10. Réflexion... acceptation
Je me réveille angoissée, les yeux pleins de larmes, et mon dos me brûle encore, le souffle haletant, je sens que je suis en train littéralement de cuire contre le radiateur qui chauffe à bloc.
Je me décolle du radiateur et remets correctement mon peignoir, sûr que le métal contre ma peau ça ne fait pas bon ménage.
Je me sens mal, mal dans ma tête et dans mon corps. Je comprends ce qu’il m’arrive, je n’assume pas mes faits et gestes. Ou peut être suis-je en train de, de les digérer. Je ne sais plus trop.
Je souffle, il n’y a pas la même lumière qui filtre des volets, le jour doit être en train de tomber... je suis complètement azimutée.
Je m’assieds au bord du lit, la tête dans les mains…
j’essuie mes larmes avec la manche du peignoir... en essayant de rassembler mes idées, mais j’ai du mal, j’ai chopé la mort, et en plus j’ai un gros coup de blues qui vient de me tomber dessus.
J’allume ma chaîne hi-fi, et mets un peu de musique en toile de fond. Je sais ce qu’il me faut, un bon remontant. Je me dirige vers le petit coffre à bouteilles du salon et en sors la bouteille d’eau de vie que Christophe a récupéré auprès d’un de ses potes savoyard… Je me sers un petit verre à liqueur, je trempe les lèvres, ça me chauffe direct, je n’arriverai pas à tout boire, alors comme ils disent : hop cul-sec...
Le feu descend dans ma gorge et mon estomac… je tousse, je pleure mais pas de tristesse… la chaleur me remonte au front en passant par les oreilles.
Je me pose sur le canapé, avec un pied sur la table basse. Je me rend vite compte de l’indécence de ma position : mon pied nu posé sur la petite table, avec un peignoir mal fermé, qui laisse voir dans un intervalle de plus d’une dizaine de centimètres, ma surface corporelle, de mon intimité à ma gorge en passant par le nombril et les rondeurs de mes seins.
Indécente oui, mais, malade, je m’en fous, je suis chez moi de toute façon.
Mes idées bizarres reviennent à moi et j’ai du mal à les chasser, j’aimerais dormir encore un peu en attendant que Christophe rentre et puisse venir me chouchouter.
Oui j’aimerais me laisser aller au sommeil, sans crainte de ces rêves maudits qui semblent me poursuivre cet après-midi. Un sommeil sans rêve.
J’allume alors la télévision, machinalement, je fais le tour du PAF en zappant rapidement, je ne trouve rien d’intéressant pour m’abrutir. J’éteins, et me lève en soupirant, et je marche comme une âme en peine, le peignoir grand ouvert en direction de la chambre, où la radio est encore allumée.
Je tire la couette, l’ouvre bien, je retire le peignoir et m’allonge dans le plus simple appareil et retire la couette sur moi.
Je réfléchis à mon été, puisqu’il vient s’imposer à moi autant analyser et défaire les nœuds.
Avec mon homme, on avait essayé de mettre des mots sur ces nouveaux horizons qui s’ouvraient à nous.. du moins auxquels nous avions ouvert une porte. A l’époque, l’échangisme était en passe de faire son boom, pour devenir la figure de proue de ce qu’on appelle libertinage maintenant. Nous nous pensions que nous tendions plutôt vers l’exhibitionnisme mais au fil de nous discussions, la présence des mateurs devenaient très doucement, plus actives, on ne se le disait pas, mais je sais que l’une et l’autre nous savions que nous allions vers plus.
Moi, je découvrais vraiment le plaisir de plaire, à mon homme certes, mais également à plaire à plusieurs, en même temps, susciter le désir pour moi, ça me rendait forte, je me sentais enfin belle. Cependant, le fait de vouloir susciter le désir à plusieurs personnes au même moment, était quelque chose que j’avais vraiment du mal à assumer.
Christophe, avait beau me dire, sa fierté de me voir plaire, j’avais du mal à m’accepter en tant que telle.
Mais dans ces moments là, j’avais ce mélange de sentiments, ce cocktail impitoyable d’être la plus belle et d’être une grosse salope. Je suis vulgaire, je me rends bien compte, mais c’était le terme exact que j’avais en tête, dans ce mélange de sentiments, cette sorte de schizophrénie.
Ce petit moment de réflexion, me fit peser toutes mes craintes et toutes mes envies que je rencontrais sur ce chemin là.
Christophe a raison, je ne suis pas une pute. Au mois d’août, cela m’a peut-être permis de réaliser cette envie soudaine de voir ce que cela faisait de recevoir de l’argent pour son corps, sans pour autant aller plus loin que d’une exhibition un peu rapprochée, même si au fond de moi, j’aurais bien touché la bête et qu’au fond de lui, Alain aurait vraiment aimé me toucher et certainement participer beaucoup plus.
Mais il avait, malgré tout été respectueux, et n’avait jamais dépassé les bornes fixées par cette sorte de contrat moral passé entre nous.
Je n’avais été forcée en rien, c’est vrai que l’alcool a bien aidé les choses, mais pas au point de faire n’importe quoi.
Christophe m’avait accompagnée, tenu la main, et un peu plus, dans ce délire. Je savais qu’au moindre problème, la moindre réticence, il m’aurait prise par la main pour me sortir de là, sans jugement aucun. Et en plus, pour alléger le tout, il avait ce don si particulier de pouvoir dédramatiser les choses.
Ainsi, petit à petit, dans ma tête, les choses se dénouaient vraiment, et je sentais la honte clairement disparaître à l’idée de ce que j’avais fait ce soir d’août, dans ce parking lyonnais.
Pour ce qui concerne les aventures du camping, je croyais vraiment à l’innocence de mes gestes, le désir fait partie de la vie, mais le rêve fait ce jour, me rappela, que la limite est très mince entre le désir dans l’œil de l’homme et son passage à l’acte, et aussi courageuse que je puisse être, je n’en mènerais pas large, seule face à un homme déterminé.
Dans ce lit, complètement grippée, je ne pensais pas, alors, que j’avais peut-être ouvert une autre boîte de Pandore.
C’est ainsi, que sans m’en rendre compte, je partis de nouveau dans les bras de Morphée.
Je ne sais combien de temps après, je suis réveillée par une caresse sur le visage. J’entrouvre les yeux, c’est Christophe qui, je pense vient de rentrer de cours.
- Bébé, réveille-toi.
je ne peux lui répondre que par un râle ou un gémissement.
- Oh la la tu as une mine affreuse...-il passe une main sur mon front- tu as encore de la fièvre tu es brûlante.
Moi émergeant :
- Oui je sais, il est est quelle heure ?
- Il est 7h00, je ne vais pas tarder à partir en cours, je n’ai pas osé te réveiller en rentrant, tu avais l’air de bien dormir, tu veux quelque chose de chaud avant que je parte ?
- Oui un café s’il te plaît.
Je me redresse pour m’asseoir sur le lit, je tire la couette sur moi pour couvrir ma poitrine nue. Je suis encore KO, mais la tête ne tourne pas, j’ai juste l’impression d’avoir le cerveau emballé dans du coton.
- Tiens, je pense que ça va te faire du bien » dit-il en me tendant une tasse.
- Merci.
La chaleur de la tasse entre mes mains me fait du bien, je souffle doucement sur le café, silencieuse, puis une angoisse me vient, et de but en blanc :
- Tu m’aimes ?
Regard interrogateur de mon homme : - Comment ça ? Bien sûr que je t’aime.
- Je voulais savoir, l’image que tu as du moi, depuis cet été n’a pas changé ?
- Ben non, ne t’inquiète pas. Je ne comprends pas pourquoi tu me demandes cela ?
- Rien, je voulais savoir, j’ai un peu pensé hier à tout ce qu’on a vécu, voilà..
Je voulais qu’il me rassure, comme pour mettre un point final à mes interrogations me concernant, pour finir d’effacer la honte de mes actes.
Je n’osais pas lui raconter ma journée de la veille, je préférais lui laisse croire que j’avais dormi comme une larve devant la télé ou que j’avais simplement réfléchi à la situation.
Les images de ces songes me revenaient pourtant par à-coups, par flash.
Je ne sais pas si c’était la température causée par la maladie, ou ces images, mais je me sentais fiévreuse de toutes ces remontées, qui étaient encore gravées dans mon esprit.
C’était encore tellement prégnant.
- Rassures toi, bébé, je t’aime, il n’y aucun mal à tout ça, tu sais j’ai lu quelque part : En amour tout est autorisé mais rien n’est obligatoire. Alors quand ça se passe entre adultes consentants, ça va, non ?
- Oui, oui tu as raison.
Il me déposa un baiser tendre sur le bout des lèvres, me caressa la joue puis :
- Bon ben, je vais finir par arriver en retard.. tu as besoin de quelque chose, je te ramène un truc ?
- Non, c’est bon, t’inquiètes, je vais encore me reposer.
- Sûre ? Tu veux que je reste avec toi, s’il faut j’appelle et..
- Oui oui sûre, je vais me reposer, je suis encore bien fracassée, là, je pense que je vais encore dormir pendant toute la journée .
Ainsi, je me retrouvais seule, dans cet appartement.
Je suis restée encore un peu au lit, à errer entre sommeil et éveil tout cela au son de la radio qui me berçait doucement.
En milieu de matinée, je me lève pour aller faire ma toilette, je me rends compte que la fièvre commence à retomber, car je suis moins dans le gaz que la veille. Mon pas est plus assuré. Ce n’est que dans le couloir face au miroir que je percute que je n’ai même pas pris la peine d’enfiler le moindre vêtement. Je prends le temps de me regarder plus en détail.
J’ai toujours mauvaise mine, mais je n’ai plus l’air d’un mort-vivant, je vois aussi que la diète a déjà bien entamé mon petit bidou, déjà qu’il n’était pas très imposant.
J’imagine que mon homme rentre dans l’appartement, pour venir chercher qu’il a oublié avant de partir en cours. Oui je l’imagine bien, venir me prendre dans ses bras, là, devant ce miroir.
Je me prends même à réellement pencher la tête de côté pour recevoir ce bisou dans le cou imaginaire. Je le vois, lui avec un bras par dessus mon épaule pour venir déposer délicatement, la main sur mon sein opposé, l’autre me prenant par la taille.
Je nous imagine bien, dodelinant des hanches dans ce petit câlin, déhanché qui devient plus coquin car je glisse délicatement mes fesses contre son bas ventre, histoire de sentir une réaction de sa part.
Je nous vois sourire, complices de ce tendre moment qui, fort agréable pourtant, est en train de déraper vers autre chose de plus sensuel.
Je me ressaisis car je percute que je suis quand même à poil dans mon couloir en train de balancer des fesses en passant mes mains sur mon corps !
Je fais demi-tour pour récupérer mon peignoir dans la chambre.
Je prends le parti de me faire une douche fraîche, effectivement ça me fait du bien, je me sens revigorée et rafraîchie.
Je retourne dans la chambre, pour l’aérer, et récupérer mon kimono, que je vais pouvoir mettre le temps de faire correctement sécher mon peignoir.
Je constate que la chambre est en bazar complet, je ne m’en suis pas du tout occupé, Christophe non plus, il n’a pas voulu me déranger.
Je ramasse les fringues au sol, j’aère bien le lit, et finis tout le petit rangement.
Je me rends compte que je suis encore faiblarde, car le peu que j’ai fait m’a vraiment pomper de l’énergie et je dois non seulement faire des pauses, mais également, il faut absolument m’asseoir une fois que tout est fini.
C’est pas vrai ! j’ai vraiment présumé de mes forces.
Je suis assise, appuyée contre mon oreiller, dos au mur. J’ai ramené les genoux contre ma poitrine, serrés de mes deux bras. Je me mets dans une sorte de position fœtale, le front contre les genoux.
Je souffle doucement, histoire de récupérer.
Je me lève ensuite, il faut que je mange un peu. Dans le frigo je me prends deux yaourts aux fruits. Je vais m’accouder à la rambarde de la porte fenêtre de la cuisine, qui donne sur l’espèce de parking situé entre les bâtiments. Je commence donc à manger mes deux yaourts la tête dans les nuages.
Je me mets à entendre des gémissements étouffés.
Non ce n’est pas vrai, pourtant je ne pense plus avoir de fièvre et voilà que je me remets à avoir des délires, il va falloir retourner chez le médecin, symptôme grippal, mon œil, je dois avoir quelque chose de neurologique, c’est pas possible.
Les gémissements se font un peu plus forts, j’essaie pourtant de me ressaisir, de contrôler mon esprit, mais rien n’y fait, tout semble pourtant si réel. La rambarde, moi, mon kimono, mes yaourts, le parking, le vis à vis… le vis à vis, mon regard est attiré par une fenêtre en face, vue plongeante de 2 étages environ, oui, là !
Je ne rêve pas, cette fenêtre, qui donne sur un appartement occupé par un couple 30-35 ans. Oui ! Cette fenêtre entrouverte qui donne sur leur chamb… sur ce couple en train de faire l’amour !! Là devant moi à une vingtaine de mètres.
Elle est allongée sur le dos, il est au dessus, en appui sur les mains. Cette jolie blonde, parce qu’elle est jolie tient de ses mains la tête de lit. Elle a les jambes pliées et je vois sa poitrine bouger doucement sous les va et vient de son homme.
Lui est bel homme, je vois ses muscles sous tensions dans ses mouvements, et je devine à peine son fessier entre les jambes de sa belle.
Je découvre le plaisir qu’il y a à regarder un couple faire l’amour, un film érotique en vrai. Je ne rêve pas c’est authentique.
Soudain, quelque chose de froid me rappelle à moi. Je me penche, la surprise a fait que je me suis laissé tomber du yaourt dans mon décolleté. j’étais restée comme figée, bouche bée la cuillère devant la bouche qui a fini par laisser échapper un peu de son contenu sur ma peau.
Je plonge la cuillère dans le pot que je repose sur la table. Je retourne doucement à la fenêtre. Je ramasse ce qui est tombé avec mon doigt et le porte à ma bouche en regardant ce couple en train de faire l’amour.
Ma chance, le petit brise-vue que l’on a posé sur la rambarde de la porte fenêtre je suis plus discrète.
Je sens l’excitation monter en moi, ma main est attirée par ma peau, elle descend doucement mais sûrement dans l’entrebâillement de mon kimono en satin.
En face, je vois le couple qui s’embrasse, il s’est abaissé et elle le serre dans ses bras. Il se relève, se retire.
Je le regarde plus en détail, effectivement, il a un joli petit cul à croquer, et je vois son, sa.. oh, c’est tellement excitant de voir cette érection prête à replonger dans le vif du sujet.
Je la vois qui se tourne et s’allonge sur le ventre, attrape à nouveau la tête de lit, et de ses pieds essaie de faire revenir son homme en elle.
Il se rapproche, je le vois se glisser entre ses cuisses avec une facilité déconcertante. Elle est tête relevée bouche ouverte, apparemment cette entrée lui fait le plus grand bien.
Elle pose ensuite la tête sur le matelas, tournée vers moi.
Moi. Ma main qui a caressé ce sein gauche, avec tant de délicatesse qu’il en est tout tendu, cette main est déjà sur le chemin de la descente, et mon poignet entraîne, une ouverture plus importante de mon kimono dont la ceinture n’a pas lutté longtemps pour libérer mon nombril et mon bas ventre. Je sens l’air frais de l’extérieur glisser entre mes jambes pour remonter sans le refroidir ver mon petit foyer qui montait rapidement en température.
C’était beau de voir cela, je me caressais doucement devant ce spectacle, au rythme de ce couple.
Je le voyais accélérer et je me calais sur la vitesse de son bassin.
Je commençais à me tordre de plaisir quand je me sentis observée à mon tour, je regardais en fait, elle avait ouvert les yeux et me fixait en souriant dans son plaisir.
Je crois que c’est ce qui m’a donné mon orgasme. Ils m’ont suivie, et elle a du en parler à son homme car il tourna la tête vers moi en souriant.
Gênée, je me reculai dans la panique, le kimono ouvert et refermai la fenêtre en vitesse.
Prise la main dans le sac… drôle d’expression pour expliquer ça… J’éclatai de rire, de cette situation. j’étais définitivement une grande malade mais je crois que je l’assumai vraiment, enfin.
Madame rêve d’apesanteur
des heures, des heures de voltige à plusieurs
…
D’un amour qui la flingue
D’une fusée qui l’épingle
Au ciel
Au ciel
…
Madame rêve
Loin, au ciel
(On est loin) Madame rêve
Au ciel
Madame rêve.
("Madame rêve". A. Bashung)
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