Hors des sentiers battus 15/

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Son repos s'avéra réparateur. Nul n'osa l'importuner, l'Allumé put profiter pleinement du sommeil du juste. De plus, au cours de ses quelques émergences il entendait souvent la voix étouffée d'Albin qui le protégeait.

Dans ces conditions, il reprit pied avec la réalité sans problème en deux jours à peine. Sa famille avait tenté de prendre en charge ses rendez-vous, mais la majorité de ses clients avait refusé, préférant ne traiter qu'avec lui. Cela le toucha.

Aussi, trois jours après sa crise reçut-il la visite du médecin de Vert-Pont. Ce dernier l'ausculta, lui fit une prise de sang et lui détailla les divers réactifs auxquels il soumettait l'échantillon, avant de lui autoriser l'observation de son propre sang au microscope. Une invention récente qui, malgré la fatigue le fascina. Tandis qu'ils discutaient, Adelin entendit de l'agitation derrière sa porte. On l'attendait et on s'impatientait du diagnostic du médecin. Ce dernier s'en amusa.

  • Votre état inquiète vos proches, maître Digitfractor.
  • Que voulez-vous, ce n'est pas la première frayeur que je leur cause... même si celle-ci prends des dimensions inédites.
  • En tout cas, comme vous pouvez le constater, même les réactifs les plus sensibles ne détectent aucune drogue dans votre sang. Je pense que votre état est surtout du à une anémie importante, une fatigue chronique et assurément votre esprit qui vous ronge le corps. Vous devriez vous dégager du temps de sommeil supplémentaire et travailler moins durant trois semaines. Souhaitez-vous le détail de votre ordonnance ?
  • Volontiers !

Le médecin sourit, et prit le temps de partager ses connaissances. En moins d'une heure, Adelin venait d'en apprendre plus sur le fonctionnement du vivant et l'importance de la physique ainsi que de la chimie dans la compréhension du monde, qu'en plusieurs années de curiosité autodidacte.

Le soignant lui prescrit même des onguents qui devaient l'aider à faire cicatriser ses anciennes brûlures. Adelin se sentit submergé par les mille et une prescriptions. En sus des onguents, des soins pour sa plaie au cou et de poudres revitalisantes, il écopait d'inhalations pour se dégager les poumons et d'un savon devant lui purifier la peau.

C'est l'esprit encombré qu'il relut l'ordonnance et prit des notes sur ses nouvelles connaissances. Quand la consultation s'acheva, ses parents interceptèrent le savant pour lui demander d'amples explications. Ceci laissa à Adelin du temps pour se reposer encore, avant de subir un nouvel interrogatoire familial.

Déjà morose à cette seule perspective, il se sentit soulagé de ne voir que sa mère et Albin. Tous deux vinrent avec des chaises, fermèrent la porte et le laissèrent prendre place.

  • Alors, mère, de quoi souhaitez-vous que nous nous entretenions ?
  • Comment vous sentez-vous ?
  • Cela ne change pas, toujours fatigué. Cependant, je me sens apte à répondre à quelques rendez-vous aujourd'hui, ce qu'approuve le médecin.
  • Qu'entendez-vous par "quelques" ?
  • Trois, guère plus.

Sa mère en soupira de soulagement. Elle le tint au courant des arrangements proposés par ses fidèles clients, ainsi que de l'état des dossiers repris par leur famille. Adelin se sentit soulagé de ne pas avoir perdu le fil, et de retrouver en un rien de temps ses repères professionnels. Il approuva de vive voix la répartition opérée par les siens, avant qu'Albin ne les dévie de ce sujet.

  • Nous en savons plus sur ton agresseur... cela a un lien avec les intriguants qui se concertent près du domaine Cippus. L'un d'entre eux a tenté de s'y introduire, les gardes l'ont capturé et nous l'ont confié. Il a aussitôt avoué appartenir à un groupe de trafiquants de drogue en pleine extension territoriale, traitant avec une pègre locale.

À cette dernière information, Adelin battit des cils. Une pègre à Guarrèr ? Cela ne lui parlait pas.

  • Nous l'avons interrogé plusieurs fois, il ne se contredit pas. Et selon lui, l'une des conditions à remplir consistait à assassiner certaines cibles, dont tu fais partie. Il n'a posé aucune question à son comparse.
  • ... Donc, quelqu'un veut ma mort.

L'Allumé ne put retenir un bâillement. Lui qui se sentait prêt à reprendre quelques dossiers faciles éprouvait un nouveau poids sur les épaules. Avec tous les évènements en cours, il avait bien besoin de cela.

  • Nous allons augmenter la sécurité du domaine et ratisser avec plus d'attention encore les environs, ajouta Dame Irène.

Adelin acquiesça, pris d'un étourdissement. Les implications... d'une manière confuse, il sentait que tout ceci était important, que les Fêlés y trempaient... non, pas les Fêlés... Bernard. Le Dépeceur n'incarnait pas les Fêlés à lui seul... et désigner l'Allumé comme cible, ce ne pouvait qu'être son idée. Le nouveau chef de la bande leva un regard suppliant et épuisé au milicien, qui comprit le message. Il hocha la tête, et invita leur mère à prendre congé.

Adelin eut besoin d'une bonne heure à se reposer dans sa chambre, avant de pouvoir tituber en dehors. Désireux de reprendre son travail au plus vite, il descendit lentement jusqu'à son bureau, refusant toute assistance de la part des serviteurs ou de sa famille, pour s'avachir à sa place.

Parvenu à destination, il lui fallut encore du temps pour se remettre de l'effort fourni. Adelin comprit mieux le nombre de précautions données par le médecin. Enfin, il put trier, écrire des lettres, préparer sa fin de semaine allégée. Il ne lui resterait que deux jours, avant que le jour de prière ne survienne... et qu'enfin, Bathilde lui réponde.

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