Chapitre 5

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Hana

  • Salam… murmuré-je, d’une voix faible presque inaudible en m’insérant.

Je balance cette salutation en l’air par politesse, sans m’attendre à un retour de la part de mon interlocuteur. L’intérieur de la voiture est sombre et je peine à trouver la boucle de ma ceinture pour l’attacher correctement. Cependant, lorsque je l’aperçois enfin, je suis soudainement interrompue dans mon mouvement :

  • Elle ne fonctionne pas, s’exclame Reda en se retournant vers moi.
  • Quoi ?

Il se met à pointer du doigt le siège du milieu.

  • Tu devrais plutôt t’installer ici.

Génial.

Moi qui pensais pouvoir maintenir une certaine distance malgré tout.

Je sais que je suis avant tout là pour dégoter des informations sur le nouvel ami de mon frère, mais je ne souhaite pas pour autant passer la soirée collée à lui.

Je réprime un soupir et je m’exécute alors en me décalant d'une place à gauche :

  • Merci… je balbutie. Et désolée pour le dérangement…

Je ne sais pas vraiment pourquoi je m'excuse.

C'est la première fois qu'il se comporte en garçon civilisé avec moi, alors peut-être que ça me déstabilise malgré moi.

Au même moment, Yanis ouvre la portière avant de la Nissan et s’installe à côté de Reda.

  • Tu vas mieux, Hana ? s’écrie mon ainé en me lorgnant.
  • Hein ? Ah oui, le collyre a l’air de fonctionner.

Sur ces mots, Reda hausse un sourcil interrogateur en direction de mon frère avant de reporter son attention sur moi. Il s’empresse alors d’allumer la lampe située sur le toit du véhicule pour nous éclairer et ses prunelles vertes s’écarquillent lorsqu’elles croisent les miennes.

  • Wow, sifflote-t-il en découvrant mon visage post-partiels précédemment masqué par la pénombre.

Bon.

Finalement, on repassera sur sa civilité. Même s'il a au moins le mérite d'être honnête, contrairement à Naïm.

  • Tu sors de la Troisième Guerre mondiale ou quoi ?

Je réprime un cri de surprise face à sa remarque sur la guerre. C’est la deuxième fois que nous partageons une habitude commune, – la première étant le pincement de l’arête du nez –, et je dois avouer que c’est de plus en plus déroutant.

  • Très drôle, finis-je alors par rétorquer ironiquement. Je suis juste fatiguée.
  • Elle sort de sa semaine d’examens ! ajoute mon ainé fièrement.

Je jette un regard noir à Yanis pour lui intimer de contenir sa langue. Je n’ai pas spécialement envie de raconter ma vie à un inconnu. Surtout à cet inconnu.

Néanmoins, il ne semble pas le remarquer puisqu’il poursuit en énumérant mes péripéties de la journée, comme le fait que j’ai manqué le déjeuner que je ne rate jamais d’habitude, ou encore que j’ai passé la moitié de la journée à hiberner dans mon lit sans donner le moindre signe de vie.

Reda se contente d’écouter le monologue de son ami attentivement, l'expression insondable, avant de s’arrêter net. Il se retourne alors de nouveau vers moi :

  • Tu penses pouvoir jouer dans cet état ?

Je laisse échapper un soupir d’exaspération face à sa question que je juge idiote.

  • Si ce n’était pas le cas, je ne serais pas là.

Sans m’en rendre compte, mon ton se fait plus sec en poursuivant :

  • Mais si je dérange, je peux partir.

L'espace d'un instant, il soutient mon regard, avant de passer sa main dans ses bouclettes châtain :

  • Ce n'est pas ce que je dis. Je me demande juste si tu ne sous-estimes pas un peu le sport.

Cette fois, je fronce les sourcils. Sa remarque pleine d’insinuations que je ne sais accueillir fait bouillonner mon sang de colère. J'ignore pour quelle raison il sous-estime mes compétences, mais cette idée me donne envie d'exploser.

  • Je crois que c’est plutôt toi qui sous-estime Hana, s’écrie alors Yanis, me coupant dans mon élan. Elle joue au basket depuis le collège et elle a même pu se qualifier pour les régionales.

Je me mordille la joue intérieure pour ne pas en rajouter. Heureusement que mon ainé a anticipé ma réaction. Je suis une personne calme et patiente de nature, mais il sait parfaitement que sous-estimer mes compétences sans raison valable, c’est le meilleur moyen pour me faire perdre mes moyens.

Reda acquiesce sans dire un mot, l’air un peu surpris. Il analyse l’expression de mon visage pour tenter d’en prendre la température et semble rapidement comprendre que je suis loin d’être ravie puisqu’il lève les mains en l’air, en signe de reddition :

  • Ne me regarde pas comme ça, c’était juste une question.
  • Pas de problème, je réponds spontanément.

Je prends une profonde inspiration pour calmer les battements vifs de mon cœur. Peut-être que sa question était réellement innocente et bienveillante, mais je ne peux m’empêcher de me crisper lorsque ce genre de situation se présente à moi. En tant que femme, maghrébine et musulmane, les préjugés sur mes capacités font partie de mon quotidien. Et même si la majeure partie du temps, je n’en tiens pas compte et me contente de les ignorer, parfois je craque. Parce qu’à la longue, c’est exténuant.

* * *

Comme je l’ai déjà évoqué plus tôt, Rosewood est un ancien terrain abandonné. Par conséquent, au fur et à mesure des années, les lignes blanches tracées sur l’asphalte se sont peu à peu effacées, empêchant la délimitation correcte des différentes zones, notamment celles des paniers. D’où le fait que les joueurs se contentent d’occuper une moitié de terrain seulement.

Assise sur des escaliers de bois faisant office de gradins, j’observe les deux garçons se livrer bataille attentivement. Je crois qu'ils ne font que s'échauffer, pour le moment, mais que leur véritable match ne devrait bientôt plus tarder. En tant qu’arbitre, c’est moi qui devrais donner le top départ. Mais depuis notre arrivée sur le terrain, les garçons n’ont pas du tout sollicité mon intervention. Pire encore, j’ai l’impression d’être devenue inexistante à leurs yeux. Alors j’ai décidé de me mettre en retrait. Autant tirer parti des avantages que le rôle de spectatrice m'offre.

Je profite de ce moment de répit pour appeler Lucy. Nous n'avons pas beaucoup échangé, depuis son départ précipité à Londres, et je dois avouer que sa présence me manque.

  • Allô ? Hana ? s'exclame-t-elle, de l'autre côté.
  • C'est bien moi.
  • Oh, Hana. Je suis tellement désolée de ne pas avoir appelé. Avec le départ, les cours, les...

Je ne lui laisse pas le temps d'achever sa phrase.

  • Je sais, Lucy. Je sais. Ne t'excuse pas d'être occupée. Je voulais simplement avoir de tes nouvelles.

Elle marque un arrêt, l'air ému, avant de reprendre :

  • Je vais bien, merci. Je suis assommée de devoirs par les profs, mais mis à part ça, tout va bien.

Je ne peux m'empêcher de laisser échapper un gloussement.

  • Et toi, alors ? Comment ça va, depuis l'incident ?

Je hausse un sourcil, confuse.

  • L'incident ?
  • Le pote de ton frère. Les poivrons. La fausse allergie. Tu vas me faire croire que tu as déjà oublié ?
  • Oh !

Je pousse un cri, malgré moi.

  • Ben écoute, rien de spécial. J'ai essayé d'appliquer ton conseil et de lâcher prise...
  • Génial ! Je suis fière de toi, Hana !
  • Je suis avec eux là, d'ailleurs... Yanis voulait que j'arbitre son match, à Rosewood.

Lucy marque un second arrêt, l'air ahuri cette fois, avant de s'écrier :

  • Et tu ne me le dis que maintenant ?

Mes oreilles bourdonnent face à son cri strident.

  • Je n'ai pas vraiment jugé utile de te le dire...
  • Mais ce n'est pas simplement utile, Hana ! Cette information est primordiale ! Vitale, même !
  • D'accord, d'accord... Désolée mademoiselle !
  • Non non, tu ne vas pas t'en tirer avec une excuse ! Allume-moi la caméra !
  • Quoi ?

J'ai l'impression d'avoir rêvé. Mais mon amie d'enfance insiste.

  • Allez ! J'ai besoin de mettre un visage sur l'individu qui ose se moquer de ma meilleure amie !

Je laisse échapper un soupir, avant d'obtempérer. Ce n'est pas comme s'il pouvait me voir, de toute façon.

  • Oh mon dieu ! s'exclame-t-elle alors en découvrant Reda.
  • Quoi ? Tu le connais ?
  • Non, je ne le connais pas. Mais si j'avais été célibataire, j'aurais aimé le connaître, oui !

Je roule des yeux face à sa remarque.

  • Quoi ? Hana, il faut être aveugle pour ne pas admettre qu'il est super canon, quand même !
  • Tu parles.
  • Arrête ! Tu es de mauvaise foi, là.

J'ignore les propos de mon interlocutrice et me contente de reporter mon attention sur les garçons. Je crois qu'ils s'apprêtent à commencer.

  • Lucy, je dois te laisser. Mon rôle d'arbitre est sur le point de débuter.
  • D'accord, pas de souci ! Et n'oublie pas Hana, sans rancune ! Ce mec a peut-être un attrait pour le mensonge, mais il possède aussi une belle figure !

Je raccroche, désespérée par l'attitude de la blonde, et je me mets à observer le terrain.

Yanis ouvre la danse au service. Il rattrape immédiatement le ballon lancé en l’air et se met à contourner son opposant. Il effectue alors deux pas sans dribbler et se retrouve rapidement coincé par les deux bras de Reda. Mon frère aurait dû reculer, au lieu de foncer tête baissée vers le panier...

Un sourire espiègle se dessine au coin des lèvres de Reda. Yanis tente de dribbler pour effectuer un nouveau pas, mais la balle se fait instantanément récupérer par son adversaire. Ce dernier se met à reculer d’un pas pour s’écarter, avant de courir de nouveau vers le panier. Voilà ce que mon ainé aurait dû faire...

Reda se rapproche alors dangereusement de sa cible, suivi de près par mon frère, pantelant et peinant à garder la cadence. En même temps, au moins cinq centimètres de hauteur séparent les deux garçons. Et tout bon joueur sait qu’au basket, chaque centimètre compte.

Reda prend alors de l’élan. Yanis tente une dernière fois de s’opposer à son mouvement, en vain. Reda aligne son bras verticalement avec sa balle, avant de transmettre toute sa force à l’objet qui se déforme presque à l’impact. Le temps s’arrête autour de nous. Tous les regards sont focalisés autour de la trajectoire de la balle qui cogne brutalement le panneau. Elle rebondit alors sur le cerceau, effectue plusieurs tours qui paraissent interminables, avant de finalement rentrer dans le filet en mailles.

  • Buuuuuuut ! s’exclame le tireur, les deux bras en l’air.

But ? Sérieusement ?

Il pense qu’on est dans un match de football ou quoi ?

Malgré sa remarque, je me surprends à esquisser moi-même un sourire de joie avant d’applaudir.

  • Mince, j’y étais presque ! se plaint Yanis, théâtralement.
  • Arrête d’être de mauvaise foi, j’avais un coup d’avance ! lui rétorque Reda d'un ton fier.

Les deux amis se mettent bientôt à ricaner de la situation, comme deux enfants. Je me retiens de capturer ce moment de joie avec mon téléphone, même si l'envie ne me manque pas. Je crois que j'ai suffisamment violé la loi du droit à l'image pour aujourd'hui...

Alors que je m’apprête à me lever du banc pour rentrer, la voix de mon ainé m'interrompt :

  • Hana, c’est à ton tour maintenant !

Je le fixe, surprise, avant de décliner son invitation d’un signe de la main.

  • Non merci, ça va aller.

Cette fois, je me lève vraiment pour reprendre mon chemin, mais Yanis insiste :

  • Hana, je ne t’ai pas ramenée ici pour que tu restes assise sur les gradins.

Je secoue la tête pour refuser, mais je sens les prunelles de Reda se poser sur moi. De nouveau, il se met à me scruter attentivement de la tête aux pieds. Et même si ça m'ennuie de l'admettre, son attitude me déconcerte.

  • Je croyais que tu te sentais capable de jouer dans ton état ? me demande-t-il alors.

Je réprime un rire nerveux.

  • Je n’ai jamais dit que je ne voulais pas jouer à cause de mon état.
  • Alors pourquoi ? Tu as peur de perdre, c'est ça ?
  • Quoi ?

Je lève la tête pour soutenir son regard. La couleur verte de ses prunelles est tellement perçante qu’elle me déstabilise et me donne l’impression d’être traversée par la lueur autour de ses pupilles. Mais je ne cèderai pas. Malgré le dédain qu’il porte à mon égard, je compte bien lui prouver ce dont je suis capable.

  • Certainement pas. Yanis, envoie-moi le ballon.

Sur ces mots, mon ainé obtempère et s'écarte d'un pas pour se montrer conciliant.

Reda me lorgne alors, accompagné de son sourire mesquin, avant de prendre place sur le terrain. Je lui emboîte le pas, tout en prenant soin de laisser un mètre de distance entre nous.

  • Qui commence le service ? je demande.
  • Garde la balle. C'est la seule fois où tu l'auras.

Je me pince la lèvre inférieure pour me contenir.

Ce garçon sait décidément parfaitement où piquer pour me provoquer.

  • Tu viens de manquer la seule occasion où tu aurais pu récupérer la balle, ajouté-je alors.

Sur ces mots, je démarre le service en lançant le ballon en l’air. Reda tente de le récupérer, mais malgré la longueur de ses bras, je suis plus rapide que lui.

  • Je croyais que je n'allais plus jamais récupérer la balle ? je lui lance, d'un ton provocateur.

Il ne cille pas face à ma remarque et se contente de reculer.

De mon côté, je reste figée sur mes appuis, une jambe en avant de l'autre, le temps de réfléchir à une stratégie. Sa taille est un atout majeur, je ne peux le nier. Mais ma rapidité aussi. Et je dois l'utiliser à bon escient.

Je finis par courir vers le côté droit du terrain, profitant de l'inattention de mon adversaire, mais il s'interpose. J'effectue alors une rotation sur moi-même pour me détourner de lui, le prenant alors de court, et je recule, gardant ainsi la balle.

Il se met à murmurer :

  • Pas mal.

Je continue de dribbler vers le fond du terrain, mais Reda ne bouge pas.

Mince.

Moi qui voulais l'attirer pour l'éloigner du panier.

Face à son comportement, je suis contrainte de retourner vers l'avant du terrain. Cependant, avant même de m'en rendre compte, le brun se loge devant moi. Je crois que mes mouvements incessants m'ont affaibli et qu'au contraire, l'inactivité de mon adversaire lui a permis de récupérer son énergie. Il me reprend alors le ballon des mains et me tourne le dos pour se diriger vers le panier à vive allure.

Oh non.

Si je ne le rattrape pas, il va marquer.

J'essaie tant bien que mal de courir pour me nicher à sa hauteur, en vain. Je suis essoufflée et ses jambes sont bien trop longues par rapport aux miennes.

Alors qu'il s'apprête à tirer, je me positionne devant lui, dans un dernier effort, levant mes bras le plus haut possible pour l'empêcher de réussir son lancer. Mes doigts effleurent l'objet, mais ce n'est malheureusement pas suffisant pour en dévier la trajectoire. Le ballon entre alors instantanément dans le filet à maille, sans percuter le panneau, ni l'arceau.

  • Buuuuuuuut ! s’écrie de nouveau Reda.

Je ne peux m’empêcher de glousser.

  • Est-ce que tu vas arrêter de qualifier ça de but ? On joue au basket, pas au foot !
  • Appelle ça comme tu veux ! Il n’empêche que j’ai gagné !

Je croise les bras pour marquer mon mécontentement, mais mon visage s’adoucit rapidement en voyant mon interlocuteur se délecter de sa victoire. Sans aucune mauvaise foi, je lui déclare alors :

  • Félicitations. Je dois avouer que tu es vraiment bon.

Il se retourne alors vers moi, l’air surpris par mes compliments :

  • Merci, répond-il un sourire au coin.

Je récupère le ballon et je me mets à rebrousser chemin, lorsque sa voix me retient :

  • Pour être honnête, tu n’étais pas mal non plus.

Quoi ?

Je me retourne pour faire face à Reda.

C’est la première fois qu’il me complimente et je dois avouer que c’est plutôt déconcertant.

  • Merci.
  • Tu es plus agile et plus stratégique que Yanis, ajoute-t-il en vérifiant que mon ainé ne l'entende pas.
  • Ah bon ?
  • Oui.

Son ton est ferme, mais il respire l'assurance.

  • Mais la différence de taille est ton principal point faible, ajoute-t-il alors.

Je ne peux m'empêcher de rouler des yeux face à sa remarque.

  • Je sais.

Il arque un sourcil, l'air soudainement curieux, et je poursuis :

  • On m’a répété toute ma vie qu’avec mon mètre soixante, je n’allais jamais réussir dans ce milieu.

Reda ne répond pas.

Sans comprendre pourquoi, je me surprends à être particulièrement bavarde :

  • Mais tu sais quoi ? Ces petites remarques ne m'ont pas découragée.
  • Quoi ?
  • Au contraire, j'en ai fait ma force. J'ai continué de me rendre au club tous les jours, après le lycée, pour pouvoir m'entraîner sans relâche. Et mes efforts ont fini par payer.
  • En te qualifiant pour les régionales ?

J'opine du chef.

  • Oui. Même si je ne me suis jamais présentée, à cause de mon voile interdit en compétition, ma victoire reste symbolique.

Lorsque je termine mon monologue, je m'aprête à tourner les talons, persuadée d'avoir ennuyé Reda avec mes propos, mais à ma grande surprise l'expression de son visage a changé. Ce n'est plus du mépris, ni de la condescendance qui s'en dégage, mais de la curiosité. J'affirmerais même presque déceler une once d'admiration, si je n'avais pas connaissance de son sale caractère.

En réalisant que je viens quand même de me confier à lui, mon visage prend feu.

Je me pince alors l’arête du nez pour tenter de masquer mon embarras :

  • Je ne sais pas pourquoi je te raconte tout ça. Excuse-moi d'avoir autant parlé, alors que ce n'est vraiment pas intéressant pour toi.
  • Si, c’était assez intéressant.

Quoi ?

Les mots de Reda raisonnent en moi. Des émotions plutôt étranges s'instillent en mon esprit. Surprise ? Appréhension dissipée ? Je ne saurais donner un nom au rouage dont je suis témoin.

  • Hé ! Qu'est-ce que vous fabriquez, depuis tout à l'heure ? s'écrie Yanis en nous rejoignant.
  • Quoi ? Rien !

Je réponds spontanément à mon ainé, comme si je ressentais le besoin de me justifier auprès de lui pour dissiper ma culpabilité. Mais culpabilité de quoi ? Je ne sais pas.

  • Il est tard, ajoute Reda. On devrait rentrer.
  • Ok les amis, termine mon frère. En tout cas, c’était un super match ! Vous pouvez être fiers de vous.

J’esquisse un sourire.

  • Merci.

Pendant que nous nous dirigeons vers la Nissan blanche de Reda, je ne peux m’empêcher de ressasser les derniers événements.

Pour être honnête, je ne me confie jamais à Yanis. Nous sommes très proches, oui, je dirais même que nous sommes fusionnels. Et il m’arrive de lui raconter des bribes de mes journées ou bien des anecdotes que je trouve drôles… Mais lorsqu’une situation s’attaque à ma propre vulnérabilité, je deviens incapable d’exprimer quoique ce soit. Que ce soit à lui, à mes parents, ou même à Lucy. Alors cette histoire de petite taille, qui a été l’objet de mon plus gros complexe durant mon adolescence, je n’ai jamais voulu en parler à qui que ce soit. Peut-être qu’au fond, la peur d’être jugée par les personnes qu’on aime le plus au monde me réduisait au silence. Alors pourquoi ai-je eu autant de facilités à me confier à un inconnu sur un terrain de basket ? Est-ce justement parce que Reda ne me connaît pas que je n’appréhende pas son jugement ? Et que j’ai pu franchir autant de limites ?

Je m’installe à l’arrière du véhicule, côté portière, sans prendre en compte l’absence de ceinture de sécurité sur ce siège. Le tout pour réfléchir longuement. La tête pleine d’interrogations.

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