Chapitre 5 - l'ombre de Lune

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A l’aller, le trajet avait été assez joyeux pour Lune, simplement parce qu’il pouvait gagner quelques sous. Cette fois-ci, il était angoissé. Il y avait beaucoup de choses qu’il était censé dire, mais il ne savait même pas par quoi commencer. L’épuisement s’était abattu encore un peu plus fort sur lui après la jouissance, mais il était soutenu par le fait d’avoir brillé. Cela le laissait dans un entre-deux étrange, qu’il avait rarement connu. Très vite, ils furent dans la bonne ruelle.

- Maître ? murmura-t-il. Il faut que je vous dise… Syna… Il n’est pas comme moi.

Malken l’observa sans comprendre. Pas comme lui ? Parlait-il de ses goûts sexuels ? Dans un coin de la ruelle malfamée, une ombre bougea près du sol, attirant son regard. C’était un petit soumis, plus frêle que Lune, plus maigre aussi ce qu’il n’aurait pourtant pas cru possible. Malken ne comprit pas immédiatement que les deux garçons vivaient là, dans ce petit coin sale, sans toit au-dessus de leur tête, dans la pauvreté la plus terrible.

- Lune ? appela la petite voix fluette du soumis.
- Je… Je suis là.

Sans ajouter un mot, Lune s’éloigna, rejoignant son âme-sœur qui se frottait les yeux, l’air épuisé. Il s’accroupit devant lui et embrassa son front dans un geste d’excuse qui serra le cœur de Malken.

- Tu as trouvé à manger ?
- Je… Non. J’ai…

Lune hésita.

- Oh ! Mais tu as brillé ! s’exclama l’autre soumis en fixant le visage de son âme sœur avec un air ravi.

Lune aurait pu en pleurer. Il se sentait tellement mal, tellement coupable. Comme s’il comprenait que le soumis n’y arrivait pas, Malken s’approcha plus franchement.

- J’ai demandé à Lune de me présenter son âme-sœur. Je suppose que tu es Syna ?

Ce fut très difficile pour le Dominant de rester calme et froid face au visage du petit soumis qui lui offrit un sourire doux. Sa mâchoire était griffée par plusieurs cicatrices épaisses. L’un de ses yeux était également barré et la couleur de son iris avait été altérée. Elle était légèrement plus claire que son autre œil. Le petit restait assis au sol, dans une position un peu étrange. Ses jambes étaient encore plus maigres que le reste de son corps. Elles étaient un peu trop immobiles. Malken nota qu’il était appuyé contre un chariot lourd. Autant de détails étranges qui rendaient le moment un peu surréaliste.

- C’est vous qui l’avez fait briller ?
- Oui.
- Merci. Merci beaucoup.

Lune détourna le visage, gêné et chuchota :

- Malken a proposé de nous prendre tous les deux dans son vaisseau… Le temps… Le temps de réussir une illumination complète.

Syna acquiesça tranquillement comme s’il n’avait pas peur ou comme s’il était totalement résigné. Lune avait peur pour deux. Même l’idée de tenter une illumination complète ne paraissait pas le perturber. Il répondit simplement :

- D’accord.
- Il pourra rester dans un coin, n’est-ce pas ? supplia Lune en direction du Dominant.
- Arrête Lune… C’est à lui de décider, répondit Syna paisiblement.

La remarque fit sourire Malken.

- Effectivement, répondit-il.

Malken se pencha à son tour vers le soumis, faisant gémir Lune d’angoisse. Mais Syna ne couina pas, il ne pleura pas, il ne supplia pas. A la place, il lui refit un joli sourire tendre. Malken lui caressa le visage passant sur les cicatrices profondes. Il aimait beaucoup la douceur que ce soumis dégageait.

- J’adorerai vous voir briller ensemble. Qu’en dis-tu ?
- C’est vous le Maître.
- Tu ne négocies pas ?
- Non.
- Lune négocie. Veux-tu qu’il négocie pour toi ?
- Non.
- Syna… murmura Lune, angoissé.

Syna lui sourit tranquillement. Il n’avait pas peur. Cela faisait longtemps qu’il n’avait plus peur maintenant. Ce qui devait arriver arrivait simplement.

- D’accord. Alors… je vais décider pour toi. Lune et toi, vous allez emménager chez moi. Je vais jouer avec vous deux et tu vas briller pour moi. Lune aura un salaire. Tu auras le même. Vous aurez de quoi manger. Je m’occuperai bien de vous. Tu m’obéiras, n’est-ce pas ?
- Oui.
- Parfait. Nous y allons alors.

Lune baissa la tête, vaincu, sans rien oser dire. Syna n’était pas capable de dire non. Il n’était pas capable de se défendre, ni avec ses poings, ni avec sa langue. Il ne faisait que céder. L’abandonner aux mains d’un Dominant était la pire chose qui pouvait lui arriver… et peut-être la meilleure également.

Malken hissa le petit soumis sur ses pieds mais il ne le lâcha pas. Ses jambes pendaient maladroitement et ne le tenaient absolument pas. Lune fit un petit pas en avant, mais Malken ne l’attendit pas pour finir de soulever Syna, l’installant à cheval sur sa hanche. Délicatement, Syna s’accrocha au corps épais du Dominant. Il n’émit pas un bruit malgré la douleur qui irradiait de son dos.

Ce fut ainsi que Syna quitta sa rue pour la première fois depuis longtemps. Lune n’avait pas la force de le porter et le chariot était très lourd et fort peu pratique. Les deux soumis avaient honte car l’état du jeune handicapé était très dégradé. Seul les pires Dominants acceptaient de s’occuper de lui habituellement, le laissant toujours dans une situation plus mauvaise encore. Mais Malken ne semblait pas de ce genre-là. Il ne commenta pas l’état des vêtements du soumis, ni son odeur, ni sa maigreur, ni quoique ce soit d’ailleurs. A la place, il parla d’une voix tranquille et apaisante. De ce genre de ton qui laisse entendre que l’on sait exactement ce que l’on fait et pourquoi.

Gentiment, il leur expliqua qu’ils vivraient dans ses quartiers et que ce serait également là qu’ils s’entraîneraient. Il en parlait comme s’ils allaient réaliser une simple performance technique presque une formalité. Lune n’osait pas le contredire. Qu’il n’y ait eu que trois illuminations complètes ces dix dernières années avait pourtant de quoi le faire douter.

La tête posée mollement sur l’épaule du Dominant, Syna écoutait bercé par le rythme de ses pas. Lune les suivait de près. Ce n’était pas la première fois qu’un Dominant les prendrait ensemble, mais ce serait assurément la première fois que ça se passerait sur un vaisseau scientifique avec un tel objectif.

En arrivant, Malken fit un détour pour attraper Olinia qui les observa surprise. C’était un drôle de trio qui détonait totalement dans l’environnement aseptisé du vaisseau.

- Je vais avoir besoin qu’un examen complet soit fait, il me faudrait donc un médecin digne de ce nom et le matériel nécessaire.
- Directement ici ?
- Oui, je préfèrerai. C’est possible ?
- Oui… Oui. Si tu me laisses un peu de temps.
- Pas de soucis et il me faudrait un fauteuil roulant aussi.
- Ok.

Elle ne commenta pas son choix, ne parla ni des dépenses que ça allait engendrer, ni de la difficulté de la tâche. Elle ne lui expliqua pas qu’il y avait sans doute des dizaines d’autres soumis plus à même de lui convenir et qui coûteraient bien moins cher. Elle ne dit rien de tout cela parce qu’elle lui avait déjà demandé l’impossible. N’importe quel Dominant du secteur aurait pu expliquer qu’une Illumination Complète, c’était pratiquement un mythe. Les rares qui avaient réussi ne semblaient l’avoir fait qu’une fois… Malken essayait parce qu’elle le demandait, alors elle ferait tout ce qu’il voulait pour l’aider.

En les observant qui s’éloignait, elle se posa néanmoins un certain nombre de questions. Les soumis laissaient une odeur de crasse qui piquait son nez sensible derrière eux. Elle se demanda en quoi on pouvait trouver cela désirable. Mais c’était elle qui l’avait envoyé là-bas tout en sachant ce qu’il y trouverait. Peut-être n’y avait-elle simplement pas vraiment cru ? Peut-être s’était-elle dit que Malken reviendrait et lui demandait un plus haut standing, des jeunes mâles plus beaux, plus cultivés, plus… et bien plus désirables. Mais visiblement, Malken était tout à fait dans son élément. Tant mieux, pensa-t-elle en souriant, dubitative.

Sans attendre, Malken repartit à ses quartiers. Sa douche était minuscule, mais il comptait bien laver le petit soumis sans attendre. Il le posa au sol un instant, lui caressa le visage comme pour s’excuser, et se dénuda entièrement. Dans un coin de la pièce, Lune baissa la tête et frémit, terrorisé. Mais au lieu de se jeter sur son âme-sœur pour violer sa bouche, Malken se contenta de le déshabiller lentement, avec une douceur indéniable.

Sous les vêtements, la peau était sale. Lune eut honte, mais l’emmener aux bains publics étaient horriblement difficile. La dernière fois, ils s’y étaient fait agresser. Syna avait été blessé… encore une fois.

- Ma douche est petite, mais je vais te porter et on va rentrer tous les deux sous l’eau. Lune ?
- … oui, Maître ?
- Déshabille-toi. Tu viendras m’aider en cas de problème.

Sans un mot de plus, Malken installa une serpillière prête à l’emploi à l’extérieur de la douche, une série de serviette et puis, il revient soulever Syna. Le porter alors qu’il était habillé était une chose. Porter son petit corps nu en était une autre. Malken ne pouvait pas dire qu’il était « bien fait ». Les cicatrices épaisses formaient des lignes sur tout son corps, la crasse enlaidissait le peu de ce qu’il aurait pu trouver beau et le manque de muscles lui donnaient des proportions étranges. Mais tout ça, Malken ne le remarquait pas vraiment. En faites, tout ce qu’il voyait, c’était la douceur que son regard dégageait. Ce soumis s’offrait entièrement, sans honte ni peur mais également sans attente. C’était une forme de soumission rare qui lui plaisait beaucoup.

Si Lune était des plus charmant, Syna était absolument craquant à ses yeux. Ils rentrèrent sous l’eau chaude à souhait et Malken vint appuyer le soumis contre l’une des parois pour se libérer une main sans risquer de le faire tomber. Syna était si léger que ce n’était même pas difficile. L’eau savonneuse frappa leur corps. Malken changea la position plusieurs fois pour être sûr qu’elle atteigne tous les recoins du garçon. Il le frotta également. A leur pied, une eau noire et dégoutante filait. Malken relança le protocole de nettoyage plusieurs fois avant d’être pleinement satisfait. Il aurait bien continué, simplement pour le plaisir, mais les yeux du soumis papillonnaient de plus en plus. Il était épuisé. Être porté lui demandait beaucoup d’énergie, ne serait-ce que pour se tenir droit.

- Lune, vient nous sécher, ordonna alors Malken.

Leurs deux corps collés avaient conservés une bonne partie de l’eau qui aurait dû être chassée. Il fut obéi et une serviette douce vient les tamponner en douceur. Lune avait attendu, immobile et silencieux mais surtout surpris durant tout le temps de la douche. Le Dominant était immense. Il avait su lui montrer qu’il pouvait être doux pendant leur séance, bien-sûr, mais c’était différent de le voir manipuler Syna. Il faisait réellement attention à ne pas le blesser. Quand il avait compris que le bas de son dos était douloureux, il avait posé ses mains différemment sur son corps. Ce n’était que des détails, mais c’étaient ces détails qui changeaient tout.

- Allez, au lit.

Lune hésita, mais d’un simple regard Malken lui confirma que cela s’adressait à lui aussi. Lune se glissa sous la couverture, tout contre le bord pour leur laisser un maximum de place. Malken déposa Syna avec précaution. Il s’arrêta et observa les deux soumis. Cette mission était proche de l’impossible, mais ça ne voulait pas dire qu’elle ne serait pas agréable. Pour l’instant, elle était même délicieuse. Il remarqua que Lune semblait se retenir de poser une question. Contrairement à son âme-sœur, il n’arrivait pas à lâcher prise.

- Cette nuit, on va juste dormir. On verra par quoi on commencera demain. Vous ne risquez rien ici…

Malken appliqua une caresse douce sur la tête de chaque soumis avant d’éteindre les lumières. Là, couché entre eux deux, il continua de les caresser paresseusement sans que ses doigts ne s’égarent trop loin. Au bout d’un court instant, le souffle de Syna se fit plus profond. Le pauvre était véritablement épuisé. Lune de son côté avait beaucoup plus de se laisser aller. Il aurait peut-être eu besoin de parler mais Malken pensait que les actes avaient plus de poids que les mots. Alors il comptait bien lui montrer ce qu’il en était.

De son côté le Dominant n’était pas réellement fatigué. Il avait juste besoin que les soumis se reposent. Le choc qu’il avait ressenti en découvrant Syna avait été terrible. K.14. Une zone destinée aux jeunes mâles purement soumis et en perdition. Un endroit pour les rebus, pour ceux dont personne ne voulait. Un endroit parfait donc car ils étaient censés être assez désespérés pour accepter tout et n’importe quoi. Assez désespérés pour s’offrir entièrement. Lorsqu’il avait rencontré Lune, il s’était dit que la description était tout de même un peu abusive mais à présent il devinait qu’il n’aurait pas dû être là. Lune n’était pas assez endommagé, pas assez terrorisé, pas assez blessé. Il avait simplement dû suivre son âme-sœur car Syna lui, derrière son sourire doux et son attitude tranquille n’était que résignation.

Malken ne s’en rendait même pas compte, mais un fort besoin de les protéger tous les deux était né dans sa poitrine et il ne ferait que grandir.

6 – Quand le possible disparaît reste l’impossible

Au petit matin, le plus joli fauteuil roulant que Syna n’ait jamais vu l’attendait. Il avait d’énormes roues d’un noir profond et des tiges rouges qui brillaient à la lumière. Son assise semblait extrêmement confortable et il y avait deux petits cales pieds. Le fauteuil ne paraissait pas être déjà tombé, avoir reçu des coups de pieds ou toute ces choses qui arrivent dans les zones reculées où l’on mendie une fessée. Malken le vérifia tranquillement d’un œil froid comme s’il n’était pas pleinement satisfait, mais il permit à Syna d’enfiler un caleçon, un peignoir et de s’y installer. Le soumis n’osait même pas poser ses doigts sur les roues pour le manœuvrer. A la place, il caressait lentement l’ossature métallique.

Il sursauta quand Olinia apparut à l’angle du couloir. Pourtant, elle se contenta de lui sourire chaleureusement.

- Je vois que vous avez pris possession de votre carrosse…

Il blêmit légèrement, s’attendant visiblement à être sévèrement réprimandé, mais la main lourde de Malken se posa sur son épaule et le rassura. Cela faisait très longtemps qu’il n’avait plus goûté à cette sécurité étrange qu’était le fait d’avoir un Dominant à ses côtés.

- Est-ce que tu as trouvé la suite ?
- Oui, mais ça n’a pas été évident. Ils soignent assez rarement les soumis si j’ai bien compris.
- Ah ouais ? grogna Malken, mécontent.

Pour Lune et Syna pourtant, il n’y avait rien d’étrange à cela. Un soumis précieux pour son partenaire n’était jamais blessé. Son Dominant aurait pu se battre à mort pour le protéger ! Et quand il n’y avait personne pour prendre ce rôle, alors on considérait simplement que le soumis n’en valait pas la peine…

Syna ne savait donc pas trop à quoi s’attendre. Il fut poussé à travers les couloirs jusqu’à une grande salle où du matériel avait visiblement été installé en toute hâte. Un mâle à la carrure épaisse se tenait au milieu, l’air ennuyé d’avance. Le regard qu’il jeta à Syna le fit se tasser un peu plus sur lui-même.

- Monsieur Haïn ?
- Oui.
- J’avais cru comprendre que vous étiez blessé ?
- Non. C’est pour mon soumis.

Le mâle finit de se refermer.

- Je ne connais pas tous les soumis de la ville loin de là… Mais je connais celui-là, finit par dire le médecin tout en montrant Lune du doigt. Il a déjà fait appel à la quasi-totalité des médecins de la ville dans le but de soigner son ami.
- Et pourtant Syna n’a pas été soigné, n’est-ce pas ?
- Et bien. Non ! Bien-sûr que non.

Le médecin sembla un peu perturbé. Ce type d’examen coûtait cher. Les soins qui pouvaient s’en suivre serait encore plus coûteux. Et ce n’était pas juste une question d’argent, mais également de temps et malheureusement de réputation.

- Ce que je voulais dire c’est que… ce sont...

Un regard noir l’averti de choisir correctement ses mots et le médecin conclut :

- Ce ne sont pas vos soumis affiliés.
- L’affiliation… Laissez-moi me souvenir. Il faut que je reconnaisse directement le soumis, c’est ça ?
- Oui…
- Parfait ! Je les reconnais. Pouvez-vous soigner Syna ?

L’homme pinça ses lèvres. Il aurait eu beaucoup de choses à dire mais Malken était sûr de lui, alors ça ne servirait à rien. A la place, il acquiesça tout en marmonnant :

- Essayer au moins. Installez-le sur la table, s’il-vous-plait.

Syna tremblait comme une feuille. Il avait honte et peur. L’abandon tranquille qu’il ressentait le plus souvent ne s’étendait pas à faire honte au Dominant qui était venu les aider. Le médecin attendit qu’il soit couché sur la table pour s’approcher. Il l’observa tranquillement et d’une voix ferme expliqua :

- Je suis le docteur Guilen. Je vais t’examiner. Il est très important que tu m’obéisses. Je veux que tu sois franc. Si tu mens, je demanderai à ton maître de te punir sévèrement pour ton manque de coopération. Je n’hésiterai pas à lui donner ce qu’il faut pour que tu retiennes la leçon. Est-ce que c’est bien clair ?
- Oui, monsieur.

Malken avait envie d’intervenir à nouveau et de mettre son poing dans la figure de ce médecin, mais il devait reconnaître que tout au long de son petit discours, Syna s’était détendu. Il n’avait pas peur de la punition, tout simplement parce qu’il savait qu’il arriverait à obéir. Visiblement, à ses yeux, ce cadre était rassurant. Les différences culturelles entre eux n’avaient pas fini de le laisser perplexe.

- Je vais retirer ton peignoir.

Le médecin s’exécuta dévoilant le corps encore propre du soumis mais il y avait tellement de tâches sur sa peau qu’il paraissait déjà sale. C’étaient des hématomes, des cicatrices encore rosées et d’autres qui avaient brunies avec le temps. Guilen ne semblait pas surpris de son côté et il parcourut le corps du soumis d’un regard professionnel.

- Je vais retirer ton caleçon également. Est-ce que ça te fait mal quand je soulève tes hanches comme ça ?

Joignant le geste à la parole, il le souleva très légèrement pour faire coulisser le vêtement sur son corps. Syna grimaça et répondit que oui. La douleur était une compagne quotidienne mais ce type de pression la réveillait efficacement. Se montrer nu sous les lumières crues, face à son âme-sœur et ces deux Dominants aurait dû être difficile, mais il avait abandonné toute forme de pudeur depuis bien longtemps.

- Tu vois cette machine là-bas ? Je vais déplacer la table et te glisser dedans. Ca va faire du bruit et tu vas te sentir coincé. Il faudra rester immobile. Est-ce que tu as besoin que je t’attache ?
- Non, monsieur. Je serais sage.
- Bien.

La table fut effectivement poussée sous l’engin à quelques centimètres à peine au-dessus du corps de Syna. C’était impressionnant même du point de vue de Lune qui tremblait légèrement. Il avait peur, peur que ça ne fonctionne pas, peur qu’on ne puisse pas le soigner. Mais lorsque la machine se baissa un peu plus, donnant l’impression qu’elle allait écraser son âme-sœur, il eut également peur que Syna ne parvienne pas à obéir. Paniquer pouvait arriver si vite ! Syna ferma les yeux et attendit. Le médecin marmonnait dans un coin.

Assez vite, l’examen fut terminé. La table fut tirée et Syna put à nouveau respirer un peu plus facilement jusqu’à ce que le médecin ne saisisse sa jambe pour forcer son corps à pivoter sur le côté. C’était inattendu et ça faisait mal. Un hoquet de douleur lui échappa. Les doigts forts du Dominant se posèrent sur son dos, au pire endroit possible, mais il n’appuya pas. Dans le cas contraire, Syna n’aurait sans doute pas pu retenir ses cris. Le contact était trop franc et surtout trop précis. A la place, il soufflait bruyamment en tentant de domestiquer la douleur.

- Venez voir, monsieur Haïn. A cet endroit précis, ce… votre soumis, se corrigea-t-il, a le dos brisé. Actuellement nous n’avons aucune technologie qui pourrait réparer un tel dommage. Pour faire ça, il a fallu…

Le médecin se tut et un léger éclat passa dans son regard.

- C’était un abattage n’est-ce pas ?
- Oui, monsieur, chuchota Syna.

Le médecin recula d’un pas et soupira.

- Alors il n’y a rien à faire.
- Qu’est-ce que ça change ? demanda Malken un peu surpris de l’air totalement fermé du médecin.
- L’abattage est une cérémonie dans laquelle on utilise de la douleur pour faire briller un soumis qui n’y arrive pas du tout. C’est un cas rare mais ça arrive. Ce soumis… il n’a pas brillé depuis très longtemps. Regardez.

Il désigna certaines tâches sur son corps, des traces de carences graves.

- Lorsque le soumis n’y arrive pas du tout, il peut tenter la cérémonie. Dans la majorité des cas, c’est un succès. Quant à lui… et bien, voilà ce qu’il se passe lorsque ça ne fonctionne pas.
- Ok, donc il s’est fait massacrer et il n’a pas émis de lumière pour autant ce qui n’est pas vraiment une surprise à mes yeux, vous m’excuserez. Mais qu’est-ce que ça change ?

Le médecin eut l’air un peu surpris, comme s’il devait expliquer des évidences.

- Cela montre que son corps était déjà cassé. Il n’a jamais brillé de toute sa vie. Les carences vont s’accroitre jusqu’à ce que cela le tue. Lune est fonctionnel. Pas très doué, certes, mais fonctionnel. Celui-là ne l’est pas.
- Ce n’est pas la question. Ce que je vous demande c’est de le soigner.
- Malheureusement si, c’est la question… Nous n’avons pas la technologie pour soigner une telle blessure. Mais nos soumis guérissent. S’il pouvait briller, régulièrement et de manière très convaincante et sans ponction bien-entendu ! S’il pouvait le faire alors… Je ne promets pas une guérison complète, mais il y aurait des progrès.
- Il suffit que je le fasse briller ?
- Et bien… oui. Mais vous n’y arriverez pas. Vous pourrez le briser en mille morceaux, lui décoller la peau des os et lui offrir les pires douleurs, il ne brillera pas. Ça arrive parfois. Dans ces cas-là… si vous voulez vraiment de sa charge, nous pouvons parler des autres solutions.

Lune émit un sanglot et les larmes ravinèrent sur ses joues sans qu’il n’y puisse rien. Sur la table, immobile et silencieux, Syna n’avait pas l’air de vraiment réagir.

- Ecoutez… ce n’est pas de gaîté de cœur que je vous en parle. Mais son état ne va faire qu’empirer. Les carences seront de plus en plus grandes. Il va continuer de s’affaiblir. Ca ne sera pas joli à voir… et sans doute encore pire à vivre. Nous pouvons faire ça de manière éthique et indolore. Il s’endormirait simplement.

Lune lâcha un autre sanglot. Une partie de lui avait toujours espéré réussir à faire soigner son âme-sœur. Qu’il soit conduit à un médecin était inespéré. Et en même temps, il avait toujours craint ces mots…

- Vous me proposez de le tuer, c’est ça ?
- On parle plutôt d’euthanasie, mais oui. Si ça n’avait pas été un abattage, il aurait pu avoir encore une chance mais visiblement tout à déjà été tenté. Il souffre pour rien, sans rien en obtenir.
- Ok. Vous pouvez remballer vos outils. Merci d’être venu. Syna, vient là, chéri.

Malken tira le corps froid de son soumis contre lui. Il se sentait bouillonnant de furie. Tuer Syna ? C’était hors de question ! Il avait bien lu la documentation et il savait qu’il existait une autre solution, voire même deux, une solution que le médecin n’était visiblement pas capable d’envisager. Si Malken parvenait à faire une Illumination Complète, il aurait accès au tréfond de la médecin de leur espèce. Ce n’était pas juste les connaissances communes, c’était des Savoirs rares, réservés à des élites. Il pourrait bien y avoir de quoi sauver le petit soumis là-dedans. Sinon, de manière beaucoup plus simple et évidente, il pourrait lui faire injecter directement les substances produites lorsqu’ils se mettaient à briller. Ça valait une fortune, une fortune que Malken ne possédait pas. C’était sans doute le traitement le plus coûteux des planètes environnantes, mais c’était possible.

- Tout va bien, tout va bien… Viens…

Lune se précipita sur eux et se blottit contre son âme-sœur, absolument bouleversé. Il n’avait pas son mot à dire, le médecin écouterait Malken mais peut-être pouvait-il le supplier ? Peut-être pouvait-il négocier ? Négocier pour avoir un peu plus de temps au moins ? Lune ne savait pas quoi offrir de plus. Les larmes ne s’arrêtaient plus de couler, débordant de ses yeux dans un flot continu.

- Tout va bien… Ca va aller… Calme-toi Lune. Ca va aller…

Derrière eux, le médecin soupira.

- Je sais que cela peut sembler cruel, mais ce serait un acte de compassion. Même pour Lune…

Lune pleura un peu plus fort. Ce serait pour son bien ? Comment pourrait-il opposer un quelconque argument si Malken acceptait de croire que ce serait pour son bien ? Mais Malken lâcha un :

- Ca suffit. Je l’ai dit. Ce sont mes soumis. Mes soumis, mes choix. En tuer un ne fait pas parti des choses que j’ai prévu de faire et je ne reviendrai pas là-dessus.

Le médecin fit un geste de reddition, il avait fait ce qu’il convenait, il en était certain. Toutefois et bien… ces soumis ne valaient pas la peine qu’il s’oppose aux décisions de Malken. S’il voulait s’en occuper, grand bien lui fasse.

Syna fut déposé très doucement dans son fauteuil, il baissa la tête, honteux qu’on ait pris du temps pour lui, pour lui apporter ce confort alors qu’il ne valait plus rien du tout. Les vêtements qu’il portait furent poser sur ses genoux trop maigres. Malken saisit les poignées et juste avant de partir, il demanda :

- Combien de temps il a avant que les effets secondaires s’amplifient ?
- Quelques semaines… peut-être moins. Ça risque d’aller vite. Vous pourrez toujours me recontacter à ce moment-là…

Malken soupira, et s’éloigna, le conduisant tranquillement à travers les couloirs pour regagner leur chambre. Dans son esprit, les plans bouillonnaient.

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