Chapitre 6

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Nous sommes restés ainsi une bonne dizaine de minutes, dans un silence absolu, tandis que dans le ciel s’allumaient les étoiles une à une. Je ne voulais pas briser cet instant, magique à mes yeux.

Mais qu’en est-il pour lui ?

Je bous de frustration tout en étant en extase. C’est… horrible. Cette sensation de chaud/froid est stimulante tout en étant déprimante. Mon amour pour lui, malgré le fait que parfois j’ai l’impression de ne pas avoir affaire à la même personne, ne cesse de grandir.

Je suis complètement mordu. C’est un fait. Je l’aime.

Nous nous quittons aux environs de vingt heures.

  • Rey ? me souffle-t-il.

Je le regarde pour vérifier qu’il m’ait bien appelé… Il a les yeux baissés et sa main frotte nerveusement le bas de son short, comme pour y enlever une poussière imaginaire. Je ne peux m’empêcher d'attraper son menton pour relever ses yeux vers moi. Je veux ainsi l’inciter à me parler.

  • Tu… tu pourrais… enfin… tu pourrais revenir demain ? J’aime bien Ma mais… sa tristesse est trop palpable… je… j’ai beaucoup de mal avec elle… et puis…

Sa détresse est à son maximum. Il me faut un énorme self contrôle pour ne pas l’embrasser sur le champ. Je me contente de simplement coller mon front au sien, tout en posant ma main sur le bas de son dos.

  • Bien sûr, mon petit lion…

J’entrevois plus que je ne vois son sourire.

Je rentre au motel. Ma est là, m’attendant patiemment. Dès qu’elle me voit, elle se lève et vient m'accueillir.

  • Alors ? me demande-t-elle pleine d’espoir.

Je sais bien ce qu’elle veut savoir. Je fais doucement non de la tête et elle soupire. Ma est une battante : elle n'abandonnera pas si facilement. Elle fera tout pour que Trist aille mieux. Mais… Est-ce vraiment une bonne chose ? Il était tellement fragile lorsque je l’ai connu, limite brisé par sa vie, son histoire que je viens à peine de découvrir. Alors tout le lui rappeler ?

Je suis partagé. Bien entendu, je souhaite, je rêve qu’il se souvienne de nous, de nos moments à deux mais cela signifie aussi se remémorer nos disputes, ses tentatives de suicide… et bien entendu sa mère et pourquoi il est arrivé chez nous.

  • Rey… Mon grand… Il va bien falloir lui rendre ses souvenirs… qu’ils soient bons ou mauvais.
  • J’ai peur Ma. Peur qu’il ne sombre à nouveau et que je ne puisse rien y faire.
  • Cela n’arrivera pas. Nous serons là pour te soutenir. Pour vous soutenir. Quoiqu’il arrive.

Cette femme est vraiment exceptionnelle. Elle sait trouver les mots justes pour taire toutes les angoisses.

Je lui demande comment elle a passé son après-midi avec Tristan. Elle prend un air peiné… Elle a raconté à mon petit lion certains de leurs souvenirs communs : la fois où il est sorti en pleine nuit et comment Ma l’avait retrouvé, ou encore quand il s’est fait agressé par Ritchie et tout le déroulement qu’il y a eu.

Mais rien. Il n’a eu aucun réflexe, aucune réaction.

  • Ah si ! s’exclame-t-elle. Lorsque je suis arrivée au passage où tu es entré couvert de sang, ses yeux se sont arrondis et teintés d’inquiétude. C’est le seul sentiment vraiment expressif qu’il ait émis de tout mon récit.

Je reste éberlué. Je ne dois pas me fondre dans l’espoir, pourtant tout y tend… Je réalise que j’ai peur, je suis terrifié… Si mon amour devait rester à sens unique, je ne sais pas… Je ne sais pas ce que je ferai. Pourtant…

Je crois que quand il s’agit de toi… Mes souvenirs reviennent plus vite… mes sensations aussi…

Puis sa main dans la mienne. Une douce chaleur s'est alors répandue dans mon corps. Ce sentiment bien connu aujourd’hui a gonflé mon coeur…

Assis sur le lit, je lâche ma tête entre mes genoux. Je sens que mes larmes montent : un énorme sentiment de tristesse s’empare de moi et je ne peux pas, je ne peux plus le laisser à l’intérieur. C’en est trop.

Je sens les bras de Ma se refermer sur moi. Elle ne dit rien et se contente de me consoler. Je pleure à chaudes larmes, ma tête posée sur la poitrine maternelle. Quelques minutes plus tard, je me sens mieux. J’avais vraiment besoin d'extérioriser ma détresse.

  • Je crois… commence Ma. Je crois que je devrais te laisser le soin de lui rendre ses souvenirs.
  • Je… Quoi ?
  • Rey… Tristan n’est expressif qu’avec toi. Votre lien est beaucoup plus fort que ce que je croyais. Je l’ai déjà dit et je l’affirme encore aujourd’hui : si quelqu'un peut faire revenir notre Tristan, c’est bien toi.

Un lien fort ?


Ma nuit a été assez courte. Je n’ai pas cessé de réfléchir à comment aider mon petit lion sans le briser ou le détruire… Et… Je n’ai pas trouvé de solution adéquate. Je me suis assoupi aux aurores. Je pars pour l’hôpital vers 11h30 avec l’espoir de manger avec lui et suis reçu par le médecin.

  • Bonjour, M. Renaud.
  • Euh… Bonjour docteur…
  • Pourriez-vous, s’il vous plaît, remettre ceci à votre mère ? me demande-t-il, en me tendant une enveloppe blanche.

J'acquiesce en la prenant, tout en me demandant de quoi il peut bien s’agir. Il me fait un signe de tête avant de soupirer et de se passer une main lasse sur son crâne à moitié dégarni. Je retourne l’enveloppe et lis l'inscription : Laboratoire d’analyses médicales.

Sûrement les résultats d’une quelconque prise de sang.

J’entre dans la chambre. Tristan est allongé, le visage perdu dans le vague. Lorsqu’il me voit, son sourire est doux et sincère.

  • Bonjour, toi… me salue-t-il.
  • Salut… mon petit lion.

Son sourire s’élargit, je crois même qu’il rougit. Il baisse la tête et un rideau de cheveux blond me cache son visage.

  • Qu’est-ce que c’est ? me questionne-t-il en me désignant l’enveloppe.
  • Aucune idée.

Je m’assois près de lui et nous l’ouvrons ensemble. Il s’agit d’un banal bilan de santé. Bien que… la plupart de ses chiffres ne soient pas très bons si j’en crois mes souvenirs… L’infirmière entre pour lui servir son repas et Trist a une grimace de dégoût en voyant le plateau. Je profite pour prendre des renseignements.

  • Ouh là… Effectivement… Vous êtes en carences de vitamines et de fer. Votre taux de diabète est trop bas et votre taux de plaquettes doit absolument remonter si vous voulez un jour sortir de cet hôpital ! Sans compter qu’il va falloir prendre un peu de poids !

Elle pose le repas sur la table prévue à cet effet et s’en va. Pour un mètre soixante douze, mon petit lion pèse à peine cinquante kilos. Et lorsque je vois ce qu’on lui sert à l’hôpital… Je comprends qu’il n’ait pas envie de manger !

Mmmhh… J’ai aperçu un petit restaurant pas loin, non ?

  • Je reviens mon petit lion.

Je ne lui laisse pas le temps de quoi que ce soit et fonce lui acheter de quoi se nourrir correctement. Vingt minutes plus tard, je l’attable devant un filet de poulet sauce champignon, accompagné de riz. Et pour le dessert : mousse au chocolat ! Ça ne peut pas lui faire de mal, si ?

Ses yeux s'illuminent devant son repas qu’il dévore. J’aime le voir manger de si bon appétit… Lorsque nous étions à la maison, il n’avalait presque rien.

Parfois même par ma faute…

À nouveau, je ressens le venin de la culpabilité et c’est mon appétit qui se coupe. Tant pis, je remets mon masque : il ne doit se douter de rien. Je picore dans mon assiette sans vraiment apprécier la nourriture, pourtant pas mal.

  • Fais aahhh…

Tristan me sort de ma rêverie. Lorsque je me reconnecte à la réalité, j’ai sous le nez une immense cuillerée de mousse de chocolat. J’ouvre la bouche par automatisme et Trist y enfourne la portion de dessert. Lorsque ses yeux croisent mon œil, une petite décharge électrique me parcourt. Il finit son dessert et le mien, non sans m’avoir mis dans la bouche une ou deux cuillères.

Si seulement il pouvait me nourrir d’une autre manière.

Je secoue la tête face à cette pensée totalement inappropriée à l’instant T. Mes désirs prennent de plus en plus de place… Je réalise encore une fois à quel point Tristan a pu être fort. Saurais-je faire preuve d’autant de détermination ?


Cela fait trois jours. Trois jours que j’ai retrouvé mes prunelles noisettes préférées, adorées. Je reste celui que Trist voit le plus souvent, conformément à sa demande. Ses souvenirs ne semblent pas vouloir revenir… Je savais que cela allait prendre du temps mais je dois dire que la situation est pesante, parfois même invivable.

Nos baisers, nos câlins ou simplement nos moments de tendresse… me manquent terriblement. Aujourd’hui, ce n’est pas encore possible mais je garde espoir. Le plus difficile pour moi est de me retenir face à ses larmes, à ses moments de faiblesse ou juste… face à son sourire, parfois timide, à chaque fois éblouissant.

J’essaie d’être présent pour ses repas : il faut dire que la nourriture de l’hôpital est… infect ! Si il doit reprendre du poids pour sortir, ce n’est pas avec leur plateau qu’il va réussir ! Je lui apporte souvent à manger, variant les plaisirs le plus possible. Malgré cela… Il a d'énormes cernes. Des immenses marques noires qui lui mangent le visage.

Il est environ 14h00, Trist et moi prenons la sortie pour aller dans le fameux jardin. Mon petit lion est distant et me semble très fatigué.

  • Tristan ! Tristan !

Une infirmière nous court après. Nous patientons près de la porte. Tristan semble étonné qu’on l’interpelle ainsi. La jeune femme s’approche de nous, essouflée, et pose une main affectueuse - trop affectueuse ? - sur l’épaule de mon petit lion avant de plonger son regard vert dans mes prunelles noisettes.

Je connais à ce moment-là mon premier pic de jalousie. Mon dieu que c’est désagréable ! Avoir un sentiment de… de… haine aussi fort pour une personne qui ne fait que toucher celui qu’on aime, c’est insupportable. Je me prends à nouveau un coup de fouet : qu’a-t-il pu ressentir lorsque Lydia s’est assise sur mes genoux et m’a… embrassé ?

  • Vous vous souvenez du petit garçon ? lui demande-t-elle.
  • Le petit garçon ? Oh ! Celui qui m’a retrouvé ?
  • Oui ! Il a demandé à vous voir. Enfin, si vous êtes d’accord…

Tristan semble partagé… Il me regarde et une étrange lueur s’allume dans ses yeux. Il se tourne alors vers l’infirmière et lui dit que oui, il veut le voir. Nous la suivons jusqu’à la petite cafétéria de l’hôpital. Le petit est accompagné de sa mère. Tristan s’approche doucement, comme s’il craignait quelque chose.

  • Je… euh… Bonjour… hasarda-t-il.
  • Bonjour… Tu es bien vivant alors, lance le petit d’un ton un peu nerveux.
  • Thibaut ! le réprimande sa mère. C’est toi qui a voulu lui rendre visite ! Soit plus poli !
  • Ne… ne vous en faites pas madame. Ce n’est… qu’un enfant après tout, le défendit Trist.
  • Hey ! J’ai onze ans ! Presque douze ! Et tu ne dois pas être beaucoup plus vieux que moi !
  • À vrai dire - et là il prend une pause avec un air conspirateur - je ne sais même pas quel âge j’ai !

J’ai coup au coeur. Il ne se souvient même pas de ça. Il fait celui que ça ne touche pas mais son masque ne me trompe pas. La maman le regarde avec des yeux attendris et remplis de tristesse. Son expression me rappelle celle de Ma.

Thibaut tenait absolument à lui raconter personnellement comment il l’a trouvé.

Il jouait avec ses copains dans le petit bois, près du canal. Sa bande et lui avaient élu l’endroit comme terrain de jeux parce qu’il y avait beaucoup de cachettes.

Et lui, il en avait une géniale ! Les autres n’osaient pas s’approcher de la vieille maison car ils la croyaient hantée. Sous le porche se trouvait une petite trappe où il pouvait facilement s'y glisser. Lorsqu’il s’est approché, il a entendu comme des craquements puis une explosion : il a tout d’abord cru à des fantômes en colère.

  • Et moi, je n’ai pas peur des fantômes ! Alors, je me suis approché… Et là, j’ai vu des flammes. Elles sortaient par la fenêtre : ce sont les vitres qui avaient explosées ! Et toi… bah tu es sorti par la porte d’entrée. Tu tenais à peine debout et tu avais du sang partout ! Tu m’as juste dit “aide-moi” avant de t’évanouir.

Je pense que, malgré ce qu’il dit, il a dû avoir la peur de sa vie ! Je cache quand même mon sourire, je n'ai pas envie de le vexer. Il a quand même été courageux. Thibaut l’a tiré loin de la maison avant d’aller chercher du secours. Les yeux de Tristan se sont voilés. Son expression est indéchiffrable.

La mère prend le relais. Lorsque le gamin a débarqué chez eux, en hurlant qu’il avait trouvé un cadavre, ses parents ne l’ont d’abord pas cru. Il a presque traîné de force son père vers la vieille maison.

Lorsqu’il a vu mon petit lion, le père a de suite appelé la gendarmerie et les pompiers. Malgré le sang perdu, il était encore en vie, bien que faible. Arrivé à l’hôpital, les médecins l'ont plongé dans le coma pour que son corps puisse guérir au mieux.

Nous discutons encore un moment avant qu’ils ne partent. Thibault est un enfant adorable, plein de vie et tellement fier de sa prouesse ! Il est devenu la coqueluche de son collège. Ils nous quittent vers 16h00.

Nous finissons tout de même par nous allonger dans le jardin, un peu à l’écart des autres, à demi cachés par les buissons desséchés par le soleil. Je laisse ma main en évidence, juste pour voir s’il la prendra. Il me semble perdu dans un autre univers. Je ne sais pas quoi faire pour le ramener. Tristan a mal, je le sais.

  • Rey…
  • Mmmh ?

Il attrape ma main et la serre. Par ce simple geste, je perçois sa détresse. J’entrelace nos doigts et il accentue la pression entre nos paumes.

  • Je… Je veux rentrer à… à… hésite-t-il.
  • La maison ? finissais-je sa phrase.
  • Oui… J’en ai marre de cette chambre d’hôpital. De leurs yeux remplis de pitié. Des milliers de questions qu’ils me posent tous les jours. Ce n’est pas comme ça que je retrouverai la mémoire…

Je suis d’accord avec lui. Nous devons rentrer : ce n’est qu’en fréquentant des endroits et des personnes familiers que ses souvenirs reviendront. Je décide d’en parler à Ma dès que je serai de retour au motel. En attendant, je ne veux que revoir son sourire.

Peut-être que…

Je m’assois un peu brusquement.

  • Attends-moi là.

Je pars en courant, en le laissant perplexe. J’arrive à la petite cafétéria : la vitrine est plus ou moins vide mais je trouve ce que je suis venu acheter. Mon paquet sous le bras, je repars à mon point de départ. Tristan est exactement comme je l’ai laissé : assis, les yeux dans le vague. Une larme roule le long de sa joue.

Je m’approche lentement et me met à chantonner “joyeux anniversaire”. Il lève les yeux vers moi, éberlué. Enfin, il me regarde plutôt comme si j’avais perdu l’esprit. Je lui souris et termine ma chanson avant de m'asseoir près de lui et de lui tendre la petite boîte de gâteaux contenant une tartelette à la fraise.

  • Bon, j’arrive avec un peu de retard… Nous sommes le trois juillet et tu es né le seize juin… mais bon… Je tenais quand même à fêter ton seizième anniversaire. Alors joyeux anniversaire, mon petit lion.

Ses yeux s’embuent. Il me sourit et je fonds. Ses larmes coulent sur son visage et ma main se lève automatiquement pour les essuyer d’un geste que je veux tendre.

  • Ne pleure pas. Un anniversaire c’est censé être joyeux non ?

Ma propre voix est chargée de sentiments contradictoires. Sa tête vient se poser sur mon épaule, exactement dans le creux. Il porte la tartelette à sa bouche et la mange lentement. Je l’observe à la dérobée. Ses yeux sont extrêmement cernés : il m’a l’air épuisé. Il étouffe maladroitement un bâillement de sa main libre et lèche un petit peu de crème pâtissière, restée sur le dos de sa main.

Putain… C’est déloyal… Je ne crois même pas qu’il réalise ce qu’il fait…

  • Tiens !

Je me suis un instant perdu dans mes pensées. Trist tient sa tartelette, à moitié entamée, juste devant ma bouche et attend que je croque dedans. Je le fais, avalant ainsi un énorme morceau.

  • Hey ! C'était censé être mon gâteau !
  • Fallait pas me le mettre sous le nez dans ce cas ! me moquai-je.

Il a enfin retrouvé un semblant de bonne humeur car il rit de bon cœur. Il essuie quelque chose, sûrement de la crème, juste au coin de ma bouche. Ce simple contact m’a électrisé. Son gâteau terminé, je le vois somnoler.

  • Tu veux rentrer ? Tu m’as l’air…
  • Fatigué ? Oui… Je le suis… Mais je ne veux pas retourner m’enfermer dans ce bloc blanc. Je n’aime pas les hôpitaux…

Il soupire : oui, je sais que tu les détestes. Devant son air abattu, je ne peux pas m’empêcher de prendre doucement sa tête et de la diriger vers mes cuisses. Il se laisse faire bien que ses yeux expriment des interrogations.

  • Chhuutt… ne dis rien et laisse-toi faire… murmurai-je.

Entre mes doigts, j’enroule une mèche de ses cheveux, comme je le faisais dans son lit, et m’amuse avec. De l’autre main, je lui caresse le haut du dos. Il ne lui faut pas plus de cinq minutes pour s’endormir.

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