Saint Pétersbourg - 2
Et nous revoilà, l’armée de zouaves et bachi-bouzouks que nous formions aux côté de Türguhl Vizir-shah, généralissime de Mehmed Pacha. Enturbannés et sabre au clair et clairon sonnant, nous chargeâmes à moult reprises les divisions cosaques de l’ami Pierre. Un pas en avant, trois pas en arrière, deux pas sur l’côté et deux pas l’autre côté…Bien nous en pris car finalement, le port d’Azov est retourné aux Ottomans en 1711, par la seule force de Türguhl ! Quant à nous, en babouches de chez Armani, nous prenions le thé à la pomme sur le vieux port de Théodosie en compagnie d’Anne Romanov, la tsarine.
Pour Pierre Romanov, la guerre du Nord continue jusqu’à 1721, quand la Suède signe le traité de Nystad qui cède à la Russie ses provinces Baltiques : Estonie, Lituanie et Lettonie. Avec ces acquisitions, Pierre est en contact direct avec l’Europe de l’Ouest. Cette même année, il reçoit le titre d’empereur.
L’héritage de Pierre le Grand a été énorme pour la Russie. Il a complètement réformé ce pays en y apportant des innovations majeures. Il a établi la force navale de la Russie, réorganisé l’armée selon le modèle européen, rationalisé le gouvernement et mobilisé les ressources économiques et humaines de ce pays. Il a mis en place un nouveau système de classement social qui déterminait le statut de la personne non par sa famille ou son ancienneté, mais plutôt par le service qu’il rendait au tsar. Également, il a créé un sénat pour coordonner la politique du gouvernement. De plus, il a réuni le gouvernement et l’Église en incorporant cette dernière à la structure administrative du pays. Il a aboli le patriarcat, l’équivalent orthodoxe de la papauté, en le remplaçant par un corps collectif. Ce n’est pourtant pas tout. Pierre a aussi triplé le revenu national à travers une variété de taxes. Il taxe ainsi chaque mâle sauf les membres du clergé et les nobles et a imposé une multitude de taxes indirectes sur l’alcool, le tabac, le sel et même les barbes. Pour fournir des uniformes et les armes à son armée, Pierre a développé des industries textiles et métallurgiques, utilisant les paysans comme main-d’œuvre. Pierre voulait introduire en Russie des technologies, des institutions et des idées modernes. Il a donc organisé une éducation de style occidental pour tous les nobles et les études de base pour tous les autres. Tout ceci a mené à la fondation en 1725 de l’Académie des Sciences de Moscou.
Ce qu’il voulait, en gros, c’était occidentaliser la Russie. Il demandait à l’aristocratie d’acquérir les habits, les goûts et les habitudes de l’Ouest. Le plus bel exemple de “l’occidentophilie” de Pierre fut le déménagement en 1703 de sa capitale de Moscou, une vielle ville asiatique, à Saint-Pétersbourg, une ville jeune, esthétiquement plus moderne et, à tous les points de vue, plus près de l’Ouest.
Après bien des déboires et quelques satisfactions (je fus renversé par le sournois Omar Mahmud Calif (encore lui !), cousin en disgrâce éloigné de Mehmed Pacha). Devant tant d’acrimonie, je dû me résoudre à quitter le Sultanat ; Ashakîvam et moi partîmes en exil chez l’ami Pierre et sa tsarine.
Nous sentions bien un vent décapant se propager à travers cette vieille Europe. La puissance de l'empire ottoman n'est de plus en plus qu'une façade. Sa décadence devient évidente au XVIIIème siècle, sous le règne de Mustafa III. Abdülhamid Ier, frère de Mustafa, ne peut empêcher l'annexion de la Crimée tatare par l'Empire russe de Catherine II en 1782. Désormais, la mer Noire n'est plus sous le contrôle total des Ottomans ! Et notre bataille d’Azov alors ? !
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