Délaissant les vagues de la placide mer Ionienne, les trois femmes prirent sans attendre la direction de l'aérodrome de Fontanarossa. Révêtue d'un éclatant uniforme blanc, Ada Ernst conduisit à vive allure ses deux compatriotes sur les terres de la sulfureuse Regia Aéronautica, l'Armée de l'Air italienne. Le trio mit pied à terre et fut immédiatement happé par l'intense activité de la base aérienne de Fontanarossa.

Telles des fourmies, des centaines d'hommes s'activaient au chargement d'innombrables avions de transport, arrimant caisses de munitions, bidons d'essence, vivres et autres matériels dans les ventres et soutes des appareils. Au loin, la silhouette ciselée de l'Etna semblait veiller sur cette effervescence mortifère.  Regards perdus sur l'horizon, les trois beautés se demandaient si la félicité leur permettrait un jour de gravir ses flancs.  

— Où allez vous Ernst ? aboya le major.

Ada avait prestement tourné les talons. Sa longue jupe blanche s'éloignait sous l'azur tel un nuage tombé du ciel. Saisie au vol par le ton péremptoire de son supérieur, Ada tressaillit. 

— Vous ne connaissez pas l'Afrique d'après ce que m'a rapporté Annabell, poursuivit l'homme d'une voix soudain apaisée. Je vous confie aux bons soins du leutnant Verduzio qui vous y conduira sans coup férir.

Après un baise-main à Sieglinde Dorff et de chaleureuses poignées de main aux autres membres du groupe, le major prit congé. Il rajusta son monocle, enfourcha son vieux vélo et disparut dans la tourmente. 

Ada songea  à la famille Mainemer. L'émotion la submergea mais elle n'en laissa rien paraître. L'helferinne tira du coffre de l'automobile sa petite valise en cuir et emboîta le pas du lieutenant Verduzio.

Prenant son courage à deux mains, le natif du village d'Adrano tenta quelques mots en allemand. À son grand soulagement, la jeune femme lui adressa un regard amusé et répondit dans un italien parfait qu'elle n'était pas douillette pour un sou.