Luc
J'ai chaud. Je me sens bien. Je devine à la texture moelleuse que je suis allongée dans un lit. Serait-ce le mien ? Est-ce possible que je sois à la maison et que tout ceci n'était qu'un mauvais rêve ? J'ai peur de découvrir que ce n'est pas le cas, mais je dois en avoir le coeur net. J'ouvre donc lentement les yeux et regarde autour de moi, pour constater que, non seulement je ne suis pas dans ma chambre, mais en plus, un inconnu se tient là, à m'observer !
Je m'assieds précipitemment en rabattant la couverture sur mes épaules, comme si elle pouvait me protéger de cet individu. Ce dernier semble amusé par ma réaction, car il étouffe un petit rire avant de me rassurer :
- Calme-toi. Je ne te veux aucun mal, Jessica.
- Que fais-je ici ? Où suis-je, d'ailleurs et qui êtes-vous ?
- Oula ! Calme-toi. . . Tu sembles perdue et je te comprends, mais tu n'as pas de souci à te faire. Je suis venu t'aider à rejoindre Paris.
- Paris ? demandé-je, étonnée. Pourquoi ?
- Pour te présenter ton père en bonne et dûe et forme.
- Papa ? murmuré-je, incrédule.
- Oui, confirme-t-il avec un chaleureux sourire. Il t'attend avec impatience.
Je ne me laisse pas avoir si facilement : je viens de découvrir que ceux en qui j'avais placé ma totale confiance voulaient ma mort depuis le début. Qui sait si ce n'est pas encore une ruse pour gagner mon amitié et ainsi mieux se débarrasser de moi ? Je fronce les sourcils et exige :
- Je veux une preuve.
- Une preuve ? fait-il avec des yeux ronds.
- Une preuve que je peux vous faire confiance !
Il prend un air sérieux et fixe le plafond en caressant son menton, puis claque des doigts en souriant :
- Ah ! s'exclame-t-il triomphalement. J'ai une information sur toi que personne n'est censé connaître en dehors de tes parents et toi. . .
- Qu'est-ce que c'est ? demandé-je, méfiante.
- Tes yeux ne sont pas verts comme tu le prétends, déclare-t-il en sortant de sa poche un mouchoir qu'il déplie soigneusement. Ils sont rouges, ajoute-t-il en révélant mes lentilles de contact usagées.
Mes yeux s'écarquillent et je bondis en direction du miroir présent dans la chambre. Je découvre avec horreur que deux iris écarlates brillent au mileu de mon reflet et me tourne en direction de l'inconnu en m'indignant :
- Qui vous a permis ? !
- Je me suis permis de t'examiner pour m'assurer que tu n'avais rien de grave et j'ai constaté que tes yeux souffraient du port excessivement prolongé de ces lentilles. Je les ai aussitôt retirées pour éviter une infection. Ceci dit, ne t'en fais pas. Nous camouflerons tes yeux pendant notre voyage pour éviter d'attirer l'attention sur nous, surtout celle des armées saintes. . . En ce moment, ils doivent être en train de surveiller toutes les entrées et sorties de la ville pour t'empêcher de la quitter, poursuit-il en faisant les cent pas. Nous devons trouver un moyen efficace de passer devant eux sans nous faire remarquer. . .
Je baisse la tête en me souvenant de la façon dont ils se sont jetés sur moi sans hésiter. Pourtant, quelques secondes plus tôt, ils me faisaient de chaleureux adieux. Je pensais que. . . Oh ! Ce que j'ai été stupide ! Maman m'avait pourtant prévenue que je ne pouvais faire confiance à personne d'autre qu'elle et papa. . .
Dans ce cas, puis-je réellement faire confiance à cet homme ? J'observe ses courts cheveux blonds et ses yeux du même vert que celui de maman. Il se dit envoyé par papa, mais la seule preuve qu'il m'a fournie est qu'il connaît la véritable couleur de mes yeux. Est-ce vraiment suffisant ?
Je l'interromps dans sa réflexion en lui demandant :
- Qui êtes-vous pour mes parents ?
Il s'immobilise pour me faire face, puis m'adresse un nouveau sourire bienveillant :
- Je les connais mieux que personne. Je fais partie de leur famille, mais ce serait trop compliqué de t'expliquer le lien m'unissant à eux maintenant alors que nous n'avons que peu de temps pour quitter la ville.
- Qui me dit qu'arrivés à Paris, je ne serai pas emmenée à Notre-Dame pour être transpercée par une autre arme légendaire ? rétorqué-je d'une voix tremblante. J'ai besoin d'avoir la certitude que je peux vous faire confiance !
Il pousse un soupir, puis s'agenouille pour se mettre à ma hauteur et pose une main sur mon épaule en déclarant :
- Je comprends ta situation. Tu viens d'être trahie par des gens en qui tu avais placé ta confiance et qui se sont servis de ta naïveté, de ton innocence et de tes sentiments, pour te manipuler à leur guise jusqu'à tenter de t'assassiner. Tu as le droit de pleurer, je ne t'en voudrais pas. Tes yeux rouges sont encore plus étincelants quand ils sont recouverts de larmes, ajoute-t-il avec un sourire taquin. Ça te donne un certain charme, même si j'aimerais mieux te voir forte face aux épreuves. La vie ne laisse pas de place pour les faibles, conclue-t-il avec une expression sérieuse, mais une voix douce.
J'essuie une larme en lui expliquant :
- La couleur de mes yeux est dûe à un rare cas d'albinisme. . .
- Tu n'as pas de besoin de ces excuses bidons avec moi, m'interrompt-il calmement. Je sais tout ce que j'ai besoin de savoir à ton sujet et la couleur de tes yeux m'importe peu. Qu'ils soient rouges, verts ou jaunes. . . Qu'importe ! Ce qui compte sont ta personnalité et tes capacités. Ton apparence n'a aucune valeur.
Jamais on ne m'avait parlé ainsi. Il est le premier en dehors de papa et de maman à m'avoir acceptée telle quelle. Je lui en suis reconnaissante et essuie une nouvelle larme en esquissant un sourire. Le sien s'élargit, illuminant son beau visage.
- Quel est votre nom ?
- Nous sommes dans le même camp, toi et moi, et surtout, nous sommes de la même famille. Tu n'as besoin de me vouvoyer et tu peux m'appeler Luc.
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