suite et fin - 2

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Pour ce qui est de l’eau, nous avons la Truyère et l’Allier, qui nous égayent et rafraîchissent. Ici, l’Allier, fleuve à prétention salmonicole, est encore un débutant qui perd le nord au milieu des montagnes adverses. Il suit une faille qui sépare géologiquement deux pays d’économie différente. A l’est, le Velay, haute plaine volcanique au sol jeune, sombre fertile, aux maisons épaisses et fermées comme un portefeuille de maquignon. Le Bon Dieu est chez lui : il s’y est installé en régulier sur soixante-dix quintaux à l’hectare ; ses créatures y font les trois huit de la lentille verte d’appellation contrôlée, de la bigoterie et du compte en banque, et s’avancent crânement constipées jusqu’à notre barbe sur des tracteurs turbocompressés de cent chevaux, et ont peur des nègres.

De notre côté, c’est autrement fier : la pente est raide. Un dicton affirme qu’ici les chiens doivent s’asseoir avant d’aboyer, sous peine de tomber et de rouler au trou ! Cela finit par réduire les prétentieux et les farceurs. Ni les Sarazins ni les Anglais n’ont pu s’y tenir longtemps debout. Situés sur le rebord accidenté d’un socle primaire largement érodé, nous manquons d’assiette et de fonds depuis toujours. L’habitude étant prise d’une nature maigrichonne et qui ne se laisse pas manipuler comme ça, les façons culturales se résument à un accompagnement de l’herbe et du bois, et à la bienveillance élective de notre regard ! Je laisserai dire à d’autres reporters qu’en assistant au monde, nous l’assistons. Nous y pratiquons accessoirement l’élevage du mouton et de la chèvre.

Quelques paysans de la génération libérale avancée ont voulu, malgré ces conditions, devenir de jeunes agriculteurs performants, aisés si possible. Animés par des banques vertes et populaires, ils ont planté dans leurs vergers des ateliers préfabriqués et gris où ils s’adonnent avec technicité et soumission à l’engraissement du cochon anglais, de la caille japonaise, du lapin angora, du dindon pour tous et à la production non-stop de l’œuf carré pour faire comme les autres, le tout remboursable en vingt ans. Cependant, leurs pères, qui sont restés des Indiens septiques quant au cours des choses et des produits, se curent les chicots avec la pointe de leur Laguiole puis vont faire la sieste après manger, histoire de digérer ce gâchis. Si c’est l’été, ils se couchent à cru sur la paille ; ça leur évite de se laver les pieds et de se faire engueuler par la belle-fille qui croit dur comme fer, depuis son stage de formation professionnelle, à l’existence de l’hygiène et du progrès.

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