Lettre 3
Kenneth Maclan
27 Aout 1818
Edimbourg, Écosse
A Lucy Portless
Ton grand-père, mon père Ian O’Neil, n'a jamais désiré quitter sa ferme de l’Ile de Raasay ; ancré contre vents et marées sur ce pic rocailleux.
A l'inverse je me suis, très tôt, laissé porter par le souffle glacé des Highlands pour voyager, errer sur la terre d’Écosse au gré de mes envies.
J’ai tant chevauché, qu’Aberdeen, Dundee, Glasgow et Edimbourg retiennent encore les traces de mon passage.
J’ai visité toutes les tavernes, les auberges et les gargotes du pays pour goûter à l’ivresse des nuits sans fin, entre délectation de whisky locaux et sons de cornemuse. Mes guêtres ont foulé tous leurs planchers crasseux, la paille de leurs écuries et même parfois le lit de leurs femmes.
Toujours insaisissable et décalé des us de mon époque, j'ai parcouru le chemin de la vie poussé par les courants.
Je suis repassé à Arnish de temps à autre pour saluer ma mère et t’apercevoir.
A plus de soixante ans, désormais, dandy grisonnant repu de ce festin d'orgies, je me prélasse dans la nostalgie, imaginant quel père j'aurais pu être, imaginant ma main sur ta chevelure dorée et bouclée ma chère Lucy.
Une vie choisie, oui.
Mais cette lettre est là pour te prouver que ce choix me ronge en secret aussi parfois.
Ton père.
Kenneth Maclan
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