Les liens de cendres
Ma sœur m’a donné rendez-vous à dix-huit heure au bar du club pour trois épreuves. Connaissant Marta, je me doute que je ne vais pas subir de violences. Elle a en elle, cette part d’humanité. Enfin, je l’espère !
— Salut Marta, je suis à l’heure.
Ma main tout juste déposée sur son épaule ne l’a surprend pas. Elle me fixe fumant sa cigarette, dans un état second. De l’autre, elle tient une coupe de cocktail aux fruits rouges. Un miroir de mon ancien état, est-ce là, la première étape ?
— Tu as déjà commencé ou c’est….
— Chut, jeune apprentie, l’Elue à fort besoin d’ouvrir ses sens.
Sergio passe entre nous deux, pour l’embrasser délicatement sur la bouche. Je me demande comment j’avais pu être amoureuse de ce type ! Et elle ? Non, jamais ! Elle est sous emprise, droguée, utilisé. Bon, pour l’instant, je dois prouver à Sergio, que je ne suis…
— J’ai su rapidement ta venue, je te préviens que si tu fais cela pour sortir ta sœur, c’est peine perdue. Soit tu rentres, soit tu sors et tu ne la reverras jamais plus.
— J’ai saisi trop tard l’importance d’un culte pour l’a rendre enfin stable. Moi aussi, tu t’en doutes avec notre passé commun, j’ai besoin finalement d’un réveil. Une chance de souffrir déjà et surtout souffrir autrement par une guide, qui reste ma sœur.
Son clin d’œil démontre qu’il n’est pas dupe de mon mensonge. Marta continue de se perdre, remarquant rien.
— La loi suprême de l’Elue l’oblige à accueillir uniquement les personnes ayant déjà travailler comme personnel ici. De plus, elle t’a choisi et je ne peux absolument pas y faire grande chose même le grand Maître.
— Et tu penses que je vais te croire ?
— Le Culte se doit de respecter les règles originelles. En tout cas, ta sœur crois en toi, je lui donnes ma confiance aveugle sur ton intégration.
— Adela, attends moi sur le canapé. C’est un ordre.
Choquée, je m’en vais dignement sous le rire de Sergio qui se retourne dès que je m’installe. La scène me donne envie de vomir, quinze ans de différence, ce n’est pas rien. Il lui bécote le cou, lui caresse les cheveux et j’en suis sûr, qu’il prend son temps pour que j’apprécie le spectacle.
Il lui retire la cigarette pour lui donne une petite boite ovale blanche. Elle ouvre et écoute sans doute les effets. Il se saisit d’une pilule verte pour le déposer dans sa gorge et elle l’avale pendant un autre baiser.
Enfin, il s’en va discuter avec deux autres personnes tandis qu’elle finit d’une traitre son verre. Elle se tourne vers moi, se lève en remettant sa robe noir en satin et de sa main droite, me demande de la suivre.
En silence, je la suis dans l’ascenseur pour descendre au deuxième sous-sol. Je ne pensais pas que ça existait. On ne se regarde pas pendant quelques secondes. Dès que les portes s’ouvrent, la drogue semble avoir pris effet car elle part à une telle vitesse qu’avec mon jean moulant noir, j’ai vite chaud et du mal à la suivre.
— Entre !
— Là ?
— Oui, salle deux, c’est marqué ! Entre !
Adela, ne cherche plus ta sœur. Cherche juste à être identiquement elle, du moins, s’en approcher. J’ai des failles et qui sait, le mensonge à Sergio peut devenir réalité. Elle n’est plus l’élève que je guidais en cours, plus la petite fille voulant être la grande sœur.
La porte s’ouvre facilement mais sombre. Marta allume le simple néon me permettant de voir une simple table et deux chaises. Un interrogatoire, sans plus.
— Tu vas te mettre en face de moi.
Elle referme à clé et la garde dans sa main droite. Je commence à remettre correctement mon châle tout en observant à chaque recoins, de possibles caméras. Si ma sœur joue, elle risque gros.
Le silence devient pesant à force de me fixer sans cligner des yeux. Une envie de hurler, l’a poussé à dire n’importe quoi…
— Ok, tu as voulu devenir l’une des ombres. Tu es ma sœur et rassures-toi, aucune caméra ni micro. Je vais être honnête avec toi. Tu me manques et j’en suis très heureuse que tu puisses me comprendre. Au-delà de souffrir, j’apprends vraiment à être plus clair dans les signes.
— Marta, il te drogue.
— Beaucoup de peuples, ont, un moment donné recours à ces moyens de clairvoyance. J’ai pris, un boost à tout à l’heure. Stop ! Stop ! Je ne reviendrais pas sur Terre ! Un jour, promis, je reviendrais vous voir tous pour dire que je vais bien. En tout cas, tu vas passer trois tests dans la même heure, ici. Normalement, j’avais prévu d’autres choix, étalés sur plusieurs jours ici. Sauf que Sergio va s’unir à moi, ce soir, au Castel des Silences, le même lieu, je crois où vous êtes venus avant mes propres épreuves. Tu sais, on a ce besoin de contrôle, de masques, on a des points communs, des failles. Tu es venue par amour, par courage et je sais que tu es capable de réussir. Tu as confiance en moi ?
Nous revoir ? Points communs ? Tout ce mon esprit a retenu et qui clignote, c’est le mariage dans ce lieu. J’imagine que si elle approuve mes examens, je vais être une en capuche et la voir…
— Oui ma sœur. Je ne partirais pas.
Son sourire est inquiétant, elle sort de sous la table, un album photo ainsi qu’une allumette et une petite poubelle.
— Tu vas les brûler une à une en m’expliquant ce que tu vois et ce pourquoi tu as décidé de les rendre poussières.
Le petit album est rouge et à l’intérieur quatre photos. Je les consulte en retenant mes larmes. C’est la version soft d’une perte d’identité. Prenant mon courage à deux mains, je me saisit de la première :
— Maman avait pris ce cliché quand j’avais six ans, ma première journée à l’école de danse. Je, je la détruit car j’ai grandis. Le temps a fais son œuvre.
Première flamme et je m’en débarrasse au plus vite.
— Là, c’est, enfin, c’est dans le désordre mais, tu l’as eu où ?!
— Action !
— Ok, ok. Il ne l’a forcément donné. En tout cas, c’était aussi mon premier jour de striptease au club 44. Je la détruit car je me hai.
Ma réponse lui plait plus que la première. De ses doigts, elle m’invite à ne pas lâcher :
— Là, c’est quand j’étais bourrée, chez moi. Une loque, une peau qui, avec le temps et les paroles, me colle. Hop, dans les flammes ! Et la dernière, non ! Marta ! Non !
— Adela, soit courageuse. C’est symbolique.
— Non, c’est….
— Elle est où alors ma grande sœur qui me montrer l’exemple ses trois premières années à l’école, le courage, la volonté, la rigueur ! En fait, tu es faible, tu as même fui pour une raison ridicule acceptant un poste refusé par Alicia pour qu’elle reste dans les bras d’Horacio, celui qui avait selon toi, des méthodes controversés ! Alors, qu’au fond, tu le savais, c’était moi qui est allé dormir avec les clodos pour un rôle que je n’ai jamais eu ! Les parents ont raison, tu es bien faible, fuyante, incapable d’assumer tes erreurs !
Elle a raison ! Bordel qu’elle a raison ! Dans sa voix, je reconnais l’âme de ma petite sœur, celle que j’ai déjà laissé deux fois. J’espère avoir l’occasion d’en savoir plus sur ses propres épreuves pour qu’elle soit forte. Et ses yeux, aucune trace de substance louche. Elle dit la vérité, elle est lucide, plein d’assurance, acceptant les limites d’un culte qui passe par le sang uniquement pour les rites et qui reste dans une totale normalité.
— Tu étais né et je te porte à la maternité. Les parents m’ont laissé l’honneur de choisir ton prénom. Je suis venu donc te voir, sans savoir que te dire. Alors, dans ce berceau, j’ai pris ta petite main, tu as serré avec tes petits doigts, curieuse et j’avais dit. « Coucou Marta, c’est moi Adela, ta grande sœur de onze ans. C’est moi qui m’occuperait de toi quand papa et maman ne seront plus là. En attendant, j’espère que tu vas danser avec moi, tes petits pieds seront parfait. Je t’aime déjà petite sœur. »
Marta a les yeux humides, elle a voulu elle aussi jouer, elle a perdu.
— Ensuite ?
— Je vais la brûler, on restera sœurs symboliquement et par notre sang.
Je la jette avec les autres, les flammes nous accaparent quelques minutes avant qu’elle range tout sur le côté. Toujours de sous la table, elle dépose un vêtement, comme les autres :
— Trois épreuves, quatre photos. On a fait vite, tu vas mettre ta tenue. Dans une demi-heure, tout le monde nous attends dans la salle de réception pour écouter ma décision.
— Dit moi, Sergio a validé tout ça ?
— Sergio non.
— Mais, les photos de moi ?
— Tu as déjà oublié que je t’avais déjà suivis ados…
— Ouai, bon. Revenons à ça. Tu as conscience que je ne vais pas perdre ma propre identité ?
— Ta sœur oui.
Elle remet son masque et patiente pour que je me change. J’aimerais me voir dans une glace.
— Tu as le droit de parler aux membres, ils ont aussi hâte d’échanger. N’oublie pas, le secret, le silence et que tu me peux parler aussi. Allons-y, on va y aller en avance, faut que je récupère ta rose dans la loge.
J’ai besoin de respirer en effet, le chaud a vite remplacer le froid. Une fois dans la loge, elle me laisse là, elle va ramener aussi à boire. Non, en fait, ces tests c’était surtout pour elle, elle me l’a dit comme un aveux. « Ta sœur oui ». Un moyen de montrer que ce qu’elle vit est réelle et définitif.
Annotations
Versions