Les épreuves de l'Epine Jour III
— Tu es définitivement pure, je dois te passer pour les deux dernières épreuves. J’étais heureuse de faire ta connaissance.
Elle me réveille en douceur où je suis emmailloter dans une couverture de coton sur un matelas de mousses. C’est ma deuxième nuit dans ce cocon. Quitter les bassins typique des cures thermales va me manquer.
— Ma chérie ?
— Oui Maître ?
— Au pied !
Un peu dans les vapes, je me relève et d’un regard, dit adieu à cette douceur maternelle. On n’a plus parlé du Cercle, juste de moi, mon ancien moi. Dans ces eaux, j’ai l’ai noyé. Ils ont raison, la danse n’est plus pour moi. Toutes mes passions, mes goûts sont du passé. Faire le deuil dans la souffrance était donc nécessaire.
Quand Sergio place ma laisse, je sais bien qu’après les tests, je serais différente. Bien plus que jusqu’à maintenant. C’est comme si, il me fallait enfin, du repos…Peut m’importe de continuer à encaisser, c’est essentiel pour avancer. Nos pas me guident toujours au sous-sol, dans une salle ovale. Il m’avance bien au centre, en face de moi, un feu dans un brasero et dedans, une grande barre de fer.
— L’Appel du Fer t’attends ma beauté. Debout, parfait.
Mes bras sont tirés en arrière, menottés à une chaîne tendue. Mes genoux fléchissent, mais je résiste. Mon oncle se prépare dès que Sergio en a terminer avec moi. Il est là. Gants noirs, blouse blanche fermée jusqu’au cou comme s’il s’apprêtait à opérer.
Je soutiens son regard déterminé quand il approche en se saisissant de cette tige métallique rougeoyante. Elle est forgée en forme de rose. Une rose stylisée, simple… précise. Elle est pour moi et telle une vache, je suis qu’un morceau périssable, vendable et utile.
— Je grave ton obéissance dans ta chair, dit-il calmement.
Il pose deux doigts sur l’endroit : un peu au-dessus de mon sein gauche, à la naissance de la clavicule.
— Tu répètes après moi. Mot pour mot. Si tu t’interromps…
Il ne termine pas. Il n’a pas besoin. La chaleur me coupe la respiration avant même que je n’émette un son.
— Je ne suis plus ce que j’étais, dit-il.
— Je ne suis plus ce que j’étais.
Mes larmes le procure du plaisir et je compte pas lui faire croire qu’il gagne. Ma bouche se crispe. Il reprend sans émotion :
— Je suis le sol où fleurira la Rose.
— Je suis le sol où fleurira la Rose.
Il s’enfonce dans l’épiderme avec un crissement humide, presque doux dans l’horreur. L’odeur de chair brûlée emplit mes narines. Mes jambes cèdent, mais les chaînes me retiennent.
— Ma douleur est offrande.
Je suffoque. Ma gorge est sèche.
— Ma douleur est offrande.
Il appuie plus fort. Je mords l’intérieur de ma joue.
— J’appartiens au Cercle. Et je lui dois obéissance.
Je bredouille.
— J’appartiens… au Cercle. Et je lui dois obéissance !
J’hurle ces derniers mots. Il retire le fer. Ma peau fume et je reprends ma respiration. Il me regarde longuement. Puis il murmure, plus bas, presque avec tendresse :
— Tu es prête pour la phase final. La Fusion.
Son humeur joyeuse dénote un peu. Il retire les liens et c’est lui qui me tient en laisse durant le trajet pour remonter au premier étage. Je pensais qu’on rester à l’intérieur…la forêt ? Non plus.
Pourtant, on doit passer dehors pendant plusieurs minutes, montant une petite colline éclairée par des torches à quelques centimètres du sol. Au loin, je distingue un vieux moulin. Il me demande de m’arrêter entre le début des disciples, placer de chaque côté. Ils éclairent la route avec des bougies, bien droit.
— Les ombres te reçoivent. Désormais, je retire la laisse. Tu vas rentrer dans le cœur du moulin puis fermer les yeux quand la voix te l’autorise.
— Oui Maître.
— Tu deviens parfaite. Relève bien ta tête et démontre nous qu’on a eu raison de te laisser une chance.
J’acquiesce tandis qu’il défait le lien. Le vent souffle légèrement autant que les douces paroles en chœur :
Nue marche l’Élue, sans nom, sans lumière
Sous la rose close, sa chair devient prière
Brûle la cendre, ouvre la voie
Ce qui fut moi n’est plus à moi
Un souffle, un cri, le silence descend
Elle se défait, elle devient sang
Les yeux bandés, l’âme liée
L’offrande s’élève, la nuit est scellée
Fusion ! Fusion ! Qu’elle perde son nom !
Fusion ! Fusion ! Qu’elle porte le don !
La colline passé n’est pas terminée, puisque je chemine un court moment avant de monter plus haut. La porte grince, le froid avec le vol de quelques chauves-souris me paralyse avant que je reprenne mes esprits.
— Entre dans l’Antre de la Fusion Éternelle.
Je pense reconnaître Sergio et je le cherche avant de me souvenir de la consigne. Quelques pas plus tard, un bandeau sur mes yeux puis sa main sur mon bras droit pour me guider à terre, sur de la paille ou du foin.
— Continue à te taire c’est la meilleure chose pour toi.
Il rit en effleurant mes lèvres par un doux baiser avant d’un coup sec, ligoter ma cuisse droite puis gauche corder j’imagine à un poteau. Pas la peine de faire un dessin…mes bras sont menotter derrière ma tête.
La Fusion n’est pas ce que je pensais…Là, je suis à la merci des hommes…Alors, ok, j’ai appris à support les regards mais…là, c’est….
— La Rose est en phase d’éclore. Ne penses plus avec le reste de Marta. Une fois validée, tu n’auras plus a subir tout ça. Seul moi, ton homme, continuera à te faire plaisir.
Ses doigts me caressent partout et finit sa course sur la brûlure. Tandis que les chants sont désormais à l’intérieur. Heureusement, enfin, ce n’est pas le bon terme mais, les hommes défilent en douceur sans aller au bout.
Il n’y a que Sergio qui me délivre de toute sa puissance. Oui, une délivrance qui me rappel les rares moments où nos corps ont danser sans avoir eu recours aux punitions. Il n’était qu’amour et dans mes larmes, les bulles de Roberto et moi.
Je dois reconnaitre que mon amour pour lui était du poison. Même pas quatre mois enfin ensemble, que ma greffe et le groupe ont tout mis en péril. Certes, j’ai accordé son envol hors est-ce parce qu’au fond, je refusais d’admettre mon changement sur mes sentiments ?
Ma mère m’a rabâché d’en discuter…j’aurais peut-être dû le quitter…Pour éviter qu’il tente de me sauver en emmenant ma sœur et nos amis. Au fond, je suis née pour être discipliné, pour prendre du bon temps avec mon nouvelle amant de quinze ans de plus et être une ombre parmi les ombres.
Une Rose Noire résiliente, battante, taisant les douleurs, prête à faire n’importe quoi pour mériter ma place d’Élue. Au moins, ils ont cru en moi, mon oncle m’a donné un cœur unique, Sergio m’a bien réveillée.
— Marta est Marta. Je suis à vous, à toi et au Cercle. J’accomplirais toutes missions, écouterais toutes vos doléances. Je suis votre élue !
Mes paroles sont sortie en même temps que l’orgasme. Tout s’est éteint aux alentours. Sergio se retire, mes jambes tombent d’un seul bloc. Mon bandeau retiré permet de voir qu’il est toujours là. Debout par contre, Nicolas, à nouveau dans une nouvelle tenue, ne bronche pas.
— Tu as dépassé nos attentes. Seulement, il reste du chemin. Bienvenue dans la Lumière Marta. Tu auras ta première quête, quand j’aurais finalisé les préparatifs.
— Je pourrais quand, rencontrer les ombres ?
— L’Élue devra d’abord finir ce qu’exige le grand Maître. Une fois accomplie, promis, on organisera une grande fête. Sergio va te ramener au chaud.
Sa canne rythme ses pas et je devine que le jour s’est levé. Mon ventre à faim, ma bouche à nouveau soif. Sergio semble vouloir dénouer mes poignets sauf que :
— Maître devient Sergio. Bienvenue dans la Lumière ma chérie.
— Sergio tu….
Il m’embrasse sensuellement en tenant d’une main mes poignets et de l’autre, me pique par une seringue lentement avant de me murmurer en tendresse pendant que mes yeux piquent, mon cœur s’agite et ma respiration devient lente.
— C’est terminé, mon amour… tu as traversé la nuit. Tu es née de cinquante corps, et aucun ne t’a brisée. Je sais que tu m’entends encore même si tu ne peux plus parler. J’ai t’injecter de l’étomidate. Une dose contrôlée. Tu t’endormiras en moins de deux minutes. Tu ne te souviendras ni de cette pièce, ni du chemin. Ni du retour. La route durera trois heures. J’ai tout prévu. Tu voyageras dans le silence, roulée dans du coton noir. Personne ne te verra. Personne ne saura. Quand tu te réveilleras, tu seras chez moi, chez nous. Tu es parfaite, Marta. Plus qu’une élue…Tu es l’origine d’un monde nouveau. Je t’aime ma beauté.
Un dernier baiser avant qu’il m’aide à fermer mes yeux. Je ne ressens plus rien…jusqu’à la sensation d’un matelas. Mes yeux explore la pièce. Mur capitonné... Il n’y a pas d’horloge. Pas de fenêtre. C’est bien chez Sergio.
Je tente de bouger Mes poignets sont libres, mais mon corps est lourd. Mes jambes me brûlent. Mon ventre aussi. Je suis nue. Encore.
Ma gorge est sèche. Ma langue colle. Je voudrais appeler Sergio… Je ferme à nouveau les yeux. Et je sens, au creux de moi, quelque chose d’irréversible.
Comme si j’avais été retournée. Vraiment. Je suis revenue. Mais je ne sais plus d’où. Alors, je m’inspecte. Je redresse à peine la tête.
Juste assez pour voir… ça. Sur ma poitrine, légèrement au-dessus du cœur : une forme rouge.
Brûlée. Gravée. Une rose. Une rose de fer. Parfaite.
Autour de mes poignets, de mes hanches, de mes cuisses…Des marques. Pas juste des coups. Des cercles. Des entrelacs. Des petites roses. Alignées comme un collier de douleur.
Mes doigts tremblent quand je les effleure. La peau est vivante, irritée. Mais c’est plus profond. C’est comme si elles avaient poussé en moi. Des images me traversent. Des ombres. Des chants. Des mains. Un moulin. Un bandeau noir. Et moi, debout. Nue. Offerte.
Je veux croire que j’ai rêvé. Que mon corps ment. Mais il se souvient. Et je le sens…Quelque chose a changé. Je ne suis plus entière. Ou peut-être que je le suis enfin mais pas comme avant. Nicolas m’a adoubé l’élue et j’aurais des preuves…une nouvelle fois. Mon esprit doute que ce n’est pas normale. Je suis en cage alors que j’ai cru atteindre la Lumière.
La journée devient étrangement calme. La porte est ouverte, je retrouve mes habits, mange à ma faim et dors avec lui sans qu’on se parle. C’est qu’au petit déjeuner qu’il m’annonce en me donnant un long manteaux :
— Tu mérites cette journée. Profite de la vie d’une humaine, il n’y aucun piège, je sais que tu reviendra ici. Je t’aime.
Il m’embrasse en douceur et je ne sais quoi dire. Une fois dehors, je panique, moi qui ne sait plus comment agir normalement. Pourtant mes pas me guident à l’école, où les têtes se tournent surprise de revoir une vivante.
Je passe devant la salle des professeurs et là, je la vois. Adela. Elle est sous le choc et un instant, je veux m’approcher d’elle.
Mais mes jambes semblent m’échapper. Je m’arrête un instant, perdu dans le vide, dans un tourbillon d’images floues. Elle s’approche, inquiète, en larme pour me prendre dans ses bras.
— Marta ! On a eu peur tu sais ! Il faut absolument que tu les dénonces !
Je la regarde sans vraiment comprendre. Ma gorge est sèche. Je veux lui dire que je vais bien, mais c’est un mensonge. Je lève la main et fais une tentative de sourire.
— Je vais bien. C’était nécessaire et puis… C’est juste… Il faut que ce médecin paye. Mais ça va aller. Pas de soucis. J’ai juste… quelques idées noires qui se battent dans ma tête. Mais ce n’est rien.
— Tu sais que tu peux tout me dire, n’importe quand. Il n'y a rien que je ne puisse comprendre. On t’as perdu ma sœur, on a suffisant vu ce que tu endures !
Elle me regarde longuement, cherchant un signe de normalité.
— Tu sais, tu es toujours ma sœur. Je suis là.
Je la regarde, puis je détourne les yeux. J’ai envie de la rassurer. Mais ces mots… ce n’est pas moi qui les ai dits. Ce n’est pas moi qui parle. C’est cette autre partie de moi, cette part que j'essaie de chasser, mais qui est là, toujours plus forte.
— Ne t’inquiète pas. Je vais m’en sortir. Rien n’est encore joué.
Je passe près d'elle, mon regard fuyant le sien. Je n’ai pas conscience de ce que je viens de dire. Je ne sais même pas pourquoi ces mots ont franchi mes lèvres. Mais je me sens soulagée, comme si, d’une manière étrange, je venais de jeter une pierre dans l’eau, une pierre que j’aurais aimée ne pas avoir lancée.
…..
Elle s’éloigne aussi vite que possible. Je me retourne encore sous le choc pour en parler avec mes collègues. Ils savent désormais une majorité de la vérité tout comme mes parents.
— Elle est en vie Adela, c’est un signe qu’elle….
— JJ, c’est…ils veulent lui faire croire qu’elle a un peu de liberté ! Et, c’est étrange, elle revient au même moment où je suis revenu avec Roberto enquêté sur les lieux, enfin c’était hier. Plus de trace, tout semblait avoir fuit comme dans un rêve….
— Il faut passer par l’avocate pour demander un détective privé. Bé quoi ? C’est une bonne idée non ?
— Juan, c’est une excellente idée ! Depuis le début, on s’entête à tout faire seul. Si ma sœur est à nouveau séquestré, il y aura des preuves ! Il faut de suite que j’aille annoncer ça aux autres !
Ma sœur est revenue, moins amaigrie, plus…quoi que…que le médecin paye ? Le cardiologue est innocent…à moins que cette secte lui en veut et veut que Marta soit coupable ? L’avocate devrait sans doute m’éclairer.
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