L'Hégire - 2

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Au premier accord de rabab, danseuses et baladins firent leur entrée. Il y avait parmi eux de grands noirs portant des flambeaux, des princesses slaves enlevées lors de razzias fratricides, des nains jaunes, des joueurs de taravelle et votre humble serviteur. J’y reconnue de prime abord Esméralda et Quasimodo, Lord Carnallite et le Docteur Schweitzer, (faits prisonniers durant une chasse au tigre, me diront-ils plus tard), les Sharks et les Jets tels des saltimbanques sautant et lutant autour de Maria et Tony, Karen Blixen rescapée d’une fronde africaine et le Professeur Abromsius arrivant de Transylvanie. Enfin vint le chœur des esclaves, présenté au peuple comme une dernière offrande.

Parmi tous ces êtres soumis, une seule, attirant mon regard, le port altier et la nuque haute, se détachait de la masse. J’eus la surprise d’y découvrir Ashakîvam (ma « Promesse d’Espoir » ? mais alors, qu’avais-je appris durant mes années tibétaines ? l’Amour Infini !). Ashakîvam dis-je, les mains entravées par des serpents de bronze et les pieds nus, drapée d’une tarlatane jaune d’or et sang, un pectoral d’airain lui ceignant la poitrine. Elle avait été enlevée par le tyran qui se promettait d’en faire sa favorite. Je la cherchais depuis toujours ; elle me reconnue. Un eunuque du harem me fit parvenir un message pour me supplier de la délivrer. C’est alors que jouant de la flûte pour elle, les serpents de fer la retenant prisonnière se délièrent et lui firent un rempart devants les gardes médusés. Puis, lançant ma flûte sur le pavé devant le vizir Armani Neydjad, tel Moïse jetant son bâton au pied de Pharaon, l’esprit du serpent qui en jailli protégea notre fuite.

Nous devînmes des révolutionnaires (l’Histoire va très vite et parfois nous bouscule) et le peuple nous aida à renverser l’Infâme. Ashakîvam et moi, suivis de nos partisans, armés de cimeterres et de tromblons, envahîmes le Palais. J’affronte le chef des gardes et je suis si fort et si terrible (on m’appelle Yvan, et non Robin des Bois !) que celui-ci se jette à mes pieds. Alors je me précipite dans la salle du trône où le sultan pérore au milieu de sa cour. Oh ! Stupeur et tremblement, il a les traits de Omar Mahmud Calif ! (pour sûr, c’était son nom, mais n’était-ce pas les initiales de notre suzerain de Tunamore à Connaught ? le Seigneur Owen Mac Croy !) Le combat est furieux. Je fais voler le sabre de mon adversaire, qui s’écroule benoîtement. J’appuie ma lame contre son cou, mais Ashakîvam me demande grâce pour lui. Alors, je le laisse se relever et le condamne à l’exil. Nous rendons liberté aux esclaves, aux eunuques et au peuple.

Je fus nommé Bey du sultanat d’Oman et de Beït-el-din, et déposais le califat des Omeyyades aux pieds d’Ashakîvam pour qu’elle devienne ma reine.

Mon si bel amour,

Devant l’ambre doré de tes yeux noisette

Devant les fossettes aux coins de tes sourires

Devant ton goût de pain d’épice

Je fonds et m’abandonne à ton regard

Soudain mon cœur chavire

A l’instant d’entendre un « je t’aime » discret et timide

Moi devant toi et rien qu’avec toi

A l’instant où je te vois

Je suis le plus heureux de vivre

Tout ceci n’est que paraphrase de mon amour

Encombrant et lourd

Pourtant je te dis

« encore merci »

Enfin, un doux repos mérité m’attendait. Fidèle aux enseignements de mes maîtres, la contemplation et la méditation devinrent mes nourritures quotidiennes.

Le Sultanat avait pourtant quelques obligations envers son « suzerain » : l’Empire Ottoman ! Dès 1696, je dus former et envoyer des troupes en soutient à Mehmed Pacha. Pierre Le grand lui cherchait noise en mer d’Azov.

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