Chapitre 8 : une clinique un peu particulière
Ce projet qu’on avait en tête était que j’intègre une clinique spécialisée dans la psychothérapie intensive. Cette clinique, réputée du côté médecin, mitigée du côté patient avait beaucoup de choses pour me rassurer.
Déjà, la première, je connaissais quelqu’un qui y avait été. Il en est ressorti « guéri » ! Le résultat était apparemment bluffant. Mon médecin, qui n’avait de cesse de me répéter que je ne souffrais visiblement pas de maladie psychiatrique chronique (voyez par là un trouble de la personnalité, un trouble bipolaire ou une schizophrénie) ; voyait en cette clinique un espoir de guérison pour ne pas sombrer dans la chronicité et donc — dans mon cas ; un trouble de personnalité.
Cette psychiatre n’était pas mauvaise, mais elle ne prenait pas en considération mes problématiques émotionnelles et d’impulsivité, de peur d’abandon. Lorsque avant d’intégrer la clinique, je lui avais demandé un diagnostic, elle me répondit qu’il n’était pas possible de poser un diagnostic précis à mon âge, mais que si cette clinique ne venait pas à m’aider, je risquais de développer ce qu’on appelle un « trouble de la personnalité anxieuse-évitante ». Soit un peu à l'opposé de moi.
J’avais dix-sept ans et, malgré l’espoir que je pouvais avoir en cette clinique, je développais des idées suicidaires et d’automutilations. J’avais dix-sept ans et je voulais mourir et me faire du mal.
Lorsque je suis arrivé au premier rendez-vous de visite de la clinique, accompagné par mon père et ma mère, nous avons été accueillis par un psychiatre, une psychologue et une aide-soignante.
— Parlez-moi un peu de vous, Lucas. Qu’est-ce qui vous amène ici ? Me demanda le médecin d’un air que je jugeais presque moqueur.
— Disons que j’ai de gros problèmes avec l’hygiène. Je souffre de TOC de lavage.
— Des TOC. Dit-il d’un air attentif, avant d’ajouter, vous n’avez pas d’activité, je me trompe ? Peut-être est-ce cela qui vous provoque ces TOC, l’ennui ?
Mon père, dont j’ai très peu parlé jusqu’ici pour des raisons de manque d’investissement dans mon parcours, acquiesça. Lui ne s’est entendu qu’avec les psychiatres et psychologues qui allaient dans son sens. Autrement dit, je suis un feignant, ma mère est méchante et lui est gentil.
Ma mère parla des accès de colère, voire de violence verbale que je pouvais avoir.
— Des fois, il peut insulter, se rebeller. Souvent, c’est soudain ! On ne comprend pas ! Il est extrêmement susceptible, et se met très vite en colère.
— Vous faites bien de nous le dire. Répondit le médecin.
« Nous vous accueillons à la seule promesse qu’il n’y ait aucun écart de conduite dans cette clinique, est-ce clair ? »
— Oui, je me contrôle mieux ces derniers temps.
Motivé, j’ai demandé à rentrer le plus vite possible. C’est ce qui se produisit. Une semaine plus tard, j’étais enfermé entre les murs de forêts qui me séparaient du reste du monde, isolé, dans la campagne. Je n’avais plus internet, aucun moyen de communication avec l’extérieur.
Très vite, j’ai fait la rencontre d’un groupe d’amis. Tous étaient diagnostiqués avec un trouble que je connaissais grâce aux recherches internet : le trouble de la personnalité borderline. Ce trouble a la particularité de posséder autant de nom que de combinaisons de symptômes possibles et imaginables d’une personne à une autre. Il s’appelle trouble borderline, trouble de la personnalité limite, état-limite, trouble de la personnalité émotionnellement labile ou juste borderline bref, tout ces noms définissent la même chose.
Dans ce groupe, il y avait une fille, Anne. Elle était en couple avec une autre fille qui était une très bonne amie. Malgré le fait qu’elle soit mon amie, j’aimais Anne. Je l’aimais comme je n’avais jamais aimé. C’était encore plus intense, enfin, c’est ce que je pensais sur le moment.
Régulièrement, je me sentais rejeté, mis à l’écart, voire abandonné par les autres membres du groupe. Lorsque je ressentais cela, je m’isolais dans un coin pour voir s’ils allaient venir me chercher, pour voir s’ils tenaient à moi. Dans ces moments, je pensais à la mort, j’avais des pensées de comment je ferais pour me tuer. Je voulais me couper pour me soulager, mais si je le faisais, on ne me ferait plus confiance.
Lorsque Anne et mon amie, Arlette, ont rompu, je suis devenu euphorique. Pas une petite euphorie naturelle que tout à chacun ressent de temps à autres. Une euphorie débordante au point de trembler, sauter et courir dans toute la clinique. Le lendemain, je n’avais pas perdu de temps. Je lui avais écrit le plus beau des poèmes et, je lui ai demandé de venir et je lui ai lu, en guise de déclaration. Comme je m’y attendais, elle me refusa. Je compris, mais ce que je ne compris pas, c’était pourquoi est-ce qu’elle nous haïssait et nous ignorait moi et mon amie. Amie qui n’a pas mal pris le fait que j’aime son ex soit dit en passant.
Si Anne et mon amie avaient rompu, c’était à cause d’une certaine Laurie. Cette dernière était tombée folle amoureuse d’Arlette. Arlette aussi. Passons les enfantillages !
Pour une raison qui appartient à une des personnes citées plus haut, je me mis très en colère face à l’absence et l’incompétence des soignants à notre égard. Ce qu’il faut savoir, c’est que nous n’avions aucun dossier médical tenu à jour dans l’enceinte de la clinique. En plus de cela, les soignants ne venaient jamais nous voir, nous parler et surtout, lorsque nous les sollicitions, ils n’étaient jamais disponibles. Ils s’en fichaient royalement ! De ce fait, d’un naturel émotif et colérique, intolérant à tout type d’injustice, je fonçai vers le bureau infirmier, et à ce moment-là, j’ai perdu le contrôle.
— Bande de connards, vous êtes au courant de ce qui se passe dans vos locaux ? Non, vous glandez trop occupés à boire du café et à fumer !
Et je vous passe les détails, coups dans les murs et dans la porte de la cadre de santé, insultes, hurlements, enfin une crise de rage.
Les problèmes comportementaux ne s'arrêtent pas là, je me suis fâchée avec une aide-soignante en plein groupe thérapeutique, et apparemment, ce fut la goutte de trop.
Pendant ce temps, j’avais demandé à un docteur de garde de me prescrire un médicament pour éviter les colères. Je ne m’aimais pas dans ces états. Elle m’avait prescrit du Tercian. C’est un antipsychotique extrêmement puissant qui a pour habitude d’induire une forte somnolence à tous ceux qui ont le courage d’en prendre. Dans tous les cas, fort ou pas, cela m’a bien aidé à ne pas vriller encore plus !
Quelques jours après les incidents, j’ai été exclu pour motif disciplinaire. Mon père, qui était venu me chercher, m'a renié et a tenu ma mère pour responsable (pour changer).
Merci à cette clinique, pour ce merveilleux moment juste avant de passer du côté des adultes.
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