3 - Tunamore, 1366

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Nous partîmes à la faveur d’une nuit glaciale, remontant vers le marais de finé Galla (qui deviendra Dublin). A pieds, par monts et par vaux, nous avons rejoint lar Connaught, toujours à l’ouest, en faisant halte au monastère de Cill Chainnigh. Ganahulf a fabriqué la hutte sur les bords de Loch Dreag ; Berthilde a allumé le feu ; nous avons invoqué les esprits. Nous partagions la chasse à l’ours avec les tribus O’Kelly Hy Many sur Bearnàn Eile, larges plateaux granitiques aux nombreuses anfractuosités et cavernes. Nous troquions également avec Tunamore, gros bourg de la contée. Souvent nous parvenaient des fumées incendiaires venant de l’est, présage d’abominations à venir…

Dès 1180, Berthilde ouvrit un hospice à Tunamore pour y accueillir et soigner les visiteurs de passage, forts nombreux pendants ses périodes troubles, souvent blessés, populations déplacées par les appétits hégémoniques des normands et saxons. Berthilde ne connaissait rien à la guerre mais la côtoyait au quotidien. Elle était trop loin pour comprendre la nature de ces combats, au corps à corps, où toutes ces épées jetaient des éclats d’hommes qui s’écroulaient à terre, et toutes ces hachures violentes lui donnaient envie de pleurer. Déjà, à Whigley, elle avait souvent été appelée à soigner des hommes tombés d’échafaudages, blessés à la chasse ou maniant un outil… Chaque fois, la vue d’une jambe cassée, d’une main écrasée, d’un cerveau déchiré la plongeait dans une grande tristesse et elle gardait au fond du cœur un sentiment de gaspillage irréparable. Aujourd’hui, face à ces hommes qui s’infligeaient de terribles blessures, elle était prise de révolte. Elle se demandait où mènerait l’impiété de si preux chevaliers !

Berthilde partageait son herboristerie avec Eilish, prêtresse et druide de son état, où elles fabriquaient baumes et onguents pour apaiser et soulager. Eilish l’avait initiée aux rituels et autres incantations alchimiques, à l’invocation de Dieu pour dernier secours et à la chirurgie, dévolue jusqu’alors exclusivement aux moines. Elles effectuaient leurs tâches avec abnégation, toujours disponibles et à l’écoute, tel un sacerdoce, empreint de confiance et de douceur.

La peste s’était déclarée en Europe. Venant d’Italie, elle gagnait l’Angleterre via Bordeaux. Depuis le mariage d’Henri II et d’Aliénor d’Aquitaine en mai 1152, la Gascogne fournissait un excellent vin aux Anglois ; et nous redoutions que la grande moria, telle que les Florentins l’appelait, ne traverse la mère d’Irlande.

Les jours s’écoulaient, malgré tout dans le bonheur. Bizarrement, le temps n’avait pas d’emprise sur nous, Berthilde et moi ne changions pas…

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