9 - Bruno - Jeudi Soir

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Quelle journée !

Nancy et moi avons débattu assez longuement de tout ce que nous avons trouvé… Je dis nous, car je l’associe vraiment à ma mission. Je dois avertir la Company de la situation de Chloé : de toutes ses interrogations. Ils ont du recul et selon mon avis, bien plus de renseignements que je n’en ai reçus. Ils pourront mieux analyser la situation.

Il n’empêche qu’avec les dossiers compromettants trouvés chez le détective et maintenant les informations venant de Chloé, la situation se dessine vraiment autrement… En version simplifiée, je dirais : plus complexe… Nous dressons un plan d’action : il nous faut aller à la pêche aux informations concernant la Sûreté. Chacun de son côté. Nous allons travailler de conserve.

Tout en discutant, nous prenons d’assaut les provisions apportées et la jeune fille m’a étonné plusieurs fois. Quelle fourchette ! Quel minois aussi…

Je me fais surprendre plusieurs fois à la regarder et elle s’est même exclamée :

— Quoi, qu’est-ce qu’il y a ? J’ai de la sauce sur le nez ?

Elle est vive, drôle… J’ai l’impression que tout son corps vibre lorsqu’elle parle. Et que le mien lui répond.

Elle repart peu après car elle doit se préparer pour sa garde de nuit ; la dernière de la semaine.

— C’est même une supplémentaire, me dit-elle.

Après son départ, je commence à avoir froid. Il y a un tel vide dans ce studio…

Que je comble en faisant un peu de sport. Oui, c’est en chambre mais pas comme certains le pensent. Bien qu’avec ma Schtroumpfette, je ne dirais pas non… Je dois me sortir cette idée de la tête ! Reste concentré. Et non pas trop centré, car c’est assez con…

Il me faut m’occuper de la Sûreté… Je pense qu’hier, j’avais au moins deux équipes sur le dos et je ne peux pas me dupliquer… Mais s’ils surveillent Chloé la journée, peut-être que je pourrais trouver leur nid moins habité… Allons voir !

…..

La fin de la journée tombe vite en cette saison ; l’obscurité s’installe. Je profite que l’éclairage urbain ne soit pas encore allumé pour progresser plus discrètement dans la rue de la jeune femme. Je vais finir par devenir un habitué de ce quartier !

Le Nid des Frelons ne peut pas être trop loin de l’immeuble de l'Irlandaise. Même si sa nationalité est française, je trouve que l'Irlande illustre mieux la couleur de ses cheveux et est plus romantique à mes yeux.

La meilleure position serait en face de leur cible, c’est-à-dire la maison de Chloé. Et comme ils ont les moyens d’obtenir facilement le déménagement de « locataires lambdas », j’observe en priorité cette façade. La chance me sourit enfin car tous les appartements sont illuminés de l’intérieur sauf le second étage. A force de jouer la discrétion, celle-ci se retournerait-elle contre eux ?

Une voiture est en approche. Je m’enfonce, encore plus, dans une porte cochère tout en faisant mine de m’occuper de sortir les poubelles. Le véhicule ne s’arrête que quelques instants ; le temps de déposer Chloé. Il redémarre vivement, suivi par les « Frelons » de service. Heureusement qu’ils étaient focalisés sur le véhicule et non sur l’environnement, je me serais fait piquer !

Par habitude, je note la plaque du service-taxi de ma cible. Je vais la transmettre à Nancy. Elle devrait pouvoir en tirer quelque chose.

Retour casa et dodo.

J’ai des nouvelles de la Company : stand-by. Attendre encore… Cela ne me convient pas…

Morphée semble tarder à me rejoindre, car la place dans mes pensées est déjà prise… Mais je finis parle convaincre de rester près de moi, de me bercer.

…..

Réveil un peu difficile. La situation n’est pas comme j’aime… Il y a des imprévus, la Company me freine dans mes actions et, je dois l’avouer, Nancy est troublante. Elle a visité mes rêves de nombreuses fois. Bref, le rituel du matin va me sortir de mes pensées : sport, douche et déjeuner !

Vers 08h00, j’entends la porte s’ouvrir et le sourire de ma nymphette apparaît. Car c’est une vraie fille qui rentre et illumine le studio. Souliers qui mettent ses jambes – mais oui, elles sont découvertes – en valeur, manteau de saison et sourire mutin. Un soupçon de maquillage dévoile les efforts qu’elle a faits avant de venir.

— Avant toute chose, j’ai une question, dit-elle d’emblée en arrivant. Y a-t-il une petite amie ou petit ami qui t’attend quelque part ?

— Pas de ce monde, est ma réponse.

Nancy se trouble, fait virevolter son manteau en tournant sur elle-même et tout en prenant son temps le retire.
— Alors, on peut passer à table.

Elle s’assied au coin-déjeuner et me demande si j’ai préparé du café. En toute simplicité. Manger à nouveau me semble naturel. Je vais pouvoir rester près d’elle…

Le petit-déjeuner est des plus agréables. Mes sens sont comblés.

Mes oreilles sont bercées par le son de sa voix. Elle varie son ton rendant toutes ses phrases plus subtiles voire chantantes.

Un régal pour les papilles. Le café est excellent et les croissants apportés croustillent sous nos dents…

Elle s’est parfumée légèrement. Son odeur passe délicatement au-dessus de l’arôme du café et me fait respirer encore plus profondément, dans l’attente de capturer cette senteur enivrante.

Le velouté de sa main dans la mienne. Sans m’en rendre vraiment compte, je lui ai pris la main et le grain de sa peau m’a incité à la caresser. De la soie ?

Quant au plaisir de mon regard dans lequel elle semble se baigner. J’en ai vraiment plein les yeux.

Je suis troublé.

Chaque détail du tableau qu’elle m’offre est noté. Ses lèvres me semblent plus gonflées, gourmandes. Ses dents mignonnes et blanches qui ne sont que visions fugitives lorsqu’elle rit. Ses yeux dont la couleur de l’iris semble pâlir et la pupille se dilater…

— Cela fait cinq minutes que je te récite le théorème de Pythagore mais que tu prêtes plus d’attention à d’autres choses que mon ramage.

— Désolé, si je suis plus attiré par tes rondeurs que par tes angles ; fussent-ils aigus ou obtus.
— Et l’angle droit est chez toi sans doute ?

— À toi de voir.

— Je veux voir !

— Voir, c’est prendre.

— Prendre, c’est donner.

— Reprendre, c’est voler.

— Et on revient à mon plumage qui t’intéresse tant, finit-elle

C’est tout sourire, l’un et l’autre, que nous finissons cette passe de mots. Un silence s’installe doucement…

Je me replonge dans mes souvenirs de Kate. Ces joutes verbales étaient fréquentes entre nous et le lit était notre zone d’arbitrage ; parfois, le canapé du salon, également… Mon regard se voile.

— Je ne veux pas troubler ta séquence émotion, mais il nous faut répondre à la question.

— Question ? Quelle question ?

— Qui va violer l’autre en premier ?

De stupéfaction, je manque de recracher le café que je tendais d’avaler.

— Si c’est tout l’effet que je te fais…, m’achève-t-elle avec un sourire ironique.

Elle reprend la parole.

— Pendant que tu réfléchis à l’action à prendre, ou pas, moi j’ai des informations pour toi.

Tout d’abord, tu n’es officiellement plus recherché. L’avis déposé par la Sûreté a été retiré. Je n’en sais pas plus. Et si j’avais commencé à gratter, cela aurait été suspect. La plaque d’immatriculation que tu m’as donnée appartient à un certain Raymond Chapon. Il a déjà eu une embrouille avec nous. Aussi je peux te dire qu’il est (ou était) délégué syndical chez Vancelor et qu’il habite pas très loin de notre Chloé Dubrovski. Une première lecture dirait qu’il a fait du covoiturage ou qu’il s’agit d’un rapprochement d’affaires. Note supplémentaire : il a au moins une fille, Thérésa, impliquée dans une histoire de fumette à l’école. Voilà tout mon rapport.

— De mon côté, la Company veut un stand-by.

— Il ne reste donc plus que les nôtres à réaliser.
— Les nôtres ?

— Ben oui, nous allons avoir des rapports, dit-elle en se levant de table.

Elle fait passer son léger pull par-dessus la tête. Voir cette jeune fille, torse nu, vêtue uniquement d’escarpins hauts et d’une jupe portefeuille est d’un érotisme frappant. Sa respiration rapide donne une vie à sa poitrine aux tétins si tendus.

— Que les choses soient claires, cow-boy, tu as le blues et moi j’ai des envies. D’habitude, les autres prennent sans que je puisse préférer. Aujourd’hui, j’ai envie de prendre, de choisir et de donner. Mais ne te fais pas d’illusion, je n’ai aucun sentiment pour toi. C’est ma nature qui est ainsi, dit-elle.

Je dois donner la même image que le Loup de Tex Avery.

Il est vrai qu’ainsi demi-dévoilée et avec une telle posture, pourtant naturelle, mon corps s’enflamme. Et ses mots percent difficilement leur chemin dans mon esprit. Le temps n’est plus à la réflexion. Elle doit pouvoir lire mes difficultés puisqu’elle reprend :

— Tu comprends, j’ai des envies et des besoins. Je souhaite être un pansement pour toi, continue-t-elle en me tendant la main. Mais ne te fais pas d’illusion et ne t’accroche pas à moi ! En clair, P’tit Père, donne-moi du plaisir, pas de l’amour.

Je saisis le bout de ses doigts en me levant, légèrement sonné par ces déclarations.

— T’es le prix de ma liberté et ne me prive pas de cela. Pour toi, je peux choisir. De ton côté, viens t’oublier dans mes bras. Je te promets de te libérer après. Pas d’attaches ! Termine-t-elle en défaisant les boutons de ma chemise. Alors, en selle !

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