Chapitre 9
Quand je me réveille, je n'ai aucune idée d'où je suis, ni qui je suis. Je sais juste que j'ai mal au crâne, alors je me risque à ouvrir les yeux. Les rayons du soleil percent les interstices des vieilles planches qui condamnent les fenêtres. Aïe... J'attrape ma tête pour calmer la migraine qui tambourine sur mes tempes. Autour de moi, je ne reconnais rien, du moins pas tout de suite. Il faut dire que je vois encore flou. Tant pis, pour le moment, je referme les yeux. Je récupère les souvenirs fragmentés de la veille. Ils sont éparpillés et je ne comprends pas ce qui s'est passé.
L'imaginaire se mêle au réel. Je vois les sourires de mes amies, Jason qui tente de m'embrasser, le nez ensanglanté d'Ashley. Au milieu de ce désastre, il y a des sons et des odeurs, mais je ne sais pas d'où ça vient. Quelque chose est incomplet, alors je continue de fouiller dans les limbes de cette soirée oubliée. Ce n'est pas évident. Les détails demeurent insaisissables, comme des instantanés capturés en rêve. Je me mets à tousser et je commence à me rappeler. Sa main me passe un joint et l'instant d'après, elle m'emmène loin.
Je me lève du matelas défoncé. Je sais qui dort à côté. J'ai pas rêvé... Je me demande comment ça a pu arriver. En vérité, je le sais, je ne veux juste pas me l'avouer. Je n'ose pas le regarder. Si je le fais, je sais que je n'éprouverai pas les remords que je devrais. Mes pas hésitants me mènent à la fenêtre barricadée où le soleil essaie de se faufiler. Je m'arrête un instant pour observer les particules de poussière qui flottent dans les airs. Quand je tends la main pour en capturer, elles filent entre mes doigts, aussi insaisissables et fragiles que les bribes de ma mémoire. « Tu veux savoir où cette soirée peut nous porter ? » Maintenant, je le sais.
Dans le calme de cette étrange maison, je me sens en sécurité. Hors du temps et hors du monde, mon existence cesse d'avoir du sens. Ou plutôt, je ne lui en cherche plus. Je peux pas rester enfermée pour l'éternité. Le froissement des draps derrière moi me tire de mes pensées. Je referme ma main qui de toute façon n'attrape rien.
Il est encore à moitié endormi et ses pieds remuent sous la couette. Ses yeux s'ouvrent doucement. Lui aussi croit rêver. Un sourire mutin étire ses lèvres tandis qu'il laisse son regard s'attarder sur mon corps à peine voilé.
— Bien dormi ? murmure-t-il d'une voix rendue rauque par les excès.
— Pas assez en tous cas... Pouquoi tu me regardes comme ça ?
— Le contre-jour... t'as l'air d'un mirage.
Je souris et quitte le halo lumineux pour venir m'assoir à ses côtés au bord du matelas.
— On peut pas dire que j'aie beaucoup dormi...
Mes joues s'empourprent tandis que les souvenirs de nos ébats amoureux me reviennent en pleine figure. Elliot semble le remarquer et son sourire s'étire davantage pendant qu'il se redresse.
— Tu semblais pas t'en plaindre...
Je fronce les sourcils, prête à attraper le premier coussin que je trouve pour le lui jeter dessus. Trop lente, ou simplement, me connaît-il déjà trop bien. Quelle qu'en soit la raison, il anticipe mon geste et passe ses bras autour de moi pour me serrer contre lui. Je n'ai pas le temps de protester, pas l'envie non plus. Il m'entraîne sous la couette et m'y fait sa captive. Face à face dans le cocon de tissu qu'il vient de créer, je ris.
— Je suis ta prisonnière maintenant, c'est ça ?
— Exactement ! Je te laisse plus partir.
J'ai pas envie de partir, tu sais. Il se colle davantage contre moi. Nos respirations se mêlent tandis que je plonge dans son regard espiègle. Il me fascine autant qu'il m'effraie. Un océan de non-dits y réside, et je crains un jour de m'y noyer. Pourtant, je n'arrive pas à me détourner de ses prunelles qui veulent m'aspirer. D'un geste presque craintif, je caresse sa tempe, repoussant une mèche de son front. Mon autre main dessine les courbes de son visage, comme pour graver chaque détail dans ma mémoire avant qu'il ne s'efface. Je l'observe avec une insistance troublée, cherchant désespérément à percer le mystère de ce lien qui s'est créé entre nous.
— Qu'est-ce qu'il y a ? murmure-t-il sans se départir de son sourire.
Sa voix me ramène sur terre, brisant le sortilège. Je secoue doucement la tête, réalisant que j'étais perdue dans la contemplation.
— Y a rien !
Je lui pince le nez et me libère de la couette sous laquelle je commence à suffoquer. À l'air libre, je respire un grand coup pour m'extraire de cette torpeur envoutante. Mes pieds nus foulent le vieux parquet fissuré à la recherche de mes vêtements. Elliot ne me retient pas. Il se contente de m'observer d'un œil curieux.
Je fais quelques pas jusqu'à la fenêtre condamnée où je me suis arrêtée un peu plus tôt. Ma robe traine au sol et je me penche pour l'attraper. Elle est pleine de poussière, alors je dois la secouer. Derrière moi, les draps s'agitent dans un froissement ténu. Je devine Elliot qui se lève, probablement intrigué par mon mutisme soudain. Ses bras m'enlacent avec douceur et son torse se presse contre mon dos. Je sens son menton chatouiller ma nuque.
— Tu veux déjà te barrer ? murmure-t-il à mon oreille.
Un sourire triste flotte sur mes lèvres à cette question dont la réponse s'échappe dans un soupir. Pas vraiment... Mais je suis bien obligée. Doucement, je me dégage de son étreinte et me tourne pour lui faire face. Son regard se fait inquiet, comme s'il pouvait deviner le chaos qui m'agite. D'une main tremblante, je caresse sa joue mal rasée avant de finir d'enfiler ma robe.
— Je dois rentrer avant midi sinon...
Elliot se racle la gorge, il connaît la suite. Il se détourne pour ramasser son pantalon, et l'enfile d'un geste sec et précipité. Je l'observe en silence. J'ai l'impression d'avoir cassé quelque chose. En silence, il tire le paquet de clopes de sa poche et allume sa première cigarette de la journée. L'odeur me pique le nez et je tousse un peu.
— Merde ! Désolé, dit-il en dispersant la fumée d'un coup de main.
Il récupère le reste de ses affaires et je remets de l'ordre dans mes cheveux. Un rire amer m'échappe lorsque je croise mon reflet dans un carreau brisé. Je fais pitié avec mes yeux cernés et mes lèvres gercées. Elliot pose sa main sur mon épaule et son image se joint à la mienne. Je fixe notre portrait. On ressemble à rien, on a ça en commun.
— Viens, je t'accompagne en bas.
Je le laisse me guider dans l'étroit couloir. Des craquements protestent sous nos pieds. Le plancher doit lui aussi regretter mon départ. Je lance un dernier regard vers la pièce où on a franchi l'interdit, puis en silence, on emprunte l'escalier. Au rez-de-chaussée, les rayons tamisés déchirent les rideaux déjà en lambeaux. Devant la porte, une sourde angoisse m'étrangle. Je retiens un soupir et plutôt que d'ébruiter mon appréhension, pousse le battant qui grince sur ses gonds rouillés.
— Merci pour la soirée, Elliot.
Ma voix n'est qu'un murmure désolé.
— Attends ! dit-il en capturant mon poignet. On pourrait se revoir… si tu es libre un de ces jours.
Ses yeux ne me quittent pas, ils en sont incapables. Et maintenant ? On reste bloqué au seuil de nos mondes qui n'auraient pas dû se croiser. On espère l'impossible. Ses doigts errent sur mon visage avec une tendresse incertaine. Je crois que dans sa tête, il répète des marabouts pour me faire dire oui. Il se risque à m'embrasser et sa bouche dévaste toute volonté de tirer un trait sur cette relation insensée.
— Personne n'a besoin de savoir ce qui se passe entre ces murs, tu sais… chuchote-t-il à mon oreille avant de reculer.
Son regard à nouveau dans le mien, il veut déchiffrer les secrets qui s'y cachent. Il n'y en a pas. Tout ce que je sais, tu le sais déjà. Le reste, ce sont des questions, et j'ai pas le temps pour ça. Advienne que pourra. Je me hisse sur la pointe des pieds et colle à nouveau mes lèvres contre les siennes. C'est ma façon de lui dire à bientôt sans vraiment le promettre. Je me détache de lui à contrecœur, tournant le dos à son regard suppliant.
Dehors, l'air frais me mord la peau. La réalité m'assaille, brutale, comme la lumière crue du jour qui m'oblige à plisser les yeux. Je m'éloigne et au-dessus de ma tête, les branches forment une voûte. Je suis le couloir de feuillage que je me souviens vaguement avoir traversé hier. Quand je quitte la forêt, j'atterris dans une rue pas si loin de celle où j'habite. Ça me laisse une sensation bizarre. Je me croyais ailleurs, mais tout ce que j'ai fait, c'est un pas de côté.
Je marche un peu plus vite et me fond dans le décor. Mes rêves s'effritent le long du trottoir. Dans ma chaussure, je sens un caillou en forme de toutes les conneries qui vont finir par me rattraper. Peut-être que les parents d'Ashley ont téléphoné. Je chasse cette peur. Quand je passe la porte d'entrée, je marche sur la pointe des pieds. Les relents d'alcool qui m'entourent me trahissent et je ne suis pas prête à me faire démasquer. Ça ne dérange pas ma petite sœur qui m'assaille de ses cris. « Titi, titi ! » Elle réclame mon attention. Je la soulève et lui fais un bisou. Ma mère suit rapidement.
— Bonjour ma puce, dit-elle avec un sourire rayonnant de naïveté. Comment s'est passé ta soirée ?
Par où commencer ?
— C'était sympa ! On a dansé et discuté comme d'hab ...
Elle s'approche. Je recule et prie pour que le poulet dans le four l'empêche de sentir la vodka. Suzy essaie d'enfiler son cube dans mon nez pendant que je parle. Ma mère fait un autre pas vers moi et j'en fais un second en arrière. Elle me trouve suspecte. Ça sent pas bon.
— Tu vas bien, Tina ?
— Ouais, ouais. J'suis juste fatiguée.
Ça sent vraiment pas bon ! Je regarde ma petite sœur. Elle vient de remplir sa couche.
— Oh merde ! Je crois qu'elle s'est faite dessus. Je vais changer sa couche !
Je me sauve dans la chambre de la petite et ma mère reste coite. C'est sans importance. Je ne m'en suis pas trop mal sortie et c'est tout ce qui m'importe. Sur la table à langer, je dépose Suzy.
— Merci petit monstre !
Elle ne comprend rien mais elle m'a sauvé. Je me penche sur elle.
— Tu pues, petite crotte !, lui lancé-je en chatouillant son nez.
Elle gazouille et ses petites joues s'arrondissent dans son sourire. Je me dépêche de changer sa couche. Un petit coup de talc et je la ramène auprès de ma mère qui est pendue au téléphone. L'espace d'une seconde, je me dis que ça y est, c'est pour Ashley. Finalement, elle rit dans le combiné et je me remets à respirer. Je cours dans la salle de bain. La porte fermée, je soupire longuement. Je détache mes cheveux en bataille et laisse tomber ma robe à mes pieds. Je la jette dans le panier à linge. J'espère que ça ne chlinguera pas trop le cendrier quand elle l'ouvrira...
Nue, je me glisse sous l'eau chaude. Les gouttes brûlantes ruissellent sur mes épaules et j'aimerais qu'elles puissent emporter les traces de mes péchés. Mais sur ma peau, je sens encore la caresse de ses mains, gravée en moi comme l'épitaphe de ma folie. D'un geste révérencieux, j'effleure ces stigmates. Je les adore autant que je les déteste. Que disent-ils de moi ? Un frisson me parcourt quand je me surprends à rêver, mais je me réveille pour frotter les souvenirs que je dois effacer.
Une fois savonnée et rincée, j'enroule une serviette autour de mon corps encore humide. Dans la buée des miroirs, je croise à nouveau mon reflet, en revanche celui-ci, je le reconnais. J'enfile un jean et le vieux T-shirt publicitaire qui traîne au fond de mon armoire. « The longest dogs in town», s'écrie le teckel déguisé en cuisinier sur l'imprimé. C'est dimanche, je n'ai personne à impressionner.
Je descends rejoindre le reste de la famille pour le déjeuner. Ma mère est toujours au téléphone et sa voix est légèrement tendue. Il faut dire qu'elle jongle entre le combiné et ma sœur qui a décidé de ne pas manger ses petits pois. Je m'installe et mon père me suit du regard. Je le jauge un court instant. J'ai peur de ce qu'il sait ou ne sait pas. Il ne dit rien, alors je commence à manger. S'il savait, j'aurais déjà valsé de ma chaise.
— T'as vu, je t'ai laissé de la cuisse. C'est ce que tu préfères, non ?
Je hoche la tête et me force à parler.
— Ouais, j'ai vu. Merci.
Il attend que je raconte ma soirée. Je ne le ferai pas. Je mentirai que si j'y suis forcée. Ma mère raccroche et à nouveau, j'ai peur. C'est une fausse alerte et elle reprend son repas sans commenter son appel. Plus personne ne parle sauf Suzy et mon père continue de me lancer des regards pour savoir ce qui se trame dans ma tête. Le bruit des couverts me stresse. Quand mon père pose les siens, je sais qu'il s'impatiente.
— C'était bien hier soir ?
Je prends une bouchée de purée, ça me laisse le temps de réfléchir.
— Euh, ouais. Grave.
« Euh, ouais. Grave. » Ça valait le coup de prendre mon temps avant de parler.
Ma mère passe sa main sur la sienne. Elle connaît le sous-texte derrière sa question. D'un œil insistant, elle lui dit combien ça doit être vexant pour moi qu'il ne me fasse pas confiance. N'importe quel autre jour ça l'aurait été mais pas aujourd'hui. Quand je pique du poulet, ma main glisse sur ma fourchette. Au moment où je m'y attends le moins, le téléphone sonne. La bouche encore pleine, je n'ai pas le temps d'intercepter l'appel.
— Bon, c'est fini, oui ? Dis à Carrie d'arrêter d'appeler pendant qu'on mange !, s'énerve mon père.
Ce n'est pas Carrie, je le lis sur les yeux de ma mère qui s'inquiètent. Ma poitrine rapetisse. Elle se tourne vers moi. Pourquoi c'est si long ?
— Oui, elle est ici.
J'ai envie de me cacher sous la table. Je veux pas voir la suite. Finalement, ma mère sourit. Pourquoi elle sourit ?
— C'est Rachel, dit-elle en tendant le combiné.
Mon père se demande pourquoi je ne respire plus. Je fais comme si de rien n'était et me lève pour répondre à mon amie qui doit s'inquiéter.
— Rachel ?, demandé-je d'une voix incertaine.
— Putain mais t'étais où ?!, s'exclame Rachel qui ne contient pas son soulagement mêlé d'agacement. T'es partie sans rien dire, on t'a cherché partout. J'ai flippé toute la nuit !
Mes parents me dévisagent et je dois trouver comment répondre sans qu'ils sachent.
— Ouais, je sais, je suis désolée. Je suis en train de manger là, euh… Je suis avec mes parents alors, je t'appelle après si tu veux.
Quand je dis le mot "parent", Rachel comprend. Elle souffle et ça manque de me rendre sourde avec le grésillement de la ligne.
— Ça marche, à plus tard.
Je raccroche, et quand je retourne à table, c'est encore plus pesant qu'avant. Ils savent que je ne dis pas tout. Et puis quoi ? Ça pourrait être n'importe quoi. Ils n'ont pas besoin de tout savoir !
— Qu'est-ce qu'elle voulait ?, demande ma mère.
— Oh rien, j'ai oublié... Un rouge à lèvres qu'elle voulait me donner. Elle le porte plus.
Mes parents hochent la tête et ça s'arrête là. Je termine de manger et débarrasse rapidement mon assiette, pressée de m'échapper dans ma chambre. Je suis déjà sur l'escalier quand mon père m'interpelle.
— Tina attend. Je peux te parler une minute ?
Mon cœur s'emballe. Lorsque je me tourne, je me compose un visage neutre.
— Oui, qu'est-ce qu'il y a ?
Il cherche ses mots. Il est plus hésitant que d'habitude.
— Écoute, je sais que tu traverses une période difficile depuis... depuis la mort de Mary. Mais j'ai l'impression que tu nous caches des choses.
— Papa, je t'assure que tout va bien, je...
— Laisse-moi finir. Je veux juste que tu saches qu'on est là pour toi, ta mère et moi. Tu peux tout nous dire.
Sa voix est douce, presque suppliante. Ça ne lui ressemble pas. Pendant une seconde, j'ai envie de tout lui avouer — la bagarre, l'alcool, Elliot... Mais je peux pas. Je refuse de voir la déception dans ses yeux. Il croit à ses mots, mais pas moi.
— Je sais, papa. Mais je t'assure, il n'y a rien à dire. C'était juste une soirée entre amis, rien de plus.
Il hoche la tête. Je vois sur son visage qu'il n'est pas convaincu, pourtant il n'insiste pas. Il place une mèche derrière mon oreille.
— Aller, va rappeler ton amie.
Je souris avec amertume. En montant, je traîne le pas, ralentie par le poids de ma culpabilité. Je m'enferme dans ma chambre et m'effondre sur le lit, la tête enfouie dans mon oreiller. Les yeux clos, je réfléchis à toutes les façons dont je pourrais leur avouer la vérité sans trouver la bonne. Je sais que ça va pas tarder à me rattraper et c'est ce qui fait trembler mes mains. Je me décide à prendre le téléphone sur ma table de nuit et compose le numéro de Rachel. Ça sonne. Sa mère décroche et j'attends que mon amie prenne le relais.
— Bordel, Tina. Tu nous as fait quoi hier soir ? Il s'est passé quoi avec Ashley ? Attaque-t-elle sans préambule.
Sa voix ne sonne pas comme un reproche mais je déglutis péniblement avant de répondre.
— J'étais saoule et... j'ai pété un plomb, Rachel. Elle a commencé à me parler d'Elliot et de Mary. Elle s'est moquée du suicide de Mary, Rachel.
— Quelle peste, compatit Rachel après quelques secondes de silence trop longues.
Salope. Moi, j'aurais dit Salope.
— Et t'es allé où après ? On a essayé de te retrouver avec Jason.
Jason... J'avais oublié sa tentative de baiser raté, et cette image rejoint la collection de celle que je déterre en cours de route.
— Je suis rentrée chez moi. J'avais besoin de... d'être seule.
— T'as rien dit à tes parents ?
— Nan, je peux pas...
Ma voix se brise sur ces derniers mots.
— Ils vont finir par le savoir... On a dû appeler une ambulance...
Mon cœur rate un battement. Une ambulance ? L'angoisse me serre la gorge, m'empêchant presque de respirer.
— Comment... elle va ?
— C'est moins grave que ça en avait l'air. Elle a pas le nez cassé, rassure-t-elle avant de reprendre. Stacy m'a dit que Jason s'est disputé, genre, grave avec Ashley après. On se doutait que tu l'avais pas frappé pour rien. On est de ton côté, tu sais.
« On est de ton côté. » Je n'en ai jamais vraiment douté. Mais si tu savais ce que j'ai fait après, serais-tu encore de mon côté ? Je préfère ne pas connaître la réponse. La discussion reprend. Rachel essaie de me rassurer encore, de me remonter le moral. Moi, je ne suis plus réellement là. Je me demande juste combien de mensonges je vais devoir aligner avant de raccrocher. Combien de mensonges je vais devoir aligner pour les préserver de cette Tina qu'ils ne reconnaîtraient pas. C'est le prix à payer pour une nuit de liberté.
Annotations
Versions