Chapitre 14.2

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Dieu merci, j'ai fermé le loquet... Si la personne qui se cache derrière attend ma permission avant d'entrer, alors ce n'est pas ma mère.

— Tina, ma chérie. Je peux entrer ?, demande mon père de l'autre côté.

Bingo. Je regarde partout autour de nous pour trouver une solution, mais c'est finalement Elliot qui la trouvera. Il se jette par terre et glisse sous mon lit pour s'y réfugier.

— J'arrive !, m'exclamé-je en déverrouillant la porte.

Sur la poignée, mes mains laissent une trace de mon anxiété, mais devant mon père, je n'en dévoile rien.

— Tina, je peux savoir pourquoi tu verrouilles ta chambre comme ça ?

Il n'est pas énervé, juste étonné, et mon excuse est vite trouvée.

— Parce que j'en ai marre que maman rentre sans demander, dis-je l'air excédée.

Il hoche la tête. Ce n'est pas pour ça qu'il est venu. Il s'appuie sur le cadre.

— Écoute, Tina, ton directeur a téléphoné.

Aussi tard ? J'imagine la gestion de crise en cours au lycée. Ça a dû être un ballet d'appels entre les fausses victimes, les faux coupables et tout le reste que je n'arrive pas à imaginer. Dans ma tête, je peux pas m'empêcher de penser que c'est bien fait pour monsieur Hughes. La lettre que j'ai écrite à Ashley, je l'ai toujours en travers de la gorge. Mon père se racle la gorge, il est gêné.

— Il m'a dit que tu as défendu tes amies. C'est vrai ?

Ses yeux sont pleins de remords quand il me demande. Ne m'obligez pas à rejouer ça... J'assemble le peu de mots que je peux. Ce sera bien assez.

— Je... euh... Oui...

Il retire ses lunettes et se frotte les yeux en soufflant. Son regard se détourne.

— Écoute, ça... ça n'enlève pas tout ce que tu as fait, commence-t-il. Tu nous as menti et tu as bu et je sais que tu comprends que ça méritait que je te punisse. Je fais semblant d'opiner pour le contenter. Mais, j'ai peut-être été un peu dur avec toi... J'aurais dû mieux t'écouter.

Ça me fait mal qu'il faille d'horribles mensonges pour que tu me dises ça, papa. Mon père attend que je parle mais moi, j'attends la fin de sa phrase. Celle avec les excuses qui auraient dû la ponctuer. Allez, dis-le... juste une fois... Je peux toujours rêver, ça ne viendra pas. Comme je ne dis rien, il reprend pour éviter que ça ne

devienne étouffant.

— Il m'a dit que tu réintègres l'équipe ?

Je hoche la tête.

— C'est bien, tu dois être contente.

J'adore quand les gens pointent des évidences pour combler le vide. Je garde les mains dans les poches sans rien dire. Est-ce qu'on a terminé ?

— Tu n'es pas descendue manger. Tu n'as pas faim ? Ta mère a fait du poulet.

Je secoue la tête.

— Nan, je... je révise.

Il sourit et me caresse la joue.

— Si tu changes d'avis, je t'en ai mis de côté. Je t'ai laissé une cuisse...

C'est ce que tu préfères, non ?

— C'est ce que tu préfères, non ?

Mon père ne sait pas dire qu'il m'aime, alors il mange du blanc de poulet. Je m'en contenterai pour le moment.

— D'accord, j'y penserai... Ma voix hésite. Merci, Papa.

Il pince les lèvres et se détache de la porte. Son handicap, il me l'a refilé. Dans ma bouche, il sait que ça veut dire je t'aime. Alors que je m'apprête à refermer la porte, ses yeux se posent près de mon lit. Merde ! J'en ai oublié ce qui se cache en dessous.

— Tina, qu'est-ce que c'est que ça ? demande-t-il, les sourcils froncés.

Il passe la porte et avance d'un pas déterminé tandis que je tente subtilement de bloquer sa route.

— Attends, papa !, lancé-je dans l'espoir de le faire reculer.

Mais ma tentative est vaine, et lorsque je le vois se pencher près de mon lit, je sens mon corps sur le point de lâcher.

— Combien de fois ta mère t'a dit de ne pas laisser ton linge traîner comme ça ?

Mon linge... Évidemment. Quoi d'autre sinon ? Je reste paralysée au milieu de la pièce en comprenant que je viens de frôler une situation dont je n'aurais pas pu

supporter l'issue.

— Ouais, je sais... désolée, papa, réponds-je, la voix chevrotante d'une peur qu'il ne peut même pas soupçonner.

— Ce n'est pas grave. Mais essaie de t'en souvenir !

Il me sourit et attrape la robe qui traîne par terre pour l'emporter avec lui. Lorsqu'il quitte la pièce, mon cœur bat trop vite. J'évacue un long soupir et ferme à nouveau la porte à clé. Elliot sort de sa cachette. Il me lance le poney magique qui s'est perdu sous le lit mais je n'arrive pas à le rattraper. Il retombe misérablement à mes pieds. Je le ramasse et le pose sur la coiffeuse.

— C'est pas passé loin cette fois, dit-il en retirant les bouloches accumulées par ses vêtements.

— Ouais... je suis désolée de t'avoir infligé ça.

— Oh, t'en fais pas ! J'en ai vu d'autres et puis... J'aime bien jouer avec le feu, tu sais !, dit-il, en s'amusant du danger.

Moi, le danger ne m'amuse pas encore. Il s'installe à nouveau sur le matelas moelleux et je le rejoins.

— Alors comme ça, t'es pas virée ? Je savais pas qu'on avait un truc à fêter moi !

Mentir, manipuler et détruire la vie des gens, ce n'est pas ce que j'appelle un truc à fêter. Sa bonne humeur s'efface rapidement lorsqu'il voit que ça ne me plait pas plus que ça.

— Pourquoi tu tires une tête pareille ? Je croyais que tu voulais rester dans l'équipe.

C'est vrai, mais pas comme ça.

— Stacy et Rebecca ont monté un truc et... Je suis pas forcément fière de la méthode employée.

— Ah... je vois. Les pom-pom girls qui jouent aux pom-pom girls quoi.

Lui, ça ne le choque pas. Il a toujours vu les choses de l'autre côté, moi, je commence seulement à m'y habituer. Face au malaise, Elliot change de sujet. Il s'allonge sur la couverture et attrape mon walkman.

— Alors ? T'en as pensé quoi ?

— J'en ai pensé que c'était... De très mauvais goût !, dis-je en m'allongeant à côté de lui.

— Oh, c'est juste un peu transgressif, rien de bien méchant, rouspète-t-il.

Je le provoque avec un sourire en coin.

— Ok, dans ce cas, va en bas, regarde mon père droit dans les yeux et on verra bien ce qu'il en pense !

Elliot ne dit rien parce qu'il imagine toutes les façons dont mon père pourrait lui faire la peau. J'en profite pour le déstabiliser encore. Je soulève mon corps jusqu'au sien et m'installe à califourchon sur ses hanches.

— En fait, je crois que Jason a raison. Tu viens avec ta musique de dégénéré et tu mets de vilaines idées dans la tête des gentilles filles.

— Je t'assure que t'as l'air de tout sauf d'une gentille là tout de suite..., souffle-t-il en masquant qu'il perd ses moyens.

Je le pousse à bout, ça m'amuse.

— Ah ouais ? Tu serais pas en train d'insinuer que je suis une vilaine fille ?

Je le vois déglutir avec difficulté. Si je m'installais à l'autre bout de la pièce, je l'entendrais toujours respirer.

— Tu me fais beaucoup trop d'effet quand tu parles comme ça...

D'un doigt mutin, il suit la courbe de mes lèvres entrouvertes pour le tenter. Je frissonne à son contact, plus fébrile que je ne le voudrais. Ses mots me désarment parce que lui aussi, me fait de l'effet.

— Qu'est-ce que tu m'as fait, Tina ?

— Rien que tu ne m'aies fait...

Je me penche pour lui voler ce baiser qu'il attendait. Ce soir, on ne fera pas plus que la dernière fois, mais tu t'en fiches, n'est-ce pas ? Quand on s'embrasse, on y met tout ce qu'on n'arrive pas encore à dire. Je retire son T-shirt et ma bouche trace un chemin qui ne lui est pas destiné. Ses yeux s'écarquillent mais il est trop grisé pour m'en détourner. Est-ce que c'est bien ? Est-ce que c'est mal ? Pas sûre que mes amies se soient posé la question cet après-midi. Alors tant pis, moi aussi je ferai le mal si ça me semble bien. Ce soir, c'est le plus impie des baisers que je te donnerai...

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