Chapitre Prologue 1 : Geag Bolganien 

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Je me souviens...

C'était au fond d'une forêt, la brume y était si dense que le paysage devenait blanc et presque opaque. Au milieu se trouvait une pierre tombale sans nom, tout au long étaient pendues des créatures humanoïdes aux formes monstrueuses sur des arbres dont les extrémités étaient couvertes par le brouillard. Une mystérieuse fillette, qui avait l'air d'avoir à peu près mon âge, se trouvait toujours à côté de la tombe. Je me souviens, elle m'emmenait souvent à cet endroit, puis un jour, je me suis trouvé de "l'autre côté de la tombe", dans un monde de couleurs, et elle scella de son corps déformé dans une monstruosité étrange ce monde inconnu perdu dans les souvenirs.

Cette nuit-là, j'ai encore fait ce même rêve que je pensais avoir oublié depuis mes huit ans. N'était-ce vraiment qu'un simple rêve ou bien de véritables souvenirs ? À l'occasion d'une sortie scolaire dans ma ville natale, je décidai de profiter des moments de temps libres pour aller explorer la forêt et tenter de retrouver ce lieu étrange, pour enfin avoir le coeur net.

– Geag ! Viens on va s'acheter des trucs à l'Antiquaire !

– Non, je préfère aller me rafraîchir en forêt. Vois-tu mon cher ami, ces boutiques-là me rappelle sans cesse l'emprise du temps, cruel et suprême, condamnant les hommes de ce bas monde à devenir des vestiges des temps immémoriaux !

– Quoi ! Tu oses délaisser ton ami pour aller visiter d'aussi sombre lieu ! Là où les jeunes filles se font tromper et dévorer par de vils et vicieux loups ! Ou serais-tu toi-même le loup qui dévore les tendres et innocentes jeunes filles ?

– Houlà calme-toi mec, j'suis pas ce genre de gars moi ! Je veux juste aller vérifier quelques trucs.

– Je vois, dans ce cas, va, va vérifier que le soleil brille bien haut et le ciel bien bleu !

On ria à l'unisson puis on se sépara, on se fit un signe de main et chacun partit dans sa direction.

Il n'aura fallu que quelques minutes de marche pour arriver dans la forêt à pied. Là, l'odeur de la terre, des arbres et des végétations, le chant des oiseaux, le paysage digne d'une attraction touristique formé par les végétaux, ne me semblaient nullement familiers. D'ailleurs, je n'avais aucun souvenirs au sujet de l'odeur, des sons, mais seulement des images floues concernant cette forêt brumeuse.

« Peut-être était-ce vraiment un rêve finalement ? »

Les nuages commençaient à recouvrir la totalité du ciel, les rares rayons de lumière qui pénètraient dans la forêt à travers les feuillages se raréfiaient au fur et à mesure jusqu'à totalement disparaître. Je n'avais pas vu la météo d'aujourd'hui, peut-être allait-il pleuvoir ?

« Et puis la véracité des annonces de la météo sont aussi aléatoires que mes notes d'histoire-géographie, donc on verra bien ce que nous réserve l'avenir ! »

Et la pluie tomba. Les gouttes d'eau aussi grosse que des insectes me tombèrent violemment dessus, comme si le ciel me mitraillait à travers les feuilles des arbres. Un torrent se déversait sur la forêt déjà humide, rendant la terre glissante et boueuse. Il était préférable pour moi de ne pas trop me déplacer dans ces conditions. Je me réfugis donc près de quelques rochers qui par un hasard de la nature, donnait lieu d'abri naturel aux intempéries.

Le vent soufflait fort, les feuilles des arbres étaient secouées dans tous les sens, la forêt était "bruyante", on eût dit la cours de récréation du collège. Mais soudain, un coup de feu, qu'on pourrait qualifier de discret par son camouflage au milieu de la pluie, retentit au loin. Je ne savais s'il s'agissait d'un coup de feu "de faible puissance" ou "un coup de feu lointain", mais ce qui était sûr, c'était que les arbres ne pourront jamais produire un tel son. Peut-être Dieu avait eu marre d'un humain et l'as abattu d'un coup de fusil de précision IDF barak calibre 338 Lapua Magnum depuis là-haut ?

Mais au fur et à mesure que la pluie s'affaiblissait en intensité, alors que le vent devenait plus calme, j'entendis des bruits de "pas" s'approcher de plus en plus, mêlés aux bruits de la pluie. Cela sonnait comme une course dans un milieu humide, me rappelant les fois où j'ai couru et glissé aux bords de la piscine.

Soudain, un hurlement de bête féroce se fît entendre. Cela ne ressemblait certainement pas au bruit que ferait un cerf en train faire la cour, mais plutôt à celui d'un animal qu'on a mordu le scrotum. Pourtant les ratels ne vivent pas en forêt d'après mes souvenirs.

Les bruits de "pas" devenaient de plus en plus chaotiques et s'approchaient de plus en plus de l'endroit où je suis, d'un rythme frénétique et irrégulier. La "créature" ou "l'humain", je ne sais s'il s'agissait d'un humain ou d'une bête sauvage qui courait, semblait être poursuivi, ou essayait de fuir quelque chose. J'entendais, maintenant que la pluie s'apprêtait à s'arrêter, la créature poursuivie tomber plusieurs fois, et se relever pour continuer à courir. Peut-être est-ce simplement une fantaisie de ma part, que je m'imaginais des scènes inexistantes, mais j'en étais presque sûr de ce que je m'imaginais, d'après mes nombreuses expériences de chutes à la piscine.

Une légère brise souffla et je sentis dans le vent grâce à mon odorat très développé digne d'un inspecteur de drogue, une légère odeur de sang. La créature devait être blessée, ce qui expliquerait les nombreuses chutes.

Quelques minutes plus tard, j'aperçus au loin une silhouette étrange. Je plissai mes yeux et vis une créature canidée à la taille démesurée, environ 1 mètre 90 en longueur d'après le théorème de Bayes, qui avait plutôt la morphologie de Donkey Kong que celle de la bête de Gévaudan.

Puis derrière lui, surgissait depuis les ténèbres une silhouette humaine, par rapport à la bête, elle était plus petite et s'avançait lentement, nonchalamment, mais dégageait une aura intimidante. Son oeil gauche semblait briller d'une étrange lueur mauve dans l'obscurité, de quoi rendre les techniciens FX jaloux.

Elle portait une combinaison imperméable, des bottes et des gants en caoutchouc. Les bottes étaient d'ailleurs très grandes et très étranges, jamais quelqu'un aurait pu courir avec ça, ce qui explique probablement pourquoi elle ne courrait pas. Soudain elle sortit de sa poche un pistolet à impulsion électrique, dit couramment "Taser" ou "foudroyeur" en bon français. Elle visa avec précision les blessures aux jarrets de la bête et l'électrocuta, jusqu'à ce que la bête cessait de bouger. Trempée par la pluie, et fatiguée par une longue course peut-être, et blessée de partout, la bête sous les chocs électriques convulsait, grogna une dernière fois avant de s'endormir pour l'éternité. Du moins, à mes yeux la bête semblait six pied sous terre.

Actuellement, je ne saurai dire qui était la plus terrifiante entre les deux. Je restai spectateur de cette scène cruelle, qu'on pourrait qualifier de maltraitance animale. J'avais un peu de peine pour la bête, mais ne voulant pas me mêler de ce qui ne me regardait pas, je choisis de fermer les yeux, en faisant semblant de somnoler sous l'abri de roches.

En se rapprochant de la bête évanouie par terre, je reconnus une figure familière sous la capuche imperméable de la silhouette. Des cheveux noirs, si noirs que la lumière ne s'y reflétait même pas, l'oeil droit brillant d'un iris rose-violet et l'autre d'un iris jaune à l'oeil gauche, un teint pâle comme si elle manquait de sang, elle ressemblait à une camarade de classe dont je gardais toujours une certaine distance à cause de sa réputation d'être dangereuse.

Mais, malgré les ressemblances, je ne pouvais me permettre de conclure aussi vite sur l'identité de l'individu suspect à 300 mètres devant moi. Mais, peut-être que, si on se basait sur ces caractéristiques, en y réléchissant, j'ai, peut-être exagéré la distance qui nous séparait.

De retour à l'hôtel, à l'étage des élèves, je retrouva mon ami Élio, qui revenait de l'Antiquaire avec une montre du 18ème siècle.

– Ça va tu t'es bien trempé en forêt ?

– Et toi t'as pu avoir ta dose de nostalgie à l'Antiquaire ?

– Ouais, j'ai pu me procurer un "fragment des temps immémoriaux", mate-moi ça ! dit-il en me montrant sa montre de poche, certe vieille mais scintillante par son entretien minutieux.

– Et moi je t'ai ramené l'odeur de la nature, tu veux sentir ? proposais-je

– Nan c'est bon, je m'en abstiendrai de tes moisissures.

Élio me mit une petite tape à l'épaule et déclara en regardant sa vieille montre de poche :

– Bon, il va bientôt être l'heure de partir, prépare-toi et assure-toi de ne rien oublier dans la chambre.

– Ouais, maintenant que t'as enfin une montre, tiens-toi à l'heure !

On se fit un signe de main et chacun partit dans sa chambre.

« Allez, les élèves, on vérifie qu'on a rien oublié à l'hôtel ! Les 1ère 6 dans le bus de devant et les 1ère 7 dans l'autre bus. » cria le professeur.

Malgré ce temps inattendu, j'ai pu confirmé que cette forêt n'était pas la même que dans mon rêve. Peut-être donc qu'il s'agissait bien d'un simple rêve, et non de véritables souvenirs. Cela me semblait d'ailleurs plus réaliste comme conclusion.

Pourtant, la scène dont j'ai été témoin dans la forêt me remettait en question. La créature n'était clairement pas normale, aucune bête de nos jours ne pouvait ressembler à ça. On se croirait en plein milieu d'un tournage d'un film.

Puis, lorsque je vis "Miss Horror", la fameuse Demoiselle de l'horreur, celle crainte de tout le lycée, celle aux bandages sur l'oeil droite et l'iris doré à l'oeil gauche, le teint pâle comme une défunte, les cheveux si noirs qu'il n'y a absolument aucun reflet de lumière, habillée souvent dans un style gothique, dégageant une aura menaçante partout où elle s'y trouvait, cette fille terrifiante, s'asseoir juste devant moi, j'ai pu confirmé qu'il s'agissait bien d'elle, l'individu en forêt. Je crois.

Même si je ne m'approchais que rarement de cette fille, elle n'avait aucune odeur particulière habituellement. Je dirais même qu'elle ne dégageait juste aucune odeur, c'est à croire qu'elle a intentionnellement masqué son odeur pour une raison quelconque.

Pourtant, cette fois elle a mis énormément de parfum ou de déodorant sur elle, du moins, plus que d'habitude, comme si elle voulait masquer une odeur suspecte, comme celui du sang. Plus précisément, il s'agissait d'une odeur métallique, dissimulée à travers l'intense odeur de parfum.

Le fait qu'elle s'est assise juste devant moi devait aussi être volontaire, car si, de manière très probable, elle m'avait reconnu sous la pluie dans la forêt, alors étant témoin d'une scène que je n'aurai peut-être pas dû, elle était venue s'assurer que je n'en parle pas trop. Alors, par simple déduction, j'imagine que la chose la plus "correcte", la plus "juste", la plus "appropriée" de faire, est donc...

– Élio, mon ami ! Sais-tu ce que j'ai vu dans la forêt aujourd'hui ? Une étrange fille en imperméable tuer un gros monstre tout poilu ! On aurait dit un loup-garou tant ses dents étaient acérés !

– Mec ça va ? Tu veux du Doliprane ?

La Demoiselle de l'horreur semblait réagir, pas de manière excessive, à mon propos. Pour valider mon hypothèse, je comptais donc continuer à parler de cette affaire de plus en plus détaillée, pour voir si elle était vraiment impliquée dans cette affaire.

Il n'y avait aucune raison particulière pour moi de m'impliquer davantage dans cette histoire. Pourtant, je n'avais rien d'autres de mieux à faire pour égayer ma scolarité maussade et monotone.

Le bus passait d'abord par les grandes routes des villes, le soleil revenu après la pluie, semblait briller de plus beau, et je racontai comment sous la pluie j'entendais des coups de feu, et comment la créature blessée et rampante arrivait jusque devant moi. L'automobile scolaire emprunta ensuite des chemins plus étroits, passant entre les habitaions et les forêt, et je racontai alors comment la mystérieuse femme en tenue imperméable neutralisait impitoyablement la bête avec ses armes. Le soleil brillait toujours dans le ciel azur, le bus passa dans un tunnel, j'arrivai bientôt à la fin de mon récit et Miss Horror avait déjà cessé de réagir à mon histoire. Peut-être était-elle juste intéressée par les histoires paranormales ? Peut-être que la fille en tenue imperméable n'était pas elle mais bien quelqu'un d'autre ?

Le bus arriva enfin devant le lycée, certains rentraient accompagnés par leurs amis, d'autres par leur famille qui venait les accueillir après une semaine d'absence, et d'autres comme Miss Horror rentraient seuls.

– Bon, tu me promets d'arrêter la drogue hein !

– J'avoue que j'ai rajouté des détails inexistants, mais libre à toi de me croire ou non !

Élio et moi étions aussi ceux qui rentraient seuls, car nous habitions dans le sens opposé l'un par rapport à l'autre. Mais je n'avais jamais remarqué auparavant, que la Demoiselle de l'horreur prenait le même chemin que moi pour rentrer.

Je décidai donc de la suivre, pas comme un "stalker" mais comme un "enquêteur", car le soleil brillait et le ciel était bleu. Et comme nous n'avions pas de devoir, du moins d'après mes souvenirs, je n'avais rien d'autres de mieux à faire. Elle semblait m'avoir remarqué alors elle accélérait le pas, je la suivis en faisant de même, elle tourna au coin de la rue, et elle disparut, me laissant face à un carrefour désert, la voie droite menait à un chantier, la voie gauche à une grande rue commerciale remplie de magasins, et des petites maisons longeaient le long de la rue étroite dans la voie d'en face.

Si elle voulait me semer, alors le choix le plus logique serai de se dissimuler dans les foules de la rue commerciale, alors je décidai d'emprunter la voie gauche menant vers des bâtiments en construction, car cette fille était du "genre à se faire remarquer dans une foule". Là, il y avait moins de monde, et il était plus facile pour elle de se "fondre parmie la nature morte". Mais je remarquai quelque chose d'étrange, il n'y avait aucun ouvrier sur les immeubles en construction et sur les échafaudages. Un silence de mort régnait.

Les travaux se faisaient habituellement de jour, et la pause du déjeuner était déjà passé. Le soleil brillait toujours, les nuages au loin, le ciel azur, et je sentis une odeur de putréfaction provenant de l'intérieur des chantiers. J'oubliai l'idée de traquer ma camarade de classe, et je me dirigeai vers les bâtiments suspects. Ce n'était pas que je manquais de connaissance au sujet des situations classiques de films d'horreur, mais l'expérience a été trop tentante.

Il n'y avait aucune surveillance, les portes étaient grandes ouvertes, j'entrai alors comme si on m'avait invité dans ces lieux, et je découvris des morceaux de cadavres humains. Lentement, sans un bruit, une silhouette humanoïde s'approcha de moi depuis les ténèbres, elle avait le teint pâle comme une défunte, des yeux qui brillait dans le noir d'une lueur inquiétante, et une odeur de putréfaction se faisait sentir...

– Pourquoi a-t-il fallu que tu te mêles de ce qui ne te regarde pas ?

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