Je ne comprenais rien ou trop bien. Je n’en revenais pas. Cathy avait raison les flics étaient pourris jusqu’à l’os. Ils m’emmenèrent sur le parking. Marie m’attendait. Quand elle s’approcha, je la fusillais du regard.

— Ne me regarde pas comme ça. Je devais savoir si je pouvais te faire confiance. Même les flics font ça avec leurs jeunes recrues.

Je ne baissais toujours pas les yeux.

— Je dois avouer que tu m’impressionnes. Les sachets hier, la question aujourd’hui, t’es solide. Ça fait de toi quelqu’un de confiance mais toutefois dangereux. Détachez-là.

Elle repartit dans sa voiture entourée de ses gardes du corps. J’étais au bord des larmes. Les poignets me faisaient mal et les coups portés résonnaient encore dans tout mon corps. En fait, j’étais sonnée. Une voiture s’arrêta à côté de moi. J’eus un mouvement de recul. C’était Jahyan.

— Ben alors, qu’est-ce que tu fous ? Quand je te demande quelque chose, je veux que tu le fasses. C’est clair.

Jahyan était furieux.

— J’ai besoin de pouvoir compter sur toi. Tu devais juste surveiller les environs. C’est quand même pas compliqué.

Sa voix était montée d’un cran.

— Comment veux tu que je te fasse confiance, si tu es incapable d’appliquer les consignes.

Il se tourna vers moi. Mon visage devait se décomposer.

— Hey, hélène, ça va ?

— Marie m’a kidnappé.

— Quoi ?

— Des flics m’ont choppé dans le parking et se sont enfermés avec moi dans un fourgon.

Jahyan se tut.

— Ils m’ont séquestré, tabassé, insulté.

— Je suis désolé. Elle ne me dit pas toujours ce qu’elle fait. Marie est comme ça, il faudra t’y faire. Elle a besoin de savoir si elle peut te faire confiance.

— Je sais. C’est ce qu’elle m’a dit.

— Ecoute, il faut que tu sois plus prudente. Ne jamais

— Baisser la garde, je sais.

— La vie est ainsi faite. Dès que tu te crois arrivé, elle te montre que tu as encore du chemin à faire.

— il ne s’agit pas de la vie mais de Marie.

— Tu ne pourras pas la changer. Alors reste toujours attentive.

— Qu’est-ce qu’on fait dans cette camionnette ?

— On va chercher de la marchandise.

On arriva dans une espèce de marché aux fleurs à ciel ouvert. Un type arrosait des jardinières. Il nous vit arriver, s’arrêta et disparut. Jahyan fit le tour et revint se garer. Je compris aussitôt que c’était un code.

— Qu’est-ce que tu fais s’il continue d’arroser ses fleurs ?

Jahyan me regarda, à la fois surpris et admiratif. Il finit par sourire.

— Je continue mon chemin.

Un type arrivait.

— Qui c’est ?

— C’est notre client.

On refit le tour pour s’arrêter près de la porte de derrière. Je me détachai.

— Où tu crois aller comme ça ?

— Je vais avec toi.

— C’est trop dangereux. Il te connaîtra et elle saura que tu l’as rencontré.

— Eh alors !

— Je viens de te dire de rester prudente et moins t’en saura et mieux ça sera pour ta sécurité.

— Plus j’en saurai et plus je pourrais être utile. La seule solution qui me reste est de devenir indispensable. Si je reste entre deux chaises, je serai affaiblie et là elle pourra m’atteindre.

Jahyan m’écoutait. C’était réconfortant.

— Je suis là, je suis entrée dans le clan. Je n’ai plus qu’une chose à faire. Prendre mes responsabilités. On y va ?

D’un même mouvement, on ouvrit les portes. Je le rejoignis et nous dirigeâmes vers l’individu.

— Salut Jacques.

— Qui c’est la gonzesse ?

— Une nouvelle recrue. Elle bosse avec nous.

— Ttttt c’était pas prévu comme ça. Où est Sylvie ?

— Elle a fait une overdose.

— Qu’est-ce que tu me chantes. J’aime pas les embrouilles Jahyan.

— Si tu as un problème avec mes choix, t’en parles à Marie. J’ai une autre clientèle moins regardante.

Il n’arrêtait pas de me scruter. Je ne baissai pas les yeux.

— Ok ! T’en prends la responsabilité.

Nous repartîmes chacun de notre côté pour nous retrouver dans un entrepôt voisin. Jahyan se rangea sur le quai de livraison et me fixa.

— Je ne veux pas t’entendre, t’as bien compris.

Les types nous attendaient. Jahyan descendit un carton et le porta dans une petite salle.

Chacun surveillait l’autre. Tout le monde était tendu. L’échange était toujours un moment dangereux. Les flics profitaient de cette opportunité pour surprendre les déviants en flagrant délit. Pourtant, un des gars du groupe semblait nerveux. Il gesticulait sans cesse. Soit il était nouveau, soit il y avait anguille sous roche. Pendant toute la transaction, je l’observais. J’attendais quelque chose. Un signe qui confortât ou infirmât mon soupçon.

Jahyan attendait le verdict. Jacques plongea 0,1mg de coke dans un tube à essai remplit d’acide. La couleur changea tira sur le bleu et devint grenat*.

Jacques regarda Jahyan et sourit.

— Pure à 90%.

— On avait convenu de 100 kilos. Tout est là. Je vérifie l’argent et tout le monde rentre tranquillement chez soi.

Le nerveux apporta la valise. Ce n’était donc pas un débutant. Jamais un chef de clan ne laisserait la responsabilité d’une telle somme à quelqu’un qui n’a pas fait ses preuves. Il posa la valise et l’ouvrit. Elle était remplie de billets**. Le liquide était toujours bien apprécié malgré les avantages d’un transfert d’argent par internet. Jahyan se livra à l’inspection du contenu. Il examina minutieusement les liasses. Il prit quelques billets les inspecta à la lumière des néons. Tout correspondait. L’autre toujours aussi fébrile faisait craquer ses cervicales.

— Ok, c’est bon.

— Venez, on va chercher les cartons restant.

Jahyan refermait la valise. J’attendis que les autres sortent.

— Attends !

— Quoi, qu’est-ce qu’il y a ?

— Je peux voir l’argent ?

Il prit la voix du mec patient mais qui commence à ronger son frein. Il prit une grande inspiration. Il se retourna.

— Y a un soucis ?

— Je ne sais pas. Y a quelque chose qui cloche mais je ne sais pas quoi. Je peux regarder les billets ?

Je restais les bras croisés attendant sa décision. Il hésita et décida de me faire confiance. Il me tendit une liasse. Je l’effeuillai un par un. Bingo. Je lui tendis un billet.

— Il est faux !

* C'est une fiction.

Pour plus d’info : https://www.unodc.org/documents/scientific/Cocaine_Manual-French.pdf

** très possible : un billet fait 0,1mm d’épaisseur. Et le kilo à destination est estimé à 25000. Je vous laisse faire le calcul.

Pour plus d’info : http://www.slate.fr/story/44617/valises-mallettes-djembes-billets

https://www.lemonde.fr/sante/article/2012/03/29/la-cocaine-toujours-moins-chere_1677816_1651302.html