Pour rester plus léger, de retour en notre royaume de Borée, ne vous ai-je jamais parlé de Piotr, un ami de toujours, avec lequel nous cheminions de concert depuis fort longtemps ; mon alter ego devrais-je dire. Il est de ma famille autant que peut l’être la sittelle aux picidés.

Nous parcourions jadis la steppe en quête d’exploits ou de béatitude, et ceci jusqu’aux frimas de novembre. Nous volions sus à la Mangayavia-des-Toundras et « Babayaga-jambes-cagneuses » pour protéger le moujik. Nous implorions les grâces de la Comtesse Nastasia Romanov afin de pouvoir parader en grand uniforme de brandebourg et d’astrakan dans les salons de l’Archi Duc Fédor de Pikkendorf. Nous faisions le siège de Iekaterinbourg avec des armées de drills imaginaires pour confondre le félon. Nous partagions le havresac et servions le renne lors de nos chevauchées nocturnes.

La révolution d’octobre mit fin à nos exaltations chevaleresques et nous retournâmes à nos devoirs en nos écuries et poulaillers. Piotr et moi nous nous perdîmes de vue par un jour brumeux de décembre. Le temps était à la neige et s’accordait si bien à notre espérance ; se fondre dans l’infiniment blanc pour renaître quelques printemps plus tard. J’ai retrouvé sa trace dans des geôles de l’état, non loin d’une rivière frisée de givre en hivers. Nous avons ravalé nos pudeurs et ressorti nos mitaines. Depuis nous réinventons le passé et conjuguons l’avenir au présent.