Ian O’Neil

12 Janvier 1784

Arnish - Ile de Raasay, Highland, Écosse

A mon fils, Kenneth

Cette terre décharnée des Highlands au Nord de l’Écosse me rappelle combien le vent et le sel peuvent à la longue éroder les falaises, élimer toute aspérité, ramener à l'essentiel.

J’y ai puisé ma force au fil des années et me voilà finalement ce soir, dans ma couche, simple corps blanc et las, attendant le glas inévitable.

Je me suis battu une vie entière pour conserver ce lopin de terre, ce morceau de landes vert et gris. C’est ici que je suis né, ici que ma mère m'a laissé, et ici je souhaite achever ma route. Le temps ayant fait son chemin, et sans parvenir à comprendre totalement cet acte désespéré, j’ai accepté de lui pardonner.

La nature sauvage qui nous entoure m'a donné si souvent l'énergie de combattre.

J'ai lutté nuits et jours contre les pilleurs et autres seigneurs, avides d'étendre leur pouvoir.

J'y ai rencontré ta mère, déesse rousse éclairant par sa joie, ma vie de batailles et d’efforts. J'y ai vécu heureux, observant tes premiers mots, tes premiers pas, à la lumière patinée des nuits infinies.

Mon fils, je te lègue donc mon bien le plus précieux : ce bout de terre désolé de l'île de Raasay.

Dans ses ruisseaux coulent mon sang, sur ses collines cheminent mes rêves, sur ses plages perle ma sueur. Puisse mon âme habiter à jamais ses lacs argentés.

Ian O’Neil