Romane maudissait son frère. Elle avait déjà peu de patience en temps normal, mais ce genre d’inattention était une grosse goutte d'eau qui emplissait le vase de son énervement.

Elle avait eu toutes les peines du monde à remonter sur le bateau. Elle avait glissé deux ou trois fois en retombant pile à l'endroit qu'elle voulait éviter. Elle se sentait vidée de ses forces et pourtant, Alix ne montrait aucune volonté de l'aider à remonter à bord. Non, à la place, il se marrait comme une baleine. Les hommes étaient-ils tous atteint d'un retard mental ?!

Quand elle réussit finalement à grimper, elle put grimper à bord, son amulette sécha et elle retrouva doucement ses jambes. Malheureusement, à la place d'un galbe impeccable, elle remarqua que la peau avait gonflée et recouverte de plaques rouges de façon disparate. Romane commençait à comprendre pourquoi son frère hurlait de rire.

Avec difficulté, elle se releva et partit en direction des toilettes étroites qui se trouvaient sur le yacht. Ce qu'elle vit dans le miroir l’horrifia.

Le reste de son corps ressemblait à ses jambes. Boursouflé et recouvert de plaques rouges qui commençaient à la chauffer. Mais ce n'était rien comparé à ses yeux. La sclère s'était tout autant rougit que sa peau et les paupières avaient gonflé tant et si bien qu'elle pouvait ouvrir les yeux seulement de moitié. Elle ressemblait à un horrible crapaud avec ses lèvres devenue épaisse.

À voir l'horrible monstre qu'elle était devenue, Romane ne put retenir des larmes d'impuissance et de rage. Elle refusait de sortir de la petite salle d'eau, s'y étant enfermé à clé jusqu'à ce qu'elle dégonfle.

— Oh, allez, fait pas la tête... ma petite grenouille !

Si Alix était venu prendre de ses nouvelles et la réconforté, il n'avait visiblement pas pu résister à la tentation de se moquer de sa jumelle. Cette dernière lui aboya quelques remarques acerbes sans pour autant quitter sa minuscule tanière.

— Ecoute, nous sommes au port là, et je suis parti te chercher une crème apaisante. Ça devrait apaiser ta peau. Mais pour ça, il faut que tu sortes de là. J'me moque plus...

Surpassant sa honte et sa colère, Romane finit par ouvrir la porte. Si la crème pouvait faire disparaître sa métamorphose en poulpe, elle n'allait pas se priver.

Comme promit, Alix ne fit aucun nouveau commentaire. L’hilarité dans son regard avait fait place à de la compassion et de l'inquiétude. Enfin, Romane croyait que c'était de la compassion et de l'inquiétude, car après tout, elle ne voyait plus très bien à cause de son visage encore bouffit.

— Je veux qu'on s'achète à un bateau électrique. J'en ai assez de ressembler à un blob Fish dès que je plonge un peu de trop près du bateau. Il pollue beaucoup trop ! Déclara Romane d'une voix boudeuse.

En réalité, elle se fichait bien de la pollution, ce qu'elle pointait du doigt, en revanche, c'était son allergie à la pollution de l'eau. À chaque fois qu'elle était en contact avec une eau polluée, c'était la même chose.

— Si tu prenais tes antihistaminiques ça n'arriverait pas tu sais ? Fit sagement remarquer son jumeau.

Romane grogna un peu. Elle savait qu'Alix avait raison, mais la mauvaise foi était la marque de fabrique de la femme dont les gonflements s’apaisaient au fur et à mesure que son frère étalait la crème.

— Je suis ni une petite vieille qui doit prendre ses cachets, ni une humaine fragile. Un bateau électrique serait beaucoup mieux pour que je n’aie plus ce genre de désagrément. Statua la demoiselle avec un aplomb naturel.

Alix ne releva pas le manque de bon sens de sa sœur, se contentant de terminer l'application de la crème et de vérifier que le corps de cette dernière reprenait bien sa forme initiale.