Trahison

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Et puis un jour, j’ai été convoqué chez le directeur, le grand patron de l’usine, avec quelques autres collègues. Une convocation sans motif. En attendant le directeur dans la salle de réunion, nous nous regardions tous, nous demandant ce qui allait nous arriver. C’est alors que le patron est entré, avec un visage réjoui :

  • - Bonjour messieurs, content que vous ayez tous répondu à cette convocation. C’est un peu inhabituel de convoquer quelques cadres comme ça, sans motif clair, mais ne vous inquiétez, pas, j’ai une excellente proposition à vous faire.

Et il nous raconta que nous étions les valeurs sûres de cette entreprise, que sans nous cette usine ne fonctionnerait pas aussi bien. Il nous a expliqué que les propriétaires chinois avaient besoin de nous pour les aider à monter des usines en Chine. Nous partirions là-bas durant un trimestre, tous frais payés, logés dans un hôtel 4 étoiles et une belle prime nous attendrait à notre retour. Nous ne devions pas trop en parler, cette mission risquant de faire des jaloux parmi nos collègues. Nous avions une semaine pour nous décider. De retour au labo, je restais silencieux mais mon chef me convoqua dans son bureau. J’étais gêné, ne sachant pas s’il était au courant ou pas de cette offre que l’on venait de me proposer. Il me mit vite à l’aise en m’apprenant que c’est lui qui m’avait désigné auprès de la direction. Il se sentait trop vieux pour partir loin de chez lui. Si j’avais su…

Nous sommes donc partis à douze, en Chine, dans un gigantesque conglomérat d’usines proche de la ville de Shenyang, dans la province de Liaoning dans le nord ouest du pays. Nos correspondants chinois savaient très bien ce qu’ils voulaient apprendre de nous, ils nous posaient des questions très précises et le soir, en en parlant entre Français, on s’étonnait de la presque parfaite connaissance que ces Chinois avaient de nos procédés. Il ne leur restait que quelques blancs à combler. Trois mois seraient largement excessifs pour cela. Malgré cela nous continuions de leur transmettre scrupuleusement le moindre de nos secrets de fabrications, les astuces liées aux années de production cumulées, tout notre savoir faire.

Effectivement, au bout de deux mois, le responsable chinois local de l’usine nous fit savoir que notre travail était terminé et qu’il nous remerciait particulièrement de notre coopération. Il nous annonça que nous partions pour Hong-Kong pour nous détendre. Nous avons passé une semaine idyllique là-bas dans un palace 5 étoiles avec piscine intérieure. Un séjour dont aucun de nous douze n’a parlé à sa femme ou sa compagne lors de notre retour. Notre hôte chinois avait bien fait les choses, nous avions chacun une chambre « avec oreiller » comme ils disent là-bas, une fille qui était là pour satisfaire le moindre de nos désirs. Quand on se retrouvait tous le soir pour dîner, en compagnie de nos compagnes chinoises, on était un peu gênés au début, mais par la suite, tout s’est fait le plus naturellement possible. Etant tous complices, on serait tous solidaires.

Le retour en France a été difficile. Nous avions tous les douze des têtes de déterrés à notre arrivée à Saint-Exupéry. Notre directeur en personne était venu nous accueillir à l’arrivée de l’avion et il nous a accompagnés dans le bus qui nous ramenait devant l’usine.

  • - Messieurs, je vous remercie du fond du cœur de votre investissement pour notre entreprise. J’espère que la fin de votre séjour a été agréable, nous fit-il avec un sourire entendu et complice.

Mince, il était au courant ! Tout cela n’était en fait qu’un coup monté… Nous n’avions été que des jouets. Nous devions en avoir la confirmation avec trois mois plus tard, l’annonce de la fermeture de l’usine et le déménagement de l’ensemble de la fabrication en Chine. Cette annonce a été comme un tremblement de terre dans la région. Cette usine et les services qui lui étaient liés faisaient vivre une dizaine de communes. Au niveau local cette fermeture a été un drame. Mais les médias nationaux n’en ont pas parlé, à l’époque on était en pleine dissolution de l’Assemblée Nationale par Chirac et la nouvelle est passée complètement inaperçue.

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