Hors des sentiers battus 16/

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Les deux jours passèrent vite, partagés entre longues périodes de convalscence et avancées dans différents dossiers. Bien des clients, en particulier les Fêlés tentèrent d'en savoir plus sur ce qui avait bien pu lui arriver, mais sa réponse demeurait la même, sans appel :

  • Nous sommes ici pour parler de votre affaire, et non des miennes.

Quand, enfin, vint le dimanche, Adelin dut lutter contre une lassitude sans précédent. Depuis sa chute dans l'athéisme, l'heure de prière hebdomadaire était devenu un calvaire pire encore qu'à l'époque où il avait la foi.

Mais jamais cela ne l'avait soudé à son lit de la sorte. Même dissimuler ses marques d'épuisement manquèrent de peu de le dépasser. S'habiller, en cachant aussi bien ses stigmates que sa nouvelle cicatrice boursouflée, le fit trembler. Tout au long ses préparatifs, il hésita à se faire porter pâle. À vrai dire, seuls deux arguments le faisaient hésiter, sans lesquels il aurait cédé à la facilité, à moins qu'il ne s'agisse de bon sens.

Tout d'abord, quiconque manquait la messe laissait le champ libre aux langues de vipère locales, et il tenait autant à sa réputation naissante qu'à celle de sa famille, fortement liées.

Aussi, il espérait obtenir la réponse de Bathilde. Jamais elle ne se rendrait à son domaine le visiter.

Ivre de fatigue, il rejoignit les siens au rez-de-chaussée. Une âme charitable lui tendit une canne, dont il s'empara avec un mélange de soulagement à se soulager de son propre poids dessus, et de désespoir à la trouver lourde.

Une vie normale... y aurait-il droit un jour ? En plus de sa fêlure, de sa réputation d'hérétique, de son apparence en dégradation constante, de sa perte de foi... le voilà en sus épuisé comme un vieillard, en passe de renoncer à sa noblesse et une cible d'assassins. Tout ceci lui semblait sans issue. À quel moment un homme seul pouvait-il tenir tête à tout cela, en supplément des tracas du quotidien ?

Sa famille le laissa à ses sinistres pensées sur le trajet. Lors du bain de foule dominical, il se contenta de se faufiler près des portes du temple, se contentant du minimum vital de courtoisie envers ceux qui venaient à sa rencontre prendre de ses nouvelles. Il se félicita d'avoir laissé sa canne dans le carrosse. Ce seul déplacement l'avait mis en sueur.

Quand vint l'heure de faire face aux Cippus, le notaire ne se gêna pas pour laisser le sieur Cippus subir un regard lourd d'une rage fiévreuse. De toute évidence, cela impressionna le noble honi, qui en baissa les yeux sans attendre. Adelin ne connaissait pas vraiment l'origine de ce ressentiment. Peut-être le cumul des évènements, ou la fatigue lui usaient les nerfs et altéraient son peu de raison.

La messe s'avéra longue. Les chants, les génuflexions, tout ceci puisa dans ses résidus de force, aussi bien physiques que mentales. Seule sa volonté lui permit de sortir avec dignité de ce lieu vide de sens pour lui.

Tandis qu'il reprenait contenance dans une ruelle, plié en deux, Adelin entendit Bathilde l'approcher timidement.

  • S'lut... euh... tu... comment tu vas ?

Adelin se redressa avec précautions, et répondit :

  • Salut. As-tu réfléchi à ma proposition ?

Sa belle piqua du fard, avant de balbutier :

  • P'têt pô ici... euy... t'viens chez moi ? Y'aura qu'nous deux...

Son amoureux transi contint un soupir et acquiesça. Son cœur s'emballa sur le trajet, ils durent ralentir le pas plusieurs fois. Sur la route, il devisèrent par intermittence, se racontant leur semaine respective.

Dès qu'ils occupèrent leur place habituelle chez Bathilde, le notaire insista en silence. Sa douce ne parvenait pas à soutenir son regard, ce qui l'inquiétait.

  • Je... j'ai beaucoup réfléchi...

Aucune interruption ne vint, malgré tout le temps qu'elle offrit pour cela.

  • J'crois... qu't'es... ben l'premier mec qui m'aime vraiment et veut pas juste m'sauter. Et... ben... pour t'montrer que... ça m'touche... c'moi qu'vais faire des efforts.

Adelin en demeura bouche bée.

  • 'lors entame aucune d'marche. J'sais pô... comment que j'vais changer, mais j'vais l'faire.

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