Je vais essayer de vivre comme tu voulais que je vive, de sourire comme tu voulais que je sourie. Et chaque pas que je ferai, je le ferai pour toi. »
Deng Shen s’éloigna, ses épaules secouées par des sanglots qu’elle ne pouvait plus retenir. Le vent souffla doucement, emportant avec lui les murmures des âmes en deuil, comme un chant d’adieu à celui qui avait touché tant de vies.
Et alors que le cerisier restait debout, témoin silencieux de cette douleur, une seule pensée traversa l’esprit de chacun : « Yang Li n’était pas seulement une étoile. Il était une constellation. » Une lumière qui, bien qu’éteinte, continuerait de briller à travers les souvenirs qu’il avait laissés derrière lui.
Dans la maison familiale de Yang Li, le deuil s’était installé comme une ombre pesante, recouvrant chaque mur, chaque meuble, chaque silence. Sa présence hantait ces lieux, imprégnant l’air d’une douleur insurmontable. Ses parents, inconsolables, vivaient chaque jour comme une lutte pour supporter l’insupportable. Chaque souvenir de leur fils, chaque objet qu’il avait touché, semblait murmurer son nom, ravivant une blessure qui refusait de guérir.
Sa mère, assise sur le canapé du salon, tenait entre ses mains une vieille écharpe que Yang Li portait souvent l’hiver. Elle caressait doucement le tissu, comme si ce simple geste pouvait ramener son fils auprès d’elle. Ses larmes coulaient silencieusement, mais leur intensité parlait d’un chagrin qu’aucun mot ne pouvait soulager. « Mon fils, » murmura-t-elle dans un souffle brisé, sa voix tremblant sous l’émotion. « Mon fils, pourquoi es-tu parti si tôt ? Qui va maintenant illuminer nos jours comme tu le faisais, mon demi africain ? »
Ces derniers mots, ce surnom qu’elle lui avait donné, résonnèrent dans la pièce, remplissant l’espace d’un mélange poignant d’amour et de tristesse. C’était sa façon à elle de l’honorer, de reconnaître la richesse de son identité, de ses origines multiples, qui avaient fait de lui un être si unique. Mais maintenant, ces mots semblaient vides, flottant dans un silence qui ne trouvait pas de réponse.
Dans la pièce voisine, son père était assis à la table de la cuisine, le regard perdu dans une photo de Yang Li posée devant lui. Ses mains tremblaient légèrement, tenant une tasse de thé qu’il n’avait pas touchée. « Mon demi africain, » murmura-t-il, les yeux remplis de larmes. « Où es-tu ? Comment continuer sans toi ? »
Il se leva soudainement, incapable de rester immobile face au poids de son chagrin. Il marcha jusqu’à la chambre de Yang Li, ouvrant doucement la porte comme s’il craignait de troubler un sommeil. Chaque objet, chaque détail de la pièce, portait encore l’empreinte de son fils. Son lit était fait, son bureau encombré de carnets remplis de réflexions et de poèmes. Il s’approcha lentement, posant une main sur une feuille restée ouverte, où Yang Li avait griffonné une note :
« Même les étoiles s’éteignent un jour, mais leur lumière continue de voyager, éclairant encore le monde. »
En lisant ces mots, son père sentit ses jambes fléchir. Il s’assit sur le bord du lit, la tête entre les mains, laissant enfin les sanglots qu’il retenait s’échapper. « Mon fils, » murmura-t-il entre deux sanglots, « tu étais notre lumière, notre étoile. Et maintenant, l’obscurité est partout. »
Sa mère, entendant son chagrin, le rejoignit dans la chambre, ses propres larmes toujours présentes. Elle s’assit à ses côtés, posant une main tremblante sur son épaule. Ensemble, ils partagèrent leur douleur, leurs souvenirs, leurs larmes. « Il nous a laissé tellement d’amour, » dit-elle doucement, sa voix brisée mais sincère. « Et pourtant, tout cet amour fait si mal maintenant qu’il n’est plus là. »
Leur maison était devenue un sanctuaire de souvenirs, mais aussi un lieu de souffrance profonde. Ils passaient leurs journées à revisiter les moments partagés avec leur fils, à se demander s’ils avaient dit tout ce qu’ils auraient dû dire, fait tout ce qu’ils auraient dû faire. « Est-ce qu’il savait à quel point nous étions fiers de lui ? » demanda un jour sa mère, ses yeux fixés sur une photo de famille où Yang Li riait de tout son cœur. « Bien sûr qu’il le savait, » répondit son père, bien qu’il peinait lui-même à croire ses propres mots.
Le surnom « mon demi africain », que son père lui donnait souvent avec un sourire empli de fierté, résonnait désormais comme un écho. C’était leur manière de célébrer ses racines, de reconnaître l’héritage qu’il portait avec tant de grâce. Mais chaque fois que ce surnom revenait dans leurs conversations, il ramenait aussi le souvenir de son rire, de sa voix, de cette lumière qu’il apportait partout où il allait.
Un après-midi, alors que sa mère fouillait dans ses affaires pour tenter de trouver un peu de réconfort, elle découvrit un carnet que Yang Li avait laissé sur son bureau. En l’ouvrant, elle trouva une page où il avait écrit :
« À mes parents,
Si jamais je pars avant vous, sachez que je vous aime. Vous avez fait de moi la personne que je suis, et pour cela, je vous serai toujours reconnaissant. Ne pleurez pas trop pour moi. Vivez, et souvenez-vous de moi comme je vous ai toujours aimés : avec tout mon cœur. »
Ces mots, bien qu’emprunts de douceur, brisèrent encore plus son cœur. Elle montra le carnet à son mari, et ensemble, ils restèrent assis, lisant et relisant cette page. Leur chagrin se mêlait à une étrange forme de paix, un rappel que, malgré la perte, Yang Li continuait de leur parler, de les aimer, même au-delà de la mort.
Ils pleurèrent longuement ce jour-là, appelant leur fils par ce surnom qu’ils chérissaient tant. « Mon demi africain, » murmura son père, les yeux tournés vers le ciel. « Où que tu sois, sache que tu vis encore en nous, dans nos cœurs, dans nos souvenirs. »
Et alors que le soleil se couchait derrière les collines, baignant leur maison d’une lumière dorée, ils trouvèrent une petite étincelle de réconfort dans l’idée que Yang Li, leur fils bien-aimé, continuerait toujours de briller à travers eux.
Deux semaines s’étaient écoulées depuis les funérailles de Yang Li, mais pour ceux qui l’aimaient, chaque journée ressemblait à une lutte silencieuse contre le vide qu’il avait laissé. Ces jours n’avaient pas suivi un cours linéaire. Certains étaient marqués par une accalmie étrange, où ils semblaient simplement flotter à travers le quotidien, tandis que d’autres les plongeaient dans un abîme de douleur, déclenchée par une chanson, une photo, ou même un simple silence.
Deng Shen, en particulier, ne semblait plus être qu’une ombre d’elle-même. Elle errait dans un monde qu’elle ne reconnaissait plus, chaque endroit qu’elle visitait lui rappelant des moments partagés avec Yang Li. Chaque éclat de rire qu’elle entendait dans la rue semblait être un cruel rappel de ce qu’elle avait perdu.
Les jours solitaires de Deng Shen
Deng Shen passait de longues heures dans sa chambre, assise au bureau où elle écrivait autrefois si facilement. Son carnet, qui avait été son fidèle compagnon, restait ouvert devant elle, mais les pages blanches semblaient la narguer. Elle essayait de poser des mots, de décrire ce qu’elle ressentait, mais rien ne semblait suffire. Les mots, si puissants lorsqu’ils étaient partagés avec Yang Li, lui paraissaient désormais vides, incapables de capturer l’ampleur de son chagrin.
Un après-midi, elle décida de retourner au parc où ils avaient passé tant de temps ensemble. Sous le cerisier, elle s’assit et laissa le vent caresser son visage, fermant les yeux pour essayer de ressentir sa présence. « Si seulement tu pouvais être ici, » murmura-t-elle. « Si seulement je pouvais entendre ta voix une dernière fois. » Mais le seul écho qui lui répondit fut celui du vent soufflant doucement à travers les branches.
Chen Bo et la colère silencieuse
Chen Bo n’était pas retourné dans le parc depuis les funérailles. Il trouvait le lieu trop chargé de souvenirs, trop douloureux à affronter. Au lieu de cela, il se plongeait dans ses entraînements, passant des heures à frapper un sac de boxe jusqu’à ce que ses muscles brûlent. Mais malgré ses efforts pour détourner son esprit, l’image de Yang Li continuait de le hanter.
Un soir, il s’effondra, épuisé, sur le sol de la salle de sport. Les poings serrés, il murmura entre deux respirations haletantes : « Pourquoi toi, Yang Li ? Pourquoi pas moi ? Tu étais celui qui nous maintenait ensemble, celui qui nous donnait de l’espoir. Je ne suis pas à la hauteur sans toi. » Ces mots, bien qu’adressés au vide, portaient le poids d’une culpabilité qu’il ne savait pas comment libérer.
Huang Lei et ses poèmes de douleur
Huang Lei passait la plupart de ses soirées à écrire. Ses poèmes, autrefois empreints d’une beauté rêveuse, étaient maintenant sombres, chargés de mélancolie et de réflexion. Il se sentait coupable, d’une manière qu’il ne pouvait expliquer, de ne pas avoir vu les signes que Yang Li lui avait laissés. Ses mots, bien que sincères, portaient une douleur qu’il avait du mal à contenir.
Une nuit, il écrivit :
« Le silence hurle dans mon cœur,
Là où ta voix résonnait autrefois.
Chaque étoile qui brille me rappelle
Que même les cieux ne peuvent combler ton absence. »
En lisant ces lignes à voix haute, il sentit un sanglot monter en lui. Ses mains tremblèrent alors qu’il fermait son carnet, incapable de continuer.
Li Mei et l’effondrement silencieux
Li Mei continuait d’essayer de porter ses amis, mais cela lui coûtait plus qu’elle ne l’admettait. Elle souriait en leur présence, essayant de rappeler les leçons de Yang Li sur l’importance de rester forts, mais chaque sourire lui semblait être un masque qui s’effritait un peu plus chaque jour.
Un soir, alors qu’elle rangeait ses affaires, elle tomba sur une vieille photo de leur groupe, prise lors d’une sortie au parc d’attractions. Yang Li était au centre, son sourire rayonnant illuminant la photo. Li Mei s’assit sur son lit, fixant l’image jusqu’à ce que sa vision devienne floue à cause des larmes. « Tu disais toujours que la vie devait continuer, » murmura-t-elle. « Mais comment avancer quand tout semble si vide sans toi ? »
Un vide collectif
Ces deux semaines avaient creusé un gouffre entre chacun d’eux et le monde qu’ils connaissaient auparavant. Chaque ami, chaque proche de Yang Li, portait en lui un poids unique, un mélange de souvenirs et de regrets. Leur unité, autrefois si forte, semblait maintenant vaciller sous le poids de leur douleur partagée.
Mais dans ce chagrin, il y avait aussi une lueur, infime mais présente : l’espoir que, d’une manière ou d’une autre, ils pourraient honorer la mémoire de Yang Li en continuant à vivre. Ils savaient qu’il n’aurait pas voulu les voir s’effondrer. Et bien que la route vers cette lumière soit encore longue et incertaine, chacun sentait, au fond de lui, que cette douleur pouvait être transformée, un jour, en quelque chose de plus grand.
Les fragments du passé, bien que déchirants, étaient aussi une source de force. Et c’était dans ces souvenirs qu’ils cherchaient, lentement mais sûrement, un moyen de continuer, pour lui, avec lui, dans leur cœur.
Lorsque le poids de la perte s’atténue juste assez pour permettre aux souvenirs de devenir des piliers au lieu de blessures, comment transforme-t-on une douleur éternelle en un héritage vivant, et trouve-t-on enfin une lumière dans les ombres laissées derrière ?
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