Chapitre 27

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Hana

  • Qu'est-ce que tu veux, toi ?

Tout en se redressant sur sa chaise, l'homme balafré lui pose cette question d'une voix ferme. Mais Reda cille à peine. Il se contente de le fixer attentivement de ses prunelles, totalement silencieux, avant d'attraper subitement une des canettes de soda disposées sur la table.

  • Mais qu'est-ce que tu fous ? s'écrie-t-il alors, visiblement irrité.

Sans prendre la peine de sortir de son mutisme, Reda se met alors à déverser intentionnellement le contenu de l'objet sur la veste en cuir du brun à la chaîne. Ce dernier crie alors de surprise avant de se relever de sa chaise et d'empoigner brutalement le col de Reda.

  • Mais à quoi est-ce que tu joues, bordel ? déclare-t-il, le visage crispé.
  • Pardon ! lui rétorque alors Reda. Je ne l'ai pas fait exprès !
  • Tu te moques de moi, c'est ça ?
  • Non, je suis sérieux.

En constatant l'air impénétrable de Reda, le brun à la chaîne s'écarte néanmoins d'un pas. Mais Reda en profite alors pour esquisser un sourire sournois, avant de lui murmurer :

  • Je crois que j'ai confondu ton collier avec la laisse de mon chien.

Oh non.

  • Il aime bien le Coca, lui aussi...
  • Espèce d'enflure !

Sur cette remarque, le dénommé Anas perd instantanément patience et s'empresse de diriger un de ses poings vers le visage de Reda, mais ce dernier l'esquive plutôt lestement. Sous son élan de vitesse, Anas manque alors de percuter l'une des colonnes du restaurant, suscistant au passage une grosse agitation de la part des clients autour de lui.

  • Mais qu'est-ce qui se passe, ici ? s'affole l'un d'entre eux.
  • On devrait s'en aller !

Reda, de son côté, se met à épousseter délicatement ses épaules, visiblement fier de son esquive. Je l'entends même murmurer dans un coin :

  • La prochaine fois si tu veux m'atteindre, commence par éviter de me confondre avec un pillier.

Mon Dieu.

Ce garçon ne veut décidément jamais cesser ses provocations !

Cependant, tout en profitant de l'inattention de Reda, l'homme balafré refait son apparition derrière son dos. Reda n'a alors pas le temps de se retourner et de réaliser la situation qu'il lui assène un énorme coup de poing à la mâchoire, ce qui le fait valser.

  • Oh non ! Reda ! je m'écrie, paniquée.
  • Alors, on fait moins le malin ? se marre son adversaire, d'un rire franc.

Je m'apprête à aller les rejoindre pour tenter de les raisonner, lorsque je sens soudain une main agripper mon bras pour me retenir dans mon mouvement.

  • Hana !

C'est Yanis.

Il vient de débarquer en trombe des toilettes, tout pantelant.

  • Reste ici ! m'intime-t-il alors, d'une voix ferme.
  • Quoi ?

Je lui lance un regard peu amène.

  • Il faut les arrêter avant que la situation ne dégénère encore plus !
  • Et tu crois que tu vas faire quoi, avec ton gabarit de crevette ? m'interrompt-il.

Je fronce le nez face à sa remarque.

Mais même si ça m'ennuie de l'admettre, mon aîné n'a pas tort. Au mieux, je risque de détourner l'attention du trio durant quelques secondes, avant de me faire expulser de leur champ de vision. Au pire, ils n'attendront pas quelques secondes et m'expulseront instantanément. Je doute qu'ils m'épargnent sous prétexte que je suis une femme.

  • Mais... et Reda... ? je murmure, inquiète.
  • Regarde, reprend mon grand frère en désignant du doigt son ami.
  • Quoi ?

Je reporte mon attention sur lui et à ma grande surprise, Reda s'est rétabli de justesse sur ses deux jambes, sans aucune peine.

  • Tu vois, c'est pas un simple coup de poing qui va l'achever ! ricane Yanis, visiblement fier.

Reda se met alors à cracher du sang sur le sol, avant d'essuyer les taches logées au coin de sa lèvre et de soutenir de nouveau le regard de son adversaire, qui semble décontenancé par la situation.

  • Ne me dis pas que tu as mis toute ta force... murmure-t-il, d'un ton calme presque effrayant.
  • Quoi ?

Sur cette remarque, l'homme à la balafre perd instantanément patience. Il se met à foncer de nouveau sur le brun pour l'attaquer, mais mon ainé s'interpose et se prend le poing à la place de Reda. Cependant, cette fois le coup n'est pas suffisamment puissant pour le faire valser et Yanis profite alors de son appui sur le sol pour lui asséner un coup de pied au ventre, l'éjectant contre un autre pillier de la salle.

Lui et Anas étant à présent hors d'état de nuire, assommés par le choc de la collision, il ne reste qu'à s'occuper du dernier membre du trio, le plus discret de tous. Cependant, lorsque j'inspecte les alentours à sa recherche, je remarque qu'il n'est plus là. J'imagine qu'il a probablement décidé de prendre la poudre d'escampette après avoir constaté la force et la détermination de ses adversaires. Un peu comme tous les autres clients du restaurant, quoi.

Je n'ai alors pas le temps d'aller voir les garçons que je comprends que je ne suis pas la seule à avoir remarqué la vitesse affolante à laquelle les pièces se sont vidées. Le propriétaire du restaurant me devance vivement et s'empresse de rejoindre les garçons, une expression furieuse plaquée au visage.

* * *

Après avoir passé un sale quart d'heure à subir toutes les réprimandes possibles du gérant, nous avons finalement réussi à nous échapper du restaurant. Et pour être honnête, ça n'a pas vraiment été facile. Il était tellement furieux qu'il nous a menacés d'avertir les autorités concernant cet incident, jugé inadmissible selon lui, et j'ai dû accepter de mettre ma fierté de côté en le suppliant à plusieurs reprises de se raviser. Ce qu'il a néanmoins fini par faire, Dieu merci. Parce que je ne sais pas si j'aurais supporté de voir les garçons se retrouver en garde à vue. Surtout pour un motif aussi ridicule.

Je laisse échapper un soupir de frustration. En même temps, je ne peux pas vraiment blâmer sa réaction. Parce que même si je n'ai pas pu l'admettre devant le proprio, je dois avouer que je n'ai moi-même pas du tout apprécié le comportement puéril des garçons. Certes, les propos du trio étaient loin d'être glorifiants à mon égard, mais ce n'était pas une raison pour aller les provoquer délibérément et déclencher une telle série de conséquences. Je ne comprends pas pourquoi Reda ne s'est pas contenté de les ignorer, tout comme je lui ai intimé de le faire la première fois.

Les ricanements incessants des garçons me tirent de mes pensées.

  • Tu as vu la tête qu'il avait ? demande Yanis en se tenant les côtes.
  • Ouais, c'était mortel ! lui répond Reda, tout aussi hilare.

Sérieusement ?

C'est vraiment tout ce qu'ils trouvent à dire après un tel incident ?

  • Quand maman verra ta tête, on verra si tu ricaneras encore, je lâche spontanément à mon aîné.
  • Quoi ?

L'espace d'un instant, il me fixe, décontenancé par ma remarque, avant de sortir son téléphone pour scruter son visage enflé.

  • Oh mince, s'écrie-t-il alors. Elle va littéralement me tuer.

En constatant la panique gagnant progressivement son ami, Reda déclare alors :

  • On peut passer à mon appart avant si tu veux, histoire de faire dégonfler ta joue.

Quoi ?

  • Vraiment ? demande alors Yanis, déconcerté. Tu es sûr que ça ne te dérange pas ?

Reda se met alors à hausser les épaules nonchalamment.

  • Je ne te l'aurais pas proposé si ça me dérangeait.

Les prunelles de mon frère se teintent alors d'une lueur d'espoir.

  • Merci, Reda ! Tu es le meilleur !

Il s'empresse de se jeter sur le brun pour une accolade, mais ce dernier le repousse instantanément.

  • Oh non, ne commence pas avec tes manières !
  • Mais je tiens à te montrer ma reconnaissance !
  • Oui bah tu peux le faire à distance !

En les observant se chamailler ainsi, je ne peux m'empêcher de ressentir un sentiment de sérénité. Je crois que l'idée que Yanis ait pu rencontrer et devenir ami avec une personne aussi fidèle que Reda me met du baume au cœur. Parce que je sais qu'en cas de souci majeur, mon grand frère sera entre de bonnes mains. Et cette idée suffit à remplacer la colère instillée en moi pour le moment.

* * *

Lorsque nous arrivons devant la porte d'entrée de l'appartement, une boule de stress se forme au creux de mon ventre. C'est la première fois que je rentre chez un garçon – si on exclue ma famille évidemment –, et j'ai vraiment l'impression de ne pas être autorisée à m'introduire aussi insoucieusement dans l'intimité de quelqu'un. Surtout l'intimité de cette personne, en fait.

Un miaulement me tire soudain de mes pensées. Je baisse spontanément la tête avant d'apercevoir un petit chat au pelage ardent, enroulé autour de lui-même et à moitié endormi sur le paillasson.

  • Tu ne m'as jamais dit que tu avais un chat ! s'exclame Yanis, surpris.
  • Ce n'est pas le mien, lui rétorque Reda.

Il s'abaisse alors légèrement pour caresser tendrement les oreilles du félin. Ses gestes sont imprégnés de douceur et de bienveillance et je me surprends à ne pas réussir à détacher mon regard de ses doigts.

  • C'est celui de ma voisine, poursuit-il alors. Il vient parfois ici.
  • Comment est-ce qu'il s'appelle ? je demande timidement.
  • Sweety.
  • Il est trop mignon ! ajoute mon aîné en le rejoignant.

Reda nous propose enfin d'entrer. 

Je m'apprête à me déchausser discrètement par courtoisie, lorsque le brun m'en dissuade en m'adressant un signe de la main avec un sourire. Le rouge me monte aux joues et je détourne alors instantanément mon regard du sien. Je n'arrive pas à croire qu'un simple sourire de sa part puisse déclencher autant d'émotions en moi. 

De son côté, il ne semble pas vraiment en tenir compte et se dirige vers la console en bois du hall d'entrée.

  • Faites comme chez vous, ajoute-t-il simplement.
  • Reda, je vais faire un tour dans ta salle de bain ! déclare alors Yanis.

Le brun n'a pas le temps de lui rétorquer quoique ce soit que mon aîné disparaît instantanément dans le couloir de droite sans hésitation. J'imagine que s'il connaît aussi bien l'endroit, c'est parce que ce n'est pas la première fois qu'il vient ici.  

Un silence pesant suit alors son départ. Ne sachant pas vraiment où me placer, je décide de reporter discrètement mon attention sur Reda. Penché en avant devant le miroir surplombant sa console, il est trop concentré à tenter d'apposer un pansement sur la plaie au coin de sa lèvre pour remarquer mon coup d'œil et je dois admettre que le voir trimer autant pour un simple pansement me fait glousser.

  • Tu devrais le découper en deux pour mieux le placer, je lui murmure en m'approchant.

Il interrompt alors instantanément son mouvement, probablement surpris par ma présence, avant de se redresser et de me sonder de ses prunelles durant un court laps de temps.

  • Bonne idée, je n'y avais pas pensé...

Il se met alors à fouiller brusquement les tiroirs de la commode à la recherche d'une paire de ciseaux, en vain.

  • Mais où est-ce que cette foutue paire est passée... marmonne-t-il en laissant échapper un soupir.
  • Pas besoin de ça, je m'exclame alors. Donne-moi ton pansement.
  • Quoi ?

Il arque un sourcil, incrédule.

  • Donne-le moi, je te dis ! j'insiste.

Malgré sa réticence, le brun finit par obtempérer et fait glisser l'objet le long de mes doigts. Je me mets alors à le découper délicatement à l'aide de mes ongles, épousant parfaitement la forme de la plaie, sous les yeux à la fois étonnés et émerveillés de Reda.

  • Wow... sifflote-t-il. Tu es plutôt douée.
  • J'ai toujours été agile de mes doigts, je lui réponds fièrement.

Je continue alors de sculpter minutieusement la forme de son pansement durant quelques secondes, avant de finir par achever mon travail.

  • Et voilà !

Reda s'apprête alors à répliquer quelque chose – probablement un remerciement –, mais je ne lui laisse pas le temps d'ouvrir la bouche que je m'empresse d'attraper son menton pour lui apposer l'objet spontanément. Mon index s'attarde alors sur le tissu pour le fixer correctement sur son visage, mais lorsque je sens sa main m'empoigner brusquement le bras pour m'intimer d'arrêter, je relève la tête dans sa direction. Et lorsque mon regard croise celui de ses prunelles écarquillées de surprise, je prends soudainement conscience de l'énorme bourde que je viens de commettre.

Oh mon Dieu.

Mes joues s'empourprent instantanément. Je m'apprête alors à retirer furtivement mon bras de son étreinte, mais Reda ne semble pas vouloir la desserrer. Il se contente simplement de la baisser précautionneusement, dans un mouvement excessivement lent, tout en me fixant intensément de ses pupilles perçantes. La tension instaurée entre nous est palpable et je peine à respirer correctement. Mon esprit tout entier tente de me raisonner, me suppliant de me détacher et de reculer avant de le regretter, mais mes membres ne semblent pas vraiment vouloir s'exécuter.

  • Hana... souffle alors Reda.

Sa voix est faible, à peine perceptible dans le silence installé. Je me contente de hocher la tête en signe d'approbation, en attente de la poursuite de sa phrase, mais rien ne sort de ses lèvres. Il marque un arrêt, comme pour réfléchir longuement, rendant l'attente de sa réponse absolument insoutenable.

Au bout de quelques secondes, il finit néanmoins par me délivrer de ce supplice. Il rajoute alors d'une voix encore plus faible qui me pousse à me rapprocher :

  • Est-ce que tu...
  • Reda !

La voix stridente de mon aîné nous ramène instantanément à la réalité, interrompant le brun dans son élan et rompant toute l'ambiance électrique instaurée.

  • Je ne trouve pas la serviette ! poursuit Yanis, depuis la salle de bain au fond du couloir.
  • J'arrive.

Sur ces mots, Reda relâche spontanément son étreinte et s'empresse d'aller rejoindre son ami, sans m'adresser un seul regard. Je me contente d'observer sa silhouette se fondre dans l'obscurité du couloir. Mais qu'est-ce qu'il s'apprêtait à me demander ? Et que se serait-il passé entre nous si Yanis ne nous avait pas interrompus ?

Un sentiment de honte, mêlé à de la culpabilité, émerge alors progressivement en moi. C'est la seconde fois que je trahis mes valeurs à cause d'un garçon et je déteste sincèrement ce que je ressens en ce moment précis. Parce que contrairement à Naïm qui m'a placée sous la contrainte, Reda ne m'a pas forcée à rester. Je l'ai choisi de mon plein gré et je crois que le pire dans tout ça, c'est que cette fois j'ai même apprécié le goût de ce péché.

* * *

Assise sur le rebord usé du canapé, je compte mes bagues sans m'arrêter pour tenter de me calmer. M'isoler avec Reda était une très mauvaise idée et je regrette de ne pas avoir réussi à me maîtriser. Je comprends maintenant mieux pourquoi tout contact physique avec le sexe opposé est prohibé et je vais maintenant tout faire pour veiller à ce que cette situation ne se reproduise plus jamais.

Les bruits de pas étouffés des garçons me tirent de mes pensées. Yanis est le premier à refaire surface dans le salon, une poche de glace bleue apposée contre sa joue, suivi de près par Reda. Il marmonne des choses inaudibles dans sa barbe inexistante, se plaignant de la douleur insupportable pulsant dans sa mâchoire, et je ne peux m'empêcher de réagir :

  • Je te signale que ça ne serait pas arrivé, si tu ne t'étais pas battu.
  • Quoi ?

Mon aîné me lance un regard consterné, avant de me toiser.

  • Je te signale que cette fois, ce n'est pas moi qui ai commencé.

Le ton qu'il emploie sonne accusateur et son attention se reporte alors sur Reda.

  • Oui, déclare-t-il, c'est à cause de moi que nous nous sommes battus.

Légèrement sceptique face à son aveu, je me contente simplement de hausser les épaules nonchalamment.

  • Au moins tu sais reconnaître tes erreurs... je murmure alors.
  • Ce n'était pas une erreur, me rétorque-t-il néanmoins instantanément.
  • Quoi ?

Je relève alors la tête en direction du brun. Adossé contre le mur séparant le salon du hall d'entrée, les mains dans les poches, il me sonde attentivement de ses prunelles, l'expression imperturbable.

  • Pour être honnête, si c'était à refaire, je le referais sans hésiter.

Mon cœur fait un bond.

Je dois certainement avoir mal entendu.

  • Tu n'as pas retenu la leçon ? Le savon que nous a passés le proprio ne t'a pas suffi ?
  • Non. J'en ai absolument rien à cirer.
  • Pardon ?

Cette fois, mon sang ne fait qu'un tour.

Je me lève brusquement du canapé pour lui faire face, à la fois furieuse et complètement abasourdie par ses propos.

  • Mais qu'est-ce qui t'arrive, Hana ? tente de s'interposer mon aîné, visiblement confus.
  • Laisse-moi tranquille, Yanis ! je m'exclame en continuant d'avancer.

Je reporte alors mon attention sur Reda avant de l'interroger, les sourcils froncés :

  • Tu es en train de me dire que tu es fier de la manière dont tu as agi ?
  • Très fier même, réplique-t-il sans une seule once d'hésitation.
  • Mais tu as un grain ou quoi ? je hurle alors frénétiquement.

Un silence pesant suit instantanément mon cri et Yanis se met à me fixer de ses prunelles écarquillées de stupeur, me faisant prendre conscience de mon attitude totalement irrationnelle. Je m'apprête alors à tenter de tempérer la situation, un peu embarrassée, mais Reda revient à la charge :

  • Non je n'ai pas de grain. C'est plutôt toi qui en as un.
  • Pardon ?

Il s'écarte alors du mur pour mieux se redresser, avant de continuer :

  • Tu passes ton temps à laisser passer les situations d'injustice devant toi, sans jamais agir.

Mon aîné tressaille.

  • Résultat, rien ne change et tu continues d'en subir les frais au quotidien, comme une idiote !
  • De quoi est-ce qu'il parle, Hana ? questionne Yanis, de plus en plus dérouté.

Mais je ne prends pas la peine de lui répondre et je reste concentrée sur ma conversation principale :

  • Je ne laisse pas passer les situations sans agir, je réfléchis. Parce que je pense aux conséquences de mes actes avant de me précipiter, moi, contrairement à certains !
  • Sauf qu'il y ne différence entre vouloir se montrer réfléchi et être complètement lâche !
  • Pardon ?

Je serre le poing fermement, mon sang bouillonnant de colère et de rage.

  • Parce que tu crois que te battre dans un restaurant et mettre un gérant qui n'a rien demandé dans l'embarras, c'est courageux peut-être ?
  • Au moins, je te garantis que ces imbéciles ne s'amuseront plus à calomnier d'autres filles de la sorte !

Cette fois, le visage de mon aîné se décompose. Il ne semble pas avoir été mis au courant du motif principal de la bagarre déclenchée par Reda et l'idée qu'il le découvre ainsi sur le tas, dans de telles circonstances, me met plutôt mal à l'aise.

  • Je ne t'ai jamais demandé de me défendre ! je rajoute néanmoins.
  • Tu crois que je l'ai fait uniquement pour toi ? s'indigne-t-il alors.
  • Quoi ?
  • Redescends un peu, Hana. Des non musulmans qui s'en prennent aux musulmans, c'est une chose. Mais voir les propres membres de ma communauté se tirer des balles dans le pied, c'est juste intolérable. Alors si tu crois que j'éprouve le moindre remord, tu te mets le doigt dans l'œil !

Le ton à la fois ferme et moralisateur qu'il emploie pour répliquer à chacune de mes remarques m'irrite au plus haut point. Je prends alors une profonde inspiration pour tenter de me calmer et de conserver le peu de patience qu'il reste à mon corps, avant de déclarer :

  • C'est bon, ça suffit ! Cette discussion est complètement stérile et ne mène à rien !
  • C'est toi qui l'as commencée, à ce que je sache.

Cette fois, je réprime un juron.

Ce garçon a vraiment le don de savoir où piquer pour me provoquer.

  • Yanis, on s'en va ! Je ne veux pas rester une minute de plus dans la même pièce qu'une personne qui pense que la violence est la solution à tout !

Mais mon aîné ne me répond pas.

Je me retourne alors vers lui pour capturer son regard, lorsque je constate qu'il est tout aussi furieux que moi.

  • Va m'attendre dehors, Hana, m'intime-t-il alors fermement. J'arrive.
  • Quoi ?
  • Ne me fais pas me répéter.

Le ton que mon grand frère emploie est hostile, voire presque glacial. C'est la première fois que je le vois arborer une expression aussi distante sur le visage et je dois admettre que c'en est presque effrayant.

  • D'accord.

J'obtempère alors, me dirigeant discrètement vers le hall d'entrée, tout en jetant un dernier coup d'œil à Reda, dont l'attitude de Yanis semble tout autant dérouter que moi.

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