Mise en garde

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— Vous en êtes sûr ?

— Parfaitement Madame Vadarès. Je voudrais que ce cardiologue soit mis sous surveillance.

Mes arguments ne semblent pas la convaincre. Elle relis les dernières preuves que j’ai pu accumulé et je crains, que cela soit bien mince.

— Écoutez Madame Ramos, j’entends vos angoisses concernant votre sœur et je suis prête à vous suivre. Cependant, je doute que ce genre de documents, puissent être recevables pour sauver votre sœur.

— La vidéo démontre quand même un rite extrême !

— Elle est de courte durée et bien que cela puisse être d’une telle violence, votre sœur peut avoir été volontaire et aurait pris connaissance des étapes pour intégrer la secte. Oui, j’ai bien saisi qu’elle a été manipulée et je vous le répète, pour la justice, sans vrais témoignages surtout de sa part, ça ne va rien conclure. Tout ce que je peux éventuellement mettre en place, pour attester de la possible emprise de votre oncle et de Monsieur Sergio Ramirez, est une surveillance par un détective privé. Lui seul, me fournira les données suivis, établir les liens entre ces deux hommes.

Je reste clouée, moi qui pensait que toute la sueur de mon front aurait suffi pour la sauver….

— Et pour le Docteur Ortega ?

— Si j’ai l’accord pour Monsieur Delorme, je lui dirais de le surveiller.

— Donc, pour la mallette vous ne pouvez pas insister pour le protéger ?

— Hélas non d’autant que si vous pensez justement que votre sœur est dans une emprise, il se peut que cette valise n’existe pas. Je dois malheureusement mettre fin à l’échange, j’ai un autre client.

— Merci quand même de votre dévouement. Je peux comprendre que l’affaire est complexe.

— Continuez de votre côté à glaner des indices sans vous mettre en péril, vous et vos proches. Je vous tiendrais bien évident informé de la suite. Je vous promet qu’on va tout faire pour dissoudre cette ordre et la protéger.

De retour à l’école, je continue de réfléchir sur d’autres moyens de rentrer plus en lien avec la secte. En attendant, durant les deux semaines suivantes, je restes autant proche que loin de Marta.

— Mademoiselle Sanchez ?

— Oui Madame Hertancia ?

— Veuillez me suivre dans mon bureau.

L’ambiance de ce soir est dans une thématique Carnaval. Ce qui me surprend surtout que les clients s’amusent plus alors que d’habitude, ils restent sérieux. Les jeunes filles se donnent à fond, la fête a démarré depuis deux heures, les verres et les pilules coulent à flots.

Ça saute tellement partout que je passe régulièrement laver et ranger. Je dois admettre que ce rôle, me lasse et que je ne peux pas me concentrer sur les conversations, plus que je ne le voudrais. Est-ce par ma lenteur que je vais être virée ?

— Installez-vous.

La responsable du personnel, le bras droit de Monsieur Jack, qui m’avait signé le contrat le premier jour, ne semble pas insatisfaite. Au contraire, elle est agitée à l’idée de m’annoncer :

— Vous avez une bonne capacité d’adaptions qui peut correspondre aux profils rechercher par le culte du Cercle de La Rose Noire.

Je tombe des nues. Il y a encore des mystères concernant ce culte à relier au club. Est-ce que tous les membres connaissent l’existence ? Et puis, je suis censé être en bas de l’échelle, à peine embauchée, je pense que Sergio a dû me repérer, il doit me tester. Je feins l’incompréhension.

— Le culte de quoi ?

— Si on ne vous a rien dévoilé c’était pour tester votre silence. Celle que vous remplacez fait désormais partit de la famille. Elle a un autre poste.

— Vous pouvez m’en dire plus, je suis perdue.

— Le club est composé en majorité de membres de ce culte. Pas le moment de tous vos expliquez en détail. Vous devez juste savoir, que si vous acceptez d’y rentrer, vous allez passez des tests. Une fois réussie, vous serez avec nous, dans un nouveau rôle. Le silence est bien évidemment toujours la règle. Si vous parlez, vous allez le payer.

— Et, vous priez quoi ? Enfin, je veux dire, je ne comprends pas ce que les clients possibles membres….

— Simplement l’Élue. On est enfin Éveillé dès qu’on a réussi. Mais, voilà, qu’enfin, la Rose Noire, le miroir de notre âme est là. Elle nous guide pour y voir plus clair.

Elle sourit encore plus presque comme une possédée. Les tests, l’Eveil et la Rose, me donne des frissons. Ma sœur est celle attendu. Elle a été façonnée pour répondre à leurs attentes autant personnels que possiblement mystiques.

— Alors, toi, que cherche tu dans ta vie ?

— Ce que j’ai perdu.

— Tu veux là ou le retrouver ?

— Je n’ai jamais cessé la bataille. J’irais dans les Enfer, s’il le faut.

— Alors, passes les tests. Tu es motivée et ça c’est important.

— Comment ça va se dérouler ?

J’ai faillis lui parler du cercle de feu ou des fouets. Ma langue bien rangée, mon cœur dans sa cage, mes mains sur mes genoux, je me redresse sans démontrer tous mes émotions.

— Je te mets déjà en garde, le grand Maître doit d’abord valider ta candidature avec le Maître, Sergio Calvin, celui qui tient le club. Ils ne sont pas des tendres, tu vas prendre cher mais la douleur est nécessaire pour devenir une meilleure version de toi-même. Tu peux m’attendre dans le salon six ? Au deuxième étage ? Il me faut en amont, avoir leurs avis.

— La réponse va donc vite être prise ? Et si oui, les épreuves seront mis en place dans un délais de combien de jours ?

— Tout dépend de là-haut. Merci pour ton dévouement, tu fais déjà un travail remarquable, passant régulièrement chaque heure, dans presque chaque pièce ou couloir. C’est assez rare, je ne l’ai pas connu en poste la première mais, la Tisseuse de Paix est la plus âgée des membres, travaillait déjà comme toi. C’est d’ailleurs la première en bas de l’échelle à avoir accomplie tant de choses jusqu’au seul poste de libre. On a eu une vingtaine d’autres jeunes pour ce service mais, seule la dernière, tu l’as bien compris, est rentré. Bien sûr, à une rôle moins prestigieux. Bon, tu auras le temps d’analyser tout ce beau monde. Je reviens vite.

Sans lui répondre, je m’en vais dignement m’installer. Heureusement, de l’eau est toujours à disposition pour me permettre de reprendre mes esprits. J’aurais dû refuser, je ne pensais pas pourtant aller si loin. En plus, les images de ma sœur me donne des remontés acides, de la nausée. Elle est déjà endoctrinée, à quoi bon sans cesse continuer de la sauver ?

….

— Ma chérie ?

— Oui mon ange ?

— Une première mission pour toi, vient.

Je le suis essoufflée après une danse endiablée sur la scène. Le Carnaval fût décidé par moi pour resserrer les liens des membres. Sergio a approuvé, mon oncle lui, c’est le cadet de ses soucis. Il se concentre sur mon premier crime et je dois prendre de la drogue pour compenser l’impatience.

Mon amant ce soir est le plus calme de tous, il ne danse pas, préférant me dévorer des yeux jusqu’à qu’on se love chez nous ou dans n’importe quelle pièce. Là, à peine dans le salon huit du deuxième étage pour plus de tranquillité, il me repousse avec un doux baiser pour calmer mes ardeurs.

— Du calme ma Rose. Du calme. Il faut que tu reprennes tes esprits car ce soir, là dans moins d’une heure, tu vas accomplir un honneur.

— Un honneur ?

— Dans les rites de passages, ceux qu’ils veulent s’aventurer sont les bienvenus. Mais, uniquement des hauts rangs. Enfin, c’était Nicolas et moi qui préparer tout ça. Sauf, qu’étant l’Elue, tu as l’immense honneur de décider de la manière dont la prochaine membre va intégrer la famille. Comme c’est une femme de ménage, Nicolas, tout à l’heure par le biais de la responsable ici, m’a contacté. Il m’a précisé que c’est de ta responsabilité, de la faire venir avec ou sans rites. Elle t’attends dans le salon six. Je sais que tu as peur, tu n’as pas démarré la première purge ni l’Absorption, pourtant, depuis deux semaines, tu es plus que parfaite. Tu as toute notre confiance. Mais avant, une bonne douche te feras du bien et ça, tu en as besoin autant que moi, ma petite chérie.

Il sort de sa poche le sachet de poudre, je le sers en sentant comme toujours, une baisse de mes sens. Le doute revient, pas sur mon rôle, enfin…si. Que vais-je dire à cette femme ?

Je suis assise seule dans cette pièce. Je pensais que la personne était déjà là, sans doute partit au toilette. Sergio m’a donné carte blanche. Et dans la douche, j’ai encore rien trouvé pour échanger avec la recrue. Sans doute tenter d’en savoir plus sur ses attentes…

J’en sais rien. Mon cœur tape contre ma cage thoracique comme s’il voulait s’enfuir lui-même. Et mes mains tremblent. Je n’ai pas l’habitude qu’on me laisse décider.

Je tourne en rond. Je m’assois. Je me lève. Et quand enfin je l’entends pousser la porte, mon souffle se brise. Je la vois. Elle. Adela.

Je recule. Mes jambes se figent. Une vague monte, chaude, coupante, et je perds l’équilibre.

— Non… non c’est pas toi…

Elle ne dit rien. Elle referme la porte derrière elle. Mon regard glisse sur son visage. Pas un masque. Pas une illusion. Ma sœur. Ici. Je cherche de l’air. Je n’en trouve pas.

Ma main tremble jusqu’à la poche de mon sweat. Le petit sachet. Un réflexe. Une bouée chimique.

— Marta, non...

Elle dit ça. Doucement. Mais elle ne m’arrête pas, peine perdue. Je verse un trait net sur la surface métallique de la table. Une inspiration. Le feu monte en moi. Je retrouve un peu de clarté. Juste un peu. Juste assez pour rester debout.

— Qu’est-ce que tu fous là ?

Ma voix est rauque. Presque étrangère.

— Je voulais te voir. Te comprendre. T'aider peut-être.

Je ricane. Un rire court, nerveux.

— Tu te déguises, tu t’incrustes dans le temple des fous, et tu crois quoi ? Que tu vas me sauver ?

Elle s’approche. Pas trop près. Juste assez pour que je sente son parfum. Toujours le même. Un souvenir de nos moments, quand tout était plus simple. Avant les aiguilles, les hurlements et les serments toxiques.

— Je crois surtout que je ne peux plus te laisser seule ici. Tu changes. Tu... disparais. Et je te reconnais de moins en moins. Enfin, oui, je suis pourtant prête à faire partir du culte. Tu es l’Elue.

Je m’assois, le regard flou, mais moins que tout à l’heure. Mes doigts pianotent sur la table.

— Tu ne sais pas ce que j’ai vu. Ce que j’ai fait. Ce que j’ai accepté pour être ici.

— Non. Et toi, tu ne sais pas ce que j’ai risqué pour être ici. J’ai menti. J’ai nettoyé leurs traces. J’ai vu leurs armes. Leurs regards. J’ai vu ton nom prononcé comme une légende. Tu sais ce que ça m’a fait ?

Elle me fixe. Droit dans les yeux. Pas de peur. Juste cette tension entre la colère et l’amour brut.

— Ça m’a glacée. Parce que toi, t’as pas été choisie. T’as été piégée. Comme toutes les autres.

Je baisse les yeux. Je n’ai rien à répondre. Parce qu’elle a raison. Un long silence nous prend. Puis je murmure :

— Tu veux tenter ?

— Oui. Et si tu restes bien lucide, alors je respecterais ta décisions mais j’aimerais comprendre ton rôle et avoir le mien. Pour se retrouver quelque part.

Je n’ai pas lâché sa main. Et elle non plus. Pourtant, je sens le tremblement discret dans ses doigts. Ce n’est pas la peur, pas tout à fait. C’est autre chose. Une tension qu’elle essaie d’étouffer. Je la fais s’asseoir sur le canapé noir, juste à côté. La pièce est froide, et le néon grésille au-dessus de nos têtes.

Je prends une grande inspiration. Le genre de souffle que je prends avant une chute, une vrille, un solo risqué.

— Donc, tu te lances dans le grand bain. Faut que je t’explique ce que ça veut dire.

Elle hoche la tête, grave. Je la regarde, longtemps. Puis je parle.

— Ici, les règles sont simples. Et violentes. D’abord, t’as pas de nom. Tu prends un masque, un surnom, un symbole. Pas de vraie identité. C’est la première mort, ils disent.

— Ok.

— Deuxième règle : silence. Pas un mot sur ce que tu vois. Pas une trace. Ils testent tout. Même les pensées. Même les cauchemars. S'ils croient que tu flanches, t'es effacée. Littéralement.

Elle serre la mâchoire. Mais ne dit rien.

— Troisième règle : obéissance. Tu peux poser des questions... parfois. Mais quand Sergio ou un membre, dite ombres en générale donne un ordre, tu t’exécutes. Même si c’est absurde. Même si ça fait mal. Parce qu’ici, le mal est un chemin. Ils appellent ça l’Eveil.

Je vois son regard changer. Elle note. Elle comprend. Trop vite.

— Quatrième règle : le sang. Tu devras prouver ta loyauté. Par un geste. Une offrande. Un silence complice. Moi, j’ai dû faire... des choses. Douloureuses. Et je vis encore avec ça.

Je baisse les yeux. Des flashs me traverse. Le fer, les fouets, la laisse. Je cligne fort pour effacer ça.

— Et la dernière... la plus importante :

Je me rapproche, très près. Presque à lui souffler les mots sur les lèvres.

— Tu n’es jamais seule. Jamais. Ils sont toujours là. Même quand tu crois que non. Même dans ta tête. Même dans tes rêves. Si tu veux tenir, tu restes avec moi. Tu me regardes. Tu respires quand je respire. Sinon, ils te bouffent.

Elle ferme les yeux. Puis elle murmure :

— Sergio… il me reconnaîtra, non ? Et Nicolas ?

Je secoue la tête.

— Pas encore, je ne l’espère pas. Sergio ne s’occupe jamais des agents de surface. Il ne regarde pas les visages, sauf quand il veut les marquer. Et Nicolas… il est dans sa science, ses obsessions. Il ne voit que ce qu’il veut contrôler. Pour l’instant, t’es une ombre.

— Alors qu’est-ce qu’on fait ? C’est toi qui va me faire souffrir ?

Je prends sa main de nouveau.

— Tu es ma protégée. C’est sacré.

Elle me fixe, les yeux brillants d’un mélange de fierté et de peur.

— Enfin, être l’Elue pour moi est pas encore mise en place, j’ai…des actes à accomplir avant d’écouter les membres.

….

J’en suis rassuré que ce soit à elle. J’ai tant de choses à lui dire et c’est quand elle parle d’actes, que je lui sors timidement à voix basse :

— Le Docteur Ortega. Tu m’avais annoncé vouloir qu’il paye. En quoi ça consiste ?

Dans le mile, elle se braque, se lève pour se toucher le nez de dos avant de se retourner, les bras croisés :

— Le silence est d’or sur les secrets qui me sont destinés. Si tu parles dès ton entrée, tu enverras tout le Cercle dans le chao et m’emmènera aussi dans la chute. On est sœurs pour toi, on est sœur symboliquement pour moi. Même notre oncle n’a plus d’identité, il est le grand Maître. Tu sais, c’est difficile à concevoir mon effondrement soudain, les lames sur mon dos et les Épreuves de l’Épine. Mon cœur est une machine qui est né bien avant moi et mourra en même que moi. J’ai conscience que des jeunes filles ont été sacrifiés pour ma venue. Hors, j’ai l’honneur de m’être trouvé un plus grand rôle, je te l’assure que j’ai plus de libertés qu’avant. Le thème de ce soir ? Mon idée. Dans tout les cas, si tu ne veux pas être avec moi, tu peux sortir, si compte tenter de me réveiller, tu vas m’endormir. Je pourrais aussi bien t’envoyer subir les mêmes rites que les membres et moi, sauf que j’ai du respect, de l’amour pour toi. Tu es venu pour sauver une sœur, en fait, tu vas vite comprendre, que tes anciennes chaînes te collent à la peau et par ma protection divine, tu vas être assez vite dans la Lumière que tu espérais tant. Entre sœurs dans les deux faces d’un monde meilleur.

Je ne sais quoi dire d’autre. Moi qui pensait vraiment qu’elle recitait un texte, en fait…je pense que ce culte bien que malsain, a sans doute donné la meilleure chance pour elle que la danse.

Un cœur artificiel pour qu’elle survive. Elle sait ce qu’elle doit faire. Je suis enfin dans son nouveau monde, elle m’a mise en garde, elle me tend la main. Si Carmen ou Roberto savait ce que je scarifie...

— Même si je suis découverte, je mourrais pour toi. Emmène moi dans ce culte, fait de moi une meilleure sœur, montre comment passer les souffrances qui, il est vrai, je porte encore au fond de moi malgré quatre année en tant que professeur, des parents qui m’ont pardonnés et les alcooliques anonymes.

Elle me sourit franchement et m’aide à me relever pour s’enlacer un long moment. Le voyage commence.

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