Chapitre 7

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Hana

Je m’arrache en sueurs de mon sommeil. C’est la troisième fois que ça m’arrive, cette nuit. En temps normal, je n’ai aucun mal à fermer l’œil de manière continue. Mais cette nuit, tout est différent.

Tous les souvenirs de mes entraînements de basket au collège refont surface dans mon esprit. Je visualise, certes de manière trouble, le visage sévère de ma coach de l’époque. Elle attachait ses cheveux courts et ambrés en une demi-queue de cheval qui dégageait le reste de sa figure, laissant entrevoir ses multiples rides frontales à force de hausser les sourcils. De sa main droite, elle replaçait toujours ses petites lunettes rondes sur l’arête de son nez, un geste qui précédait en général les reproches qu’elle allait me faire de sa voix stridente. Pour être honnête, elle recherchait le moindre prétexte pour me reprocher quelque chose, que ce soit un tir manqué, un plot ou une jambe mal positionnés. Jusque-là, rien d’alarmant. Elle faisait son travail avec pédagogie et personne ne pouvait le lui reprocher. Sauf lorsque ses reproches s’adressaient à moi en tant qu’individu et non plus en tant que joueuse. Oui. Elle ne l’a jamais exprimé de manière claire, mais au fond, je savais que mon voile la dérangeait. Le règlement du club n’interdisait pas le port de signes religieux dans l’enceinte de l’établissement. Et ça la rendait folle de rage. Mais je n’en tenais pas compte. Je n’étais pas là pour me faire apprécier. J’étais seulement là pour prouver mes capacités.

Je chasse quelques larmes d’un battement de cils. Cette fois, ce n’est plus ma professeure que j’aperçois, mais mes co-équipières. Elles avaient le même âge que moi et pourtant elles me dépassaient déjà de plusieurs têtes. Oui. J'étais petite. Tellement petite qu'elles n'étaient plus capables de me considérer comme l'une des leurs. J'étais devenue un parasite à éliminer. Parce que je ralentissais leur progression, malgré moi.

Mais je m’en fichais. De ne pas avoir d’amies dans l’équipe. Lucy venait me rendre visite et m’encourageait toutes les semaines, du haut des gradins. Et c’est tout ce dont j’avais besoin pour m’accrocher. De toute façon, au bout d'un moment, les membres de l'équipe auraient fini par se dispatcher aux quatres coins de la France, devenant des adversaires à leur tour. Alors c'est sans regret.

Sans m’en rendre compte, des larmes roulent le long de mes joues. Je tente de les essuyer rapidement, mais elles ne tarissent pas. Un flot incontrôlable s’abat sur mon visage. Et moi qui pensais que cette époque était révolue et qu’elle ne faisait plus partie que d’un lointain souvenir enfoui… Finalement, son évocation reste douloureuse.

Je ferme les yeux profondément pour faire fuir toutes ces images. Il n’y a plus rien. Seule l’obscurité m’entoure. Je prends le temps d’inspirer puis d’expirer profondément, durant quelques minutes, pour me calmer. Je suis seule, dans le noir. Et je dois avouer que je me complais dans cette situation.

Cependant, le bruit du tintement de l’horloge de la chambre me ramène rapidement à la réalité. Je me relève de mon lit et j’attrape mon portable. Il est seulement quatre heures du matin. Je jette un coup d’œil en direction de mes volets à moitié ouverts. Les premières lueurs du soleil affichent leur magnifique éclat orangé et rosé. C'est l'heure du Fajr, la prière matinale. J’en profite alors pour l'effectuer, avant de lire quelques versets du Coran et de me rendormir.

* * *

  • Quoi de prévu, aujourd'hui ?

Mon père nous pose cette question à Yanis et moi, tout en dévorant ses céréales.

C'est assez rare qu'il soit présent dès le matin, alors nous en avons profité pour prendre notre petit déjeuner tous ensemble.

  • Rien de spécial, je réponds en haussant les épaules nonchalamment.

Une chance pour moi que les hommes ne soient pas très perspicaces et qu'ils n’aient pas remarqué que mes yeux gonflés n’étaient pas liés à mes partiels, mais à mes insomnies et larmes de la veille.

  • Moi non plus, répond alors spontanément Yanis. Et si on sortait, Hana ?
  • Tu n'as pas de travail, mon fils ? lui demande mon père, entre deux bouchées.
  • J'ai déjà tout terminé, pap's !

Quel menteur !

J'adresse un regard interrogateur à mon ainé, qui m'intime discrètement de me taire, et je finis par obtempérer. Même si ce n'est pas l'envie de le balancer qui me manque.

  • Et toi Hana, tes partiels se sont bien passés ?
  • Oui ça va, Al-Hamdullilah.
  • Tant mieux, sache que je suis fier de toi ma fille.

Mes joues s'empourprent.

  • Merci papa, je murmure alors.
  • Bon Hana, on sort ou non ? surenchérit cependant Yanis, un peu frustré.

Mon père ne peut s'empêcher de laisser échapper un rire. De mon côté, je me pince l'arête du nez pour réfléchir. Je dois absolument passer à la faculté, pour régler un problème administratif, mais mis à part ce petit détail, je suis plutôt libre.

  • D'accord. Tu as une idée d'endroit ?

Il répond spontanément :

  • Au terrain de basket ?

Je réprime un rire nerveux. Yanis ne le sait pas, donc je ne peux pas lui en vouloir, mais notre virée sportive ne m’a finalement pas fait autant de bien qu’escompté. Au contraire, je crois que depuis ma discussion avec Reda, je ne fais que ruminer sur mon passé. Mes insomnies d’hier en incarnent le parfait exemple. Alors je crois que pour le moment, je vais laisser le basket de côté...

  • Je plaisante, ajoute-t-il. Si tu avais vu ta tête…

Je m'éclaircis la gorge avant de rétorquer :

  • Désolée, je suis juste un peu fatiguée…
  • Oui, j’ai bien compris.

Un silence s'ensuit.

Je détourne mes prunelles de celles de mon ainé, un peu embarrassée à l'idée qu'il ait remarqué ma vulnérabilité, avant de les poser sur le placard surplombant le plan de travail. Et je constate rapidement qu'il est complètement vide.

  • Et si on allait faire les courses ? je m’exclame alors soudainement.

Yanis me toise.

Visiblement, il ne partage pas mon entrain.

  • Tu es sérieuse là ? Des courses ? Tu crois qu’on a quarante ans ou quoi ?
  • Hé ! s'indigne alors mon père. Tu as un problème avec les quarantenaires ?
  • Avec toutes les personnes dépassant vingt-deux ans ! lui réplique mon frère ironiquement.

Il lui assène une légère pichenette familiale sur le crâne.

  • Aïe ! Hé !
  • Bien fait ! je déclare en lui tirant la langue. Ça t'apprendra à te moquer de moi !

Il se masse la tempe pour soulager la douleur.

  • Ce n'est pas de ma faute, si tu proposes des trucs aussi nuls...

Je me relève de la table pour débarrasser mon assiette :

  • Ce n'est pas comme si tu avais vraiment le choix.
  • Quoi ?
  • Soit tu te contentes des restes d’hier pour aujourd’hui, c’est-à-dire un œuf et trois asperges…

L’expression du visage de mon ainé s’éteint instantanément, ce qui me fait glousser.

  • Soit tu accompagnes ta sœur chérie pour faire les courses, et elle te cuisinera le plat de ton choix pour le dîner. Je ne veux pas t’influencer, mais à mon avis, la meilleure option est évidente...
  • Elle t'a coincé, là... ajoute mon père en s'esclaffant.

Le brun roule des yeux avant d’émettre un soupir de frustration.

  • D'accord... Tu as gagné...
  • J'en étais sûre !

Je lui adresse un clin d'œil qu'il s'empresse de rejeter en me tirant la langue à son tour, avant de se lever vers l'évier pour aller effectuer la vaisselle. Un autre point que j’apprécie chez mon frère, c’est qu’il aide à la maison !

  • Bon, j’en profite pour aller m’habiller. On se rejoint dans dix minutes devant ma voiture, ok ?
  • Profitez bien, les enfants !
  • Merci papa !

Je me précipite vers l’escalier pour remonter dans ma chambre, ravie. J’imagine que ma réaction peut paraître démesurée. Après tout, personne ne saute de joie à l’idée d’aller effectuer des courses au supermarché du coin. Mais la nuit d’hier m’a rappelé à quel point j’appréciais mes moments de routine dans ma zone de confort, et à quel point je devais en savourer chaque instant pour ne pas le regretter un jour. Parce qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait.

* * *

Comme à son habitude, Yanis se fait désirer.

Assise sur le siège avant de ma Clio, j'attends qu'il pointe le bout de son nez, ne pouvant m'empêcher de me demander ce qu'aurait été l'attente s'il avait été une fille...

Lorsque je commence sérieusement à m'impatienter, j'aperçois enfin sa silhouette en train de sortir de la maison, sur le trottoir d'en face.

  • Ce n'est pas trop tôt ! m’écrié-je, en allumant le moteur, lui intimant implicitement de monter.
  • Désolé ! me répond mon ainé, pantelant. J’ai reçu un appel urgent et puis…
  • Pas avec moi, Yanis, je l’interromps fermement. Les excuses, ça fonctionne peut-être avec les autres, mais pas avec moi.

Il passe sa main dans ses bouclettes avant d’esquisser un sourire.

  • Bon d’accord, j’ai juste mis du temps à trouver une tenue.
  • Pour ne pas changer !

Je scrute mon ainé de haut en bas. Il est vêtu d'une surchemise bleue à carreaux et il a enfilé un pantalon cargo couleur camel. Je roule des yeux :

  • Tu crois qu’on va à Cannes ?
  • Quoi ?
  • Désolée Monsieur, mais vous vous êtes trompé de destination. Nous, on va à Leclerc en fait.
  • Très drôle, Hana.

Il me lance des éclairs de ses prunelles avant de remettre en place sa bandoulière. Je constate alors qu’il porte sa besace en cuir autour de la taille, ce qui me laisse perplexe.

  • Pourquoi tu as ramené ton sac ? J’ai ma carte bancaire, je te rappelle.

Le brun se met à éviter mon regard avant de balbutier quelque chose :

  • Ben… en fait…
  • Quoi ? Accouche !
  • J’ai un service à te demander… ajoute-t-il, visiblement agité.
  • Un service ? Dépêche-toi, le moteur chauffe pour rien là !

L'espace d'un instant, il s'arrête pour se masser l'épaule, avant de prendre son courage à deux mains pour me déclarer :

  • Justement… En parlant de moteur…

Oh non.

Je crois que je commence à comprendre où mon ainé veut en venir.

  • Tu sais bien que ça fait longtemps que je n’ai pas conduit… Et si ça continue, je vais finir par perdre la main…

J’opine du chef, sans répondre.

  • Donc je te le demande juste pour cette fois Hana, laisse-moi conduire ta voiture...
  • Pas question !

Je réponds instantanément, d'un ton sec, sans réfléchir.

  • Hana !

Le son de ma voix s’élève :

  • Tu veux me la démolir, c’est ça ?
  • Hana ! Je te rappelle que j’ai le permis ! dit-il en sortant fièrement le papier certifiant de sa besace.

Ok.

C’était donc pour cette raison qu’il avait apporté son sac...

Je continue de le fixer, incrédule. Je ne doute pas des capacités de mon ainé, pas du tout. Mais je sais qu’il a tendance à rouler vite et à être moins vigilant que moi sur la route. Et si je peux éviter d'alourdir mes charges financières en payant des frais de réparation, autant le faire.

Je continue de secouer la tête, en guise de refus, mais mon interlocuteur est persistant :

  • En plus, ce n'est pas comme si j’allais être seul ! Tu es avec moi, là. Donc au moindre problème, on pourra de nouveau interchanger nos places !

Je laisse mon frère énoncer tous ses arguments avec fougue, sans rétorquer quoique ce soit. Au fond, je sais qu’il n’a pas tort. Si personne ne le laisse pratiquer, il risque de prendre des risques en conduisant avec ses amis. Et cette fois, je ne serai pas là pour l’assister.

Je ferme les yeux avant de lâcher un soupir.

  • D’accord.

Yanis s’arrête net, décontenancé par ma réponse. Son expression se ravive et il se met alors à crier :

  • Quoi ? Tu es sérieuse ? Tu vas vraiment me la prêter ?
  • Ne me fais pas répéter une seconde fois, ou je risque de revenir sur ma décision.
  • Oh mon dieu. Je suis trop content. Merci Hana ! Je t'aime !

Le brun se met à effectuer des pas de danse pour manifester son euphorie. J’en profite pour me détacher vivement du siège et sortir du véhicule. Je le contourne alors et je m’installe à côté de Yanis, du côté passager cette fois.

  • Finalement, toi aussi tu vas à Cannes, s’exclame-t-il alors en contemplant ma tenue.
  • N’importe quoi !

J’ai simplement enfilé un voile en soie couleur menthe, contrairement à mes voiles habituels plutôt sombres, ainsi qu’un ensemble fluide nacré. Pas de quoi casser trois pattes à un canard, en somme.

  • Bon, démarre au lieu de dire des bêtises, terminé-je d’un ton autoritaire.

Il effectue ses dernières vérifications de routine avant de passer la première vitesse et de parcourir la ruelle en direction du supermarché.

* * *

Jusque-là, tout va bien.

Traduction : Nous ne sommes pas morts. En tout cas, pas encore.

Une main sur le volant, une autre sur le rebord de la fenêtre, Yanis conduit depuis près d’un quart d’heure maintenant. Comme je le redoutais, il ne ménage pas sa vitesse et frôle la limitation de peu, ce qui me positionne dans un sentiment d’anxiété plutôt inconfortable.

  • Ralentis un peu ! je m’écrie. On est en ville, je te rappelle ! Pas sur l’autoroute !
  • Je ne suis même pas à cinquante, me rétorque mon ainé. Arrête de stresser pour rien !

Il laisse échapper un soupir avant de marmonner dans sa barbe inexistante.

Bon. Il est vrai que depuis le début du trajet, je fais preuve d'intransigeance, soulignant ses moindres faits et gestes sans laisser passer la moindre faille, ce qui doit l'irriter au plus haut point. Mais je ne fais pas ça pour l'embêter. Je fais ça pour le protéger. Et pour me protéger aussi, accessoirement...

  • La priorité à droite ! Là, Yanis !
  • Puisque je te dis que je l’ai vue ! hurle-t-il tout en freinant.

Je me cramponne fermement à mon siège comme s’il allait s’envoler. Mon frère le remarque et roule des yeux d’un air désapprobateur.

  • Tu étais quand même trop rapide, je murmure, pour me justifier.

Il se tait un instant, avant de hausser le ton :

  • Hana, tu commences à me gonfler. Tu ne veux pas te contenter de me parler des derniers ragots de ta faculté, comme n’importe quelle fille le ferait ? Au lieu de m’empêcher de conduire.

Je le toise avec âpreté.

  • Tu sais très bien que je m’en fiche totalement. Tu crois que je vais à l’université pour étudier ou pour écouter les potins ?
  • Ben là, ça m’arrangerait que ce soit la deuxième option.

Quel crétin.

Je lui prête mon véhicule et c’est comme ça qu’il me remercie.

Nous continuons de rouler durant quelques minutes, avant de nous arrêter brusquement au feu rouge. Très brusquement. Je me retourne de nouveau vers Yanis :

  • Tu vois, si tu modérais ta vitesse, ce genre de turbulence n’arriverait pas !
  • Et alors, bon sang ?

Il profite de l'arrêt temporaire du véhicule pour reporter son attention sur moi :

  • On est là pour aller à Leclerc ou pour faire un road trip de première classe en Italie ?

Mon sang ne fait qu'un tour face au ton méprisant qu'il arbore :

  • Alors déjà, tu baisses d’un ton ! Je n'étais absolument pas dans l’obligation de te prêter ma voiture !
  • Qu'est-ce que tu insinues, là ?
  • J'insinue que si tu ne te dépêches pas de calmer tes ardeurs, je te fous dehors ! Maintenant !
  • Ah ouais ? Tu vas me foutre dehors ? Avec ton gabarit de crevette ? Vas-y, essaie pour voir !
  • Tu crois que je n'en suis pas capable ? Ne m’oblige pas à faire quelque chose que tu vas regretter !

Pendant que nous continuons de nous quereller, sans tenir compte du monde autour de nous, le feu passe au vert. Yanis finit par le remarquer et se met à redémarrer le véhicule, mais au même moment, une jeune fille se met à traverser le passage piéton.

  • YANIS ! ATTENTION !

J’attrape de justesse le frein à main tout en hurlant de toutes mes forces. La Clio s’arrête à quelques centimètres de la jeune fille, pétrifiée par la scène à laquelle elle fait face. Elle nous fixe de ses grands yeux noisette écarquillés, avant que ses jambes chancelantes ne la laissent totalement tomber sur l'asphalte.

  • Oh purée, s’écrie mon ainé, dont les mains tremblent de stupeur.

Je me mets à le secouer vivement pour l’aider à reprendre ses esprits.

  • Tout va bien ! J’ai arrêté la voiture à temps !

Il m’adresse un regard vide, dénué de toute émotion, avant de s’empresser de sortir du véhicule pour accourir vers la jeune fille.

Je l'observe de loin, m'assurant que rien de grave n'est arrivé, avant d'en profiter pour sortir à mon tour et rejoindre la victime et mon frère. Ce dernier s’est accroupi près d’elle, la tête abaissée pour se confondre en excuses.

  • Je suis vraiment désolé, s’exclame-t-il d'un air penaud.

La jeune fille porte un voile, elle aussi.

Elle est vêtue d'une chemise satinée rentrée dans sa longue jupe plissée et sa main droite maintient un panier en osier dont se sont échappés quelques fruits. J’essaie de les récupérer, mais je constate rapidement qu’ils sont complètement écrabouillés par le choc et par conséquent inconsommables.

  • Je peux appeler l’ambulance, si vous avez mal… poursuit mon ainé, visiblement paniqué.

Contrairement à moi, Yanis n’est pas très terre à terre. Le véhicule n’ayant pas du tout effleuré la victime, il n’y a aucune nécessité d’appeler les secours en urgence. Bien entendu, le choc émotionnel de l’accident n’est pas à négliger dans la prise en charge de cette femme, mais déplacer tout un personnel pour cette affaire n’aurait aucun sens.

  • Non, non… je vais bien… finit-elle par murmurer.

Elle relève la tête et ses yeux couleur hazel rencontrent alors les miens. Durant un instant, je prends le temps de décortiquer le reste de son visage. Son teint est pâle, ses traits sont fins et elle possède un petit grain de beauté logé discrètement au coin de son menton.

Je continue de la fixer avant de remarquer que des larmes inondent progressivement ses paupières.

  • C’est de ma faute… ajoute-t-elle alors.
  • Quoi ? s'indigne mon ainé. Mais non, pas du tout !

Il attrape sa besace depuis laquelle il sort un paquet de mouchoirs qu’il lui tend spontanément. 

  • Merci…

Elle tapote délicatement ses joues rosées pour chasser ses larmes avant de reprendre :

  • Le piéton était rouge… Et pourtant, j’ai voulu traverser…
  • On le fait tous, je rétorque. Quand on est pressé, ça arrive !

J’essaie tant bien que mal d’adopter un ton bienveillant pour la consoler. Mais je dois admettre que je reste démunie face à la situation. D’autant plus qu'autour de nous, des murmures et des agitations de la part des passants commencent à se manifester.

  • Mais je vous ai vus dans la voiture… En train de vous disputer…

Je jette un coup d'œil discret à mon ainé pour essayer d'accrocher son regard, mais il l'évite.

  • Je pensais que vous en aviez encore pour longtemps… Alors j’ai traversé…

Mon cœur fait un raté.

Les aveux de cette fille me font soudainement réaliser à quel point se quereller au volant était une bêtise de notre part.

Je m'apprête à répliquer, mais Yanis me devance, me coupant dans mon élan :

  • On est tous fautifs dans cette histoire. Je n’aurais pas dû me disputer avec ma sœur et vous n’auriez pas dû traverser au rouge. Mais Dieu merci, personne n’est blessé !

Elle l'écoute attentivement, visiblement plus sensible aux propos de mon frère qu'aux miens, avant de lui décocher un sourire révélant ses jolies dents blanches alignées :

  • Vous êtes vraiment gentil…

Sur ces mots, les joues de mon frère virent au rouge. Dans un autre contexte, j’aurais sûrement gloussé avant d’en profiter pour le taquiner sur le sujet. Mais là, ce n’est vraiment pas le moment pour laisser place à un amour naissant.

  • Donnez-moi vos coordonnées, déclaré-je alors pour abréger la discussion. On pourra au moins vous dédommager les fruits et ne plus reparler de cette histoire.

Elle me tend son téléphone. Sous les yeux rivés de mon frère, je m’empresse de pianoter de mes doigts son numéro que j’enregistre avec son prénom.

Anissa.

Un très joli prénom.

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